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Neva sur Umukubito TV : une « New era » ou simple coup de com ?

L’interview du président Évariste Ndayishimiye, accordée à Juste Gaël d’Umukubito TV sortie ce 14 juillet 2023, a causé du charivari. Cependant, il faut voir au-delà de cet échange. Analyse.

La chaîne YouTube Umukubito TV accumule plus de 86 000 abonnés. C’est immense dans le milieu youtubesque burundais. Dans ce qu’on appelle communément Web TV, cette chaîne YouTube, active depuis le 29 mars 2019, avec ses 542 vidéos, accumule des millions de « views », 6 902 801 précisément au moment de la rédaction de ce billet. 

C’est à plus de 86 000 abonnés donc que le numéro Un burundais a décidé de s’adresser (et aux millions de jeunes burundais). Et évidemment, c’est Juste Gaël, animateur vedette depuis quelques années au Burundi qui a conduit l’interview. C’est sans fioritures qu’il s’est adressé au président avec sa légendaire introduction, suivie d’un high five. Cela a choqué certains, amusé les autres et questionné quelques-uns. Que faut-il voir dans cette interview ? Pourquoi avoir choisi Umukubito TV ? 

Le président « Ami des jeunes  »

Depuis son accession au pouvoir en 2020, Neva n’a cessé de se rapprocher des jeunes et de les mettre en avant. Dès octobre 2020,  il réunissait les jeunes les plus influents du pays.

Le PAEEJ (Programme d’autonomisation économique et d’emploi des jeunes) est aussi un excellent exemple de ce rapprochement. Et depuis peu, Evariste Ndayishimiye est reconnu internationalement comme Champion de l’Agenda Jeunes, Paix et Sécurité, en Afrique, « grâce à son action exceptionnelle en faveur des jeunes conformément aux objectifs de développement durable ». Les beaux parleurs lui ont même trouvé un surnom, « umugenzi w’urwaruka » (l’ami des jeunes). Il n’est donc pas surprenant de le voir sur une Web TV, sachant que cette dernière est devenue un canal d’informations dont la jeunesse burundaise est friande. (Les chaînes YouTube burundaises les plus suivies sont des Web TV).

Cependant, Umukubito TV n’est pas reconnue par le CNC. Cela gêne. Trouble. « Le journalisme est mort, vive la création de contenu ! », m’a lancé un collègue, qui l’avait lui-même entendu quelque part.

 Lors de l’annonce de cette interview sur les réseaux sociaux, un autre collègue (patron de presse) m’a murmuré à l’oreille : « Le président n’aurait-il pas mieux fait de donner cette interview sur un média traditionnel au lieu d’une Web TV ? » Certes… choisir une Web TV n’est pas une mauvaise idée en soi, si l’on juge la période dans laquelle nous nous trouvons.  

« C’est un coup de communication certes, mais… »

Le 23 mai 2021, presqu’un cas similaire a eu lieu en France. Le président Macron a accueilli deux influenceurs célèbres, Mcfly et Carlito sur leur chaîne YouTube, créant la polémique au près du public. Contrairement à l’interview accordée à Umukubito TV, chez McFly et Carlito, Macron n’y allait pas pour un concours d’anecdotes. Alors que, chez Umukubito TV, le président Neva parlait des questions liées à la jeunesse. Tout près d’un étang piscicole, S.E Evariste Ndayishimiye en survêtement accordait un moment à Juste Gaël. Selon un expert en Science politique (sous anonymat), « c’est une stratégie de communication efficace de la part du président de la République. Il faut voir où s’est déroulée l’interview, dans quel cadre, etc. C’est pour montrer que le président est en action ».

Questionné sur le choix du média, le spécialiste répond en deux points. « Premièrement, cela fait un moment qu’Umukubito TV fait des interviews avec des entrepreneurs ou bienfaiteurs surtout de la diaspora. Tenez, c’est après que Umukubito ait rencontré Jackson, le médecin qui a quitté le Canada pour cultiver ici au Burundi, que le président lui a ensuite rendu visite. Dernièrement, c’était Fablice Manirakiza, initiateur d’un projet immobilier qui passait sur cette chaîne. Ce n’est donc pas anodin que le président ait choisi Umukubito TV », analyse-t-il.

Deuxièmement, « le président veut se rapprocher de plus en plus des jeunes. Juste Gaël est très connu parmi les jeunes burundais. C’est un coup de communication certes, mais qui a du sens et qui va dans l’agenda du président depuis qu’il est au pouvoir ».

En ce moment, les extraits de l’interview amusent la toile, et circulent sur les statuts WhatsApp, dérangeant les plus orthodoxes des journalistes. Que retenir donc ? « Ces jeunes qui avaient 15 ans en 2015, qui en ont 22 aujourd’hui, certains déjà propriétaires des chaînes YouTube, pages Facebook, sites web, des directeurs de média », comme le citait Armel Gilbert Bukeyeneza sur Iwacu ne vont-ils pas s’accaparer le paysage médiatique burundais ? Ailleurs, les influenceurs et youtubeurs ont déjà détrôné les grands médias.

« Ces jeunes créateurs de contenus » ne réinventent pas le journalisme (la majorité ne connaît pas les bases du métier) mais ils sont très suivis. Plus que les médias traditionnels. Faut-il que ces derniers se réinventent aussi ? Si le président de la République peut choisir un média non reconnu par le Conseil national de la communication, c’est qu’il y a trouvé un canal plus facile pour approcher la jeunesse burundaise ; incapable aujourd’hui de lire des articles de 1000 mots ou écouter la radio, mais toujours à l’affût du moindre buzz et de ceux qui pratiquent « ukuvumbura » (paparazzis). A new era has come ? 

 

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Les commentaires récents (6)

  1. Pour que l’Afrique se développe, ils nous faut une révolution radicale.
    Le Burundi ne peut pas rester hors-jeu.

    Félicitations à Juste Gael. Le CNC y prendra leçon. Le média n’est pas crédible par son nom…mais par son objectif.

  2. La haine de Caïn lui a poussé de tuer son frère abel et voilà au lieu de soutenir votre collègue qui a eu l’occasion d’être reçu par le président de la république vous êtes fâché contre lui tantôt vous chantez de la liberté de press et voilà le merde que vous venez d’écrire cela montre que vous ne suivez pas la vision de notre président il veut des jeunes en action non plus ibinebwe kuba rero muri reconnu par la CNC ntibisigura komuri en action umukuru wigihugu cacu ashaka abakozi nimureke inzigo nishari nigono