Muha c’est une histoire d’amour, de souvenir et de beauté perdue. Naomi Irakoze n’hésite pas à lui rendre hommage pour les efforts qu’il a pu fournir durant ces années. Elle se permet, dans cette ode, de faire un parallélisme avec une question intergénérationnelle. Mais lui aussi victime du mal « burundais. » Elle compatit.
Je ne me rappelle pas de notre première rencontre. Désolé de te décevoir… j’étais séduite par ces arbres dont le feuillage dansait au gré du vent autour de toi. Ces arbres te « protégeaient, » disaient certains. Mais tout au long de mon enfance tu m’as témoigné de ton indispensabilité, me servant d’intermédiaire entre mon quartier natal et le radieux centre-ville de Bujumbura.
Il y a quelques mois de cela, tes très chers et fidèles voisins, ces arbres dont le feuillage embellissait ton portrait,ont été frappés par la nature dans sa colère. Tentant en vain de te protéger, ils se sont affalés sur toi laissant des fendilles qui ne peuvent s’apaiser. Et voilà, depuis ce jour, on essaie de ne pas en faire plus, en utilisant juste ce petit bout de goudron restant. Essayant de compatir avec toi en s’alignant pendant des heures afin de te donner un peu d’apaisement tout en acceptant d’être en retard.
Mon petit pont, ton agonie me rappelle celle du Burundais qui après avoir servi de pont, ce réservoir aux voix qui doivent remplir les urnes en faveur de tel ou tel politicien est laissé aux oubliettes. Ces derniers passent leur route récoltant nos voix et après agissent de telle façon que même les appuis budgétaires qui auraient aidé pour te réparer, mon cher pont, sont gelées.
Mais j’aime comment mon cher pont tu nous mets sur le même pied d’égalité. Même les pick-up toujours pressées avec leurs sirènes et sifflets assourdissants doivent s’aligner et attendre parmi nous.
Trop fiers pour reconnaitre qu’ils ont failli et que l’aide financière est nécessaire pour compenser leurs besoins, ils préfèrent se nourrir de leur arrogance acceptant de te sacrifier.
Ô petit pont… pont Muha. Tu te remémores de la belle époque, quand ton visage était sans rides ni taches ? Quand tu t’exaltais de soutenir le pays entier ? Quand tu prévoyais que les petits enfants qui passaient sur toi prendraient soin de toi ? Mais ce n’était que des rêves car certains de ces enfants ont grandi mais ils n’ont pas pu être des ponts pour les générations suivantes. Au contraire ils sont devenus des trous ne nous permettant pas de voir la reluisante Bujumbura.
Petit pont… mon pont Muha, je compatis avec toi.
waouh!…je compatis avec vous!
love it! J’adore la métaphore…