Récemment, le président de la République du Burundi a lancé la campagne officielle de vente des minerais burundais à l’étranger. Depuis ce jour, le sujet fait couler beaucoup d’encre et de salive. Il est partout, des conversations, que ce soit dans les bars, dans les bureaux ou sur les réseaux sociaux. Pour beaucoup, cette annonce sonne comme une lueur d’espoir dans un contexte économique difficile. Mais derrière cet enthousiasme, une question persiste : cette vente, marque-t-elle réellement le début d’une solution durable aux problèmes financiers du pays, ou s’agit-il d’une illusion collective ?
Depuis plusieurs années, le Burundi fait face à une pénurie chronique de devises étrangères, entraînant des ruptures de produits de première nécessité comme le carburant, les médicaments ou certains denrées alimentaires. Dans un tel contexte, l’exportation officielle des minerais pourrait apparaître comme une bouffée d’oxygène pour l’économie nationale. Le pays dispose en effet de ressources minières : or, coltan, nickel, terres rares,… des richesses naturelles qui, jusqu’à présent, ont très peu profité aux caisses de l’État. D’après l’analyse du Parcem, le secteur minier contribue à 1 % du PIB au Burundi.
Entre rumeurs et réalités
Cependant, au milieu de ce vent d’optimisme, certaines rumeurs circulent déjà. Beaucoup affirment que la récente baisse du taux du dollar observée au Burundi serait due à la vente de ces minerais. Pourtant, selon Faustin Ndikumana du Parcem, ces minerais n’ont même pas encore atteint leur destination. Autrement dit, il est encore trop tôt pour attribuer toute appréciation monétaire à cette nouvelle politique d’exportation.
Les défis de la fraude et des circuits parallèles
La réalité est plus complexe. Pendant longtemps, l’exploitation minière au Burundi a été dominée par des circuits parallèles et des pratiques artisanales. Depuis plusieurs années, les autorités alertent sur la vente illégale et la fraude dans le secteur minier, mais ce fléau persiste malgré les mises en garde répétées.
En 2022, le président de la République du Burundi a soulevé le problème de l’exploitation illicite des minerais dans la province de Kayanza. Il a déclaré qu’il existait plusieurs sites d’extraction, mais que les minerais n’étaient jamais visibles, laissant planer le doute sur la destination réelle de ces ressources. Le Chef de l’État a même cité certains noms bien connus dans le monde des affaires, soupçonnés d’être impliqués dans ces activités illégales. Ce commerce illicite prive le pays de recettes considérables et affaiblit la transparence du secteur.
La valeur ajoutée, l’autre talon d’Achille
Un autre problème majeur est que les pays producteurs, dont le Burundi, ne bénéficient pas pleinement de leurs ressources. Trop souvent, les minerais sont exportés à l’état brut, sans aucune transformation ou valorisation locale. Cette pratique prive les économies nationales de la valeur ajoutée qui aurait pu être créée par des activités de transformation, de raffinement. En conséquence, peu d’emplois durables sont créés, les recettes fiscales restent limitées, et les retombées économiques pour les communautés locales restent faibles.
Une gestion transparente s’impose
Ainsi, même si les autorités affichent leur volonté de mettre de l’ordre dans ce domaine, la réussite de cette initiative dépendra avant tout de la capacité de l’État à contrôler toute la chaîne d’exploitation et de commercialisation. Il est donc essentiel que cette campagne ne se limite pas à une opération de communication, mais qu’elle soit accompagnée d’une véritable réforme structurelle : encadrement des coopératives, mécanismes de traçabilité, contrats transparents avec les partenaires étrangers, et surtout une redistribution équitable des bénéfices.
La vente officielle des minerais burundais à l’étranger est une opportunité historique. Si elle est bien gérée, elle pourrait renforcer les réserves en devises, stabiliser le franc burundais et financer le développement national. Mais si elle est mal encadrée, elle ne sera qu’une illusion de plus, une promesse de prospérité qui s’évapore avant même que les minerais n’atteignent leur destination.
