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[OPINION] L’indépendance, un cheval en bois ?

63 ans de liberté retrouvée, ça se fête. Les militaires défileront en rangs serrés, les quelques 5 ou 6 parachutistes nous gratifieront de ce sempiternel exploit de sauter d’un avion. Des invités, des diplomates, des dignitaires rempliront le stade, et, cerise sur le gâteau, le président de la République nous servira le discours solennel. Mais, à la fin, qu’est-ce que nous célébrons ? A quoi sert concrètement l’indépendance ? Un chroniqueur aux idées anachroniques nous entraîne dans son délire.

Commençons par les concitoyens de Bokassa, qui ont un jour organisé une manifestation qui a étonné le monde. Les Centrafricains demandaient, ni plus ni moins, d’être recolonisés par la France. Si j’étais un politicien centrafricain, j’aurais déchiré les habits que je porte à cause de la honte. Ensuite, je me serais suicidé pour avoir tant déçu un peuple.

Mais bon, disons-le sans détour : certains politiciens ont depuis longtemps oublié la signification et le sens des mots comme « fierté », « réhabilitation », « éthique ». Mais bon, revenons à nos moutons, ou à notre patrie de lait et de miel.

Le 1er juillet 1962, le drapeau belge descend. Celui du Burundi monte. C’est un moment solennel et historique qui restera dans les annales du pays. Rappelons le fait que notre indépendance n’a pas été obtenue par une lutte armée. Elle a été le produit d’une concession du pouvoir tuteur belge.

Entre-temps, Rwagasore, qui avait combattu pacifiquement pour l’indépendance immédiate, avait été assassiné le 13 octobre 1961.

Ces parias qui pensaient autrement l’indépendance

Néanmoins, une frange de Burundais plaidait pour une indépendance différée. Certains disaient qu’il fallait une période de 30 ans pour y accéder, histoire de former une élite qui présiderait aux destinées de la nation.

Avec la victoire de l’Uprona de Rwagasore, ceux qui avançaient cette idée sont devenus des parias, des brebis galeuses, des pestiférés qu’il fallait écarter.

Si leurs idées avaient prévalu, le Burundi aurait accédé à l’indépendance en 1990. Si cela s’était passé ainsi, probablement qu’on n’aurait pas connu les terribles événements de 1965, de 1972, de 1988 et de 1990, parce qu’on imagine que les Belges, qui devaient être aux affaires, n’auraient pas permis ces massacres, étant donné qu’ils ne servaient pas leurs intérêts et qu’ils étaient redevables envers l’ONU, qui leur avait donné un mandat pour gouverner le Burundi.

Peut-être que Melchior Ndadaye serait encore en vie si on avait été plus prudents à l’avance.

Rwagasore a-t-il été naïf ?

Dans sa magnanimité, Rwagasore aurait-il été dupé par ses compagnons ? A-t-il mal jugé la maturité politique de ses congénères ?

Si l’on observe ce qui a suivi l’indépendance, on ne peut qu’admettre que l’élite qui a pris le pouvoir n’a pas été à la hauteur (le mot est faible). Casablanca et Monrovia (La difficile succession de Rwagasore : l’affaire Casablanca et Monrovia) illustrent cette immaturité politique et intellectuelle, qui a abouti aux résultats désastreux que nous connaissons.

Ces gens, qui avaient pourtant reçu une solide formation académique en Occident, ont failli. Je ne doute pas un seul instant de leur intelligence. Mais ils n’avaient pas assez de maturité politique. Et pour comprendre cela, il suffit de se rappeler que Michel Micombero a accédé au pouvoir à… 26 ans seulement, par exemple. Casser du Hutu, se débarrasser des Tutsi : voilà à quoi se résumait leur vision politique.

Célébrons, oui, mais tirons des leçons.

Nous célébrerons notre indépendance en grande pompe. Certains sableront le champagne, d’autres se jetteront des tonnes de bières et de viandes. C’est bon, tout ça.

Mais entre deux bouteilles de Bright ou de Primus, demandons-nous ce que nous avons fait de notre indépendance.

Qu’est-ce qu’elle vaut encore ?

Au début de ce papier, j’ai évoqué le cas des Centrafricains qui voudraient être recolonisés par la France. Est-ce qu’il n’y a pas des Burundais qui aimeraient être remis sous tutelle belge ?

Combien de Burundais vendraient leurs mères et leurs pères pour un visa pour Bruxelles ? Vous évoquerez peut-être les enjeux économiques, oui, mais le recours aux colons reste un fait.

Dans leurs diatribes dénuées de toute logique, des politiciens d’opérette disent, sans trembler, que si nous sommes pauvres, c’est la faute du méchant colonisateur.

Moi, j’ai envie de leur crier : ça fait plus de soixante ans que nous sommes supposés être indépendants !

Si nous célébrons ce qu’on appelle indépendance, la seule chose intéressante que j’aimerais connaître est celle-ci : combien nous coûtent ces festivités folkloriques ?

 

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