Ce 17 mai 2023, une équipe de onze Burundaises a pris l’avion vers l’Arabie Saoudite. Cet événement marque la concrétisation des accords sur le transfert des travailleurs signés entre le Burundi et le pays de destination en octobre 2021. Enfin une migration officielle vers une région très mal réputée dans la violation des droits des travailleurs. Cette voie légale nouvellement empruntée nous fera-t-elle oublier les douloureuses expériences que détiennent déjà certaines de nos consœurs ? Le doute est permis.
C’est dans l’après-midi que nous apprendrons le départ de la première équipe de onze Burundaises vers l’Arabie Saoudite. Le ministère des Affaires étrangères et de la coopération au développement avait d’ailleurs mobilisé plusieurs journalistes pour la couverture de l’événement.
Sur les images publiées en lignes, la joie se lit sur les visages des futures domestiques. Surement l’excitation qui accompagne le premier voyage dans l’avion pour la plupart. Pour d’autres, c’est peut-être l’engouement envers les 280 dollars américains de salaire mensuel.
Ce n’est pas peu comparaison faite aux travaux domestiques qui sont en grande partie rémunérés à quelques dizaines de milliers de Fbu ici au Burundi. Ce n’est pas aussi une grosse somme si l’on n’est pas certain de sa contrepartie, le travail à être fourni.
Sur le micro des journalistes, une de ces travailleuses a confié : « Je suis heureuse de partir par la voie légale avec un contrat de travail. L’agence recruteur nous a formées à garder les bonnes coutumes burundaises. Nous sommes également rassurées pour notre sécurité… » Qu’ainsi soit-il, souhaitons-le !
Les pessimistes ne demandent qu’à y croire
Pour rappel, Sina dont nous avons parlé dans le titre de l’article est une femme burundaise qui a survécu à des maltraitances sans nom durant son passage en Arabie Saoudite sous la qualité de domestique.
De toutes les peines vécues sans la moindre assistance de celui qui avait facilité son départ, la native de Musigati, baptisé Sina à son arrivée à l’étranger, qualifie d’enfer son ancien pays d’accueil. Son témoignage, recueilli par Yaga, il y a 5 ans, touche le cœur. Personne de nos consœurs en cours d’envoi ne devrait même goûter à une seule miette de l’expérience de traitre qui a dû emporter la vie de Sina.
Le gouvernement rassure. Invité dans une plénière de l’Assemblée Nationale du 21 avril 2022, Gervais Ndirakobuca alors Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire a répondu à tout un tas d’inquiétudes des élus du Peuple sur le sujet d’envoi des travailleurs en Arabie Saoudite : « Tout d’abord, l’objectif de l’accord entre le Burundi et les pays de destination est de bannir toute forme de migration clandestine pour donner libre champ à un placement officiel que pourra profiter, et le travailleur et le pays à travers l’entrée des devises générées par le travail fourni », a-t-il commencé.
Et de poursuivre : « La concrétisation de ces accords vise à couper court aux spéculations des faux commissionnaires qui demandaient des frais de dossiers et voyages alors que supportés par leurs employeurs. La voie légale permettra à quiconque désirant travailler à l’étranger de ne pas recourir à des ventes aux enchères de toutes les richesses familiales en vue de partir. »
Et face à la maltraitance ?
« En cas de litiges entre le travailleur et son employeur, les services de l’ambassade du Burundi dans le pays seront prêts à intervenir. Au besoin, le gouvernement du Burundi prévoit de disponibiliser des avocats pour assistance juridique », a indiqué M. Ndirakobuca.
Afin d’éviter la surexploitation, les licenciements abusifs et autres éventuelles formes de violences envers les travailleurs, le recrutement doit se référer au code du travail en vigueur dans le pays. Conformément à ce code, ceux inéligibles et les mineurs sont privés de la sélection, a ajouté le ministre.
Quant à la gestion de leurs revenus, ces travailleurs doivent, avant de partir, ouvrir un compte bancaire dans une institution financière reconnue, le seul et unique canal par lequel doit transiter son salaire, a précisé le ministère.
Si les anciens travailleurs n’avaient pas la liberté de communiquer tel que ce fut le cas pour Sina, il est prévu d’ouvrir un numéro vert pour solliciter une assistance quelconque. Le ministre a même révélé la création d’un centre d’aide aux victimes de probables violences.
Des réponses bien formulées, mais qui n’empêchent pas aux pessimistes de garder leur pessimisme.
Que serait devenue la fameuse « Kafala » ?
En droit musulman, Kafala désigne, à l’origine, une procédure d’adoption non plénière. Cette adoption s’est transformée, dans certains États arabes, en un principe de parrainage des travailleurs étrangers, ouvriers ou domestiques surtout, par une entreprise ou une association locale, voir même un simple citoyen.
Par ce système, l’autorisation du parrain est aussi obligatoire pour quitter le pays. A l’arrivée, les migrants sont obligés de laisser leurs passeports à leurs parrains. Une fois que les conditions de travail deviennent insupportables et que le travailleur décide de s’enfuir, il devient automatiquement un sans papier.
Le plus souvent, les démissionnaires, pratiquement sans économies sur eux, sont récupérés par les dalalas, argot swahili qui signifie « faux commissionnaires » qui prétendent sauver les domestiques dans des situations précaires alors que voulant tout simplement les exploiter à leur tour dans des emplois « payés au noir », lit-on sur Les Observateurs.
Les conditions de travail dans les pays du golfe sont si serviles que certains les assimilent à de l’esclavage moderne. Depuis 2021, le Royaume d’Arabie Saoudite a entamé des réformes sur le traitement des travailleurs, mais selon Migrants Rights, une ONG qui défend les droits des travailleurs étrangers dans le Golfe, les plus vulnérables, dont les domestiques, près d’un tiers des 10 millions de travailleurs migrants dans le pays, d’après Amnesty International, ne sont pas concernés. Pour Migrants Rights, les réformes n’éliminent pas complètement le système Kafala.
En plus des onze Burundaises parties vers l’Arabie Saoudite, un bon nombre d’autres Burundais attendent leur tour. Ce Royaume réserve à lui seul 75 mille postes vacants pour le Burundi, apprend-t-on auprès du MAE. Et, selon toujours la même institution, l’objectif visé par le gouvernement est d’atteindre au moins cent mille travailleurs migrants burundais d’ici trois à quatre ans.
Attendons et voir le message que nous livreront nos « premières envoyées ».
Je ne vois pas ds l’article si le travailleur a droit de posséder un téléphone pcq c’est le seul moyen de garder le contact avec les siens