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Le livre burundais, l’étrange denrée rare de nos bibliothèques

« La lumière est dans le livre », disait ce cher Victor Hugo, un des génies de la littérature française. Française ? Pourquoi je vous cite un auteur français alors que nous avons Michel Kayoya, Nicodème Bugwabari, Roland Rugero, etc ? Et bien, pour les citer, il faut les avoir lu. Pour les lire, il faut avoir leurs livres, et c’est là tout le nœud du problème. Une recherche acharnée mais infructueuse d’un livre d’une auteure burundaise a provoqué l’ire de ce blogueur. Coup de gueule. 

Il y a quelques jours, nous célébrions en grande pompe les 59 ans de recouvrement de l’indépendance du Burundi. Cependant, un secteur est rachitique en ce qui est de l’indépendance, le livre. Une bien triste réalité dont j’ai reçu une piqûre de rappel ce matin. À la recherche d’un des romans de Thérèse Toyi, un des bibliothécaires m’a dit que l’ouvrage est exclu du prêt. Il y en a que trois exemplaires. Devant le guichet, des centaines de nouveaux exemplaires de Balzac, de Flaubert, de Stendhal, bref la crème des classiques de la littérature française.

Oui le Beau se fiche des frontières, mais…

Je n’ai rien d’un nationaliste pur et dur. Je ne fais pas partie de ceux qui demandent aux gens de ne consommer que local. J’ai la faiblesse de penser que le Beau se contrefiche pas mal des frontières géographiques. Un Burundais qui s’extasie devant un Dostoïevski ou un Houellebecq n’a rien d’un renégat.

Mais tout excès est mauvais, dit-on. Et là, nos bibliothèques ont dépassé de loin les bornes. Je me souviens que pendant toute ma scolarité au secondaire, on payait deux mille francs burundais de frais de bibliothèque et laboratoire. 

Mais où diable allait cet argent? Il y a des milliers d’établissements scolaires pour lesquels la bibliothèque est un minable local où sont entassés des cartes géographiques et quelques dictionnaires. Les laboratoires ? Quelques mètres carrés qui ne contiennent que des tubes à essais.

Qui a dit que les Burundais n’écrivent pas ? C’est faux !

Pourquoi n’ont-ils pas acheté des livres écrits par des Burundais ? C’est pour cela que certaines gens disent que les Burundais n’écrivent pas, CE QUI EST ABSOLUMENT FAUX.

Notre imaginaire collectif est nourri de ce dont l’on nous abreuve. Si tu n’as jamais vu un livre écrit par un Burundais, tu peux dire qu’ils n’écrivent pas. Je me souviens de ce jeune étudiant en sociologie à qui on demandait s’il rêvait d’être comme Bourdieu. Pourquoi n’ont-ils pas pris pour référence Désiré Manirakiza ou Nicodème Bugwabari ? Parce que tout simplement leurs travaux ne sont pas servis aux Burundais, souvent sujet de leurs travaux.

Mais franchement, même la bibliothèque Centrale de l’université du Burundi avec ses 250.000 ouvrages? C’est le service public, non? Pourquoi n’achètent-ils pas ces livres burundais ?

Acheter 100 livres ou sponsoriser un tournoi de foot ? Le choix est clair !

En sortant de la bibliothèque, j’ai fait part de ma petite colère à un bibliothécaire. Il a souri. Un sourire de résilience, pas un sourire d’amusement, m’a-t-il semblé. Ce sourire, j’avais l’impression qu’il voulait me dire: « Petit, fais ton chemin. Tu sais que c’est facile de sponsoriser un tournoi de football que d’acheter cent exemplaires d’un écrivain burundais ».

« Uwushaka guhisha Umurundi ikintu aracandika » (celui qui veut cacher quelque chose à un Burundais, il le met à l’écrit), a-t-on l’habitude d’entendre de la bouche de nos compatriotes. Continuerons-nous de répéter bêtement ces idiomes réducteurs tournant en dérision nos tares ? Ou déciderons-nous un jour de travailler pour le rayonnement de notre culture en rendant les travaux de nos érudits accessibles ?

 

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