Le Burundi s’achemine vers les échéances électorales de 2025. Le président de la République a déjà appelé les citoyens aux urnes, et nous sommes déjà en plein campagne électorale. Néanmoins, ils sont nombreux à s’interroger sur la nécessité de maintenir un des héritages de l’Accord d’Arusha, à savoir le mode d’élection des listées bloquées, a fortiori, quand ce document devient de plus en plus caduc, de l’avis même des hautes autorités du pays. Ce mode, qui ne permet pas au citoyen d’exercer pleinement son droit, ne devrait-il pas être abandonné ? Un blogueur pense à haute voix.
Le système démocratique suppose la gestion de la Res Publica par le peuple lui-même. Mais comme tous les citoyens ne peuvent pas participer directement au gouvernement de la cité, ils se choisissent des représentants qu’ils délèguent pour exercer le pouvoir en leur nom. C’est de là que trouve son essence le fameux énoncé qui revient souvent quand on parle des fondements du système démocratique : le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple. Ce qui vient d’être dit insiste, en quelque sorte, sur le rôle primordial du peuple ou des citoyens dans un régime qui se veut démocratique. Ce dernier (le peuple) est tout simplement la source du pouvoir. C’est cela qui fait que dans certains pays, même s’ils peuvent appartenir à des formations politiques, les députés et les sénateurs sont directement élus par le peuple à leur propre compte.
Le droit de choisir
Cela veut dire que, dans les conditions normales de températures et de pression (CNTP), si les gouvernants ou les représentants du peuple perdent son soutien, ils doivent partir. Pour souligner le rôle fondamental des citoyens dans un régime démocratique, rappelons que parfois, pour des questions cruciales engageant le destin de la nation, les pouvoirs publics soumettent parfois certaines décisions à l’approbation du peuple par le biais du référendum. C’est ainsi par exemple que l’Angleterre a soumis à l’approbation du peuple la décision de quitter l’Union Européenne. Plus important encore, si le peuple est défait de son droit inaliénable de se choisir directement ses dirigeants, on ne peut plus parler de démocratie, à proprement parler.
Toute proportion gardée, soulignons qu’il arrive quand même que le peuple délègue ses pouvoirs. Ainsi, dans des régimes parlementaires, ce sont les députés qui élisent le chef de l’Exécutif. Cela est tout à fait normal dans des états démocratiques.
Un résidu de l’Accord d’Arusha qui a pris des rides
Au Burundi, la démocratie a été viciée dès sa naissance, dès son accès à l’indépendance. S’en sont suivies des crises cycliques qui ont endeuillé le pays pendant des décennies. Le point culminant de ces crises a été la guerre civile qui a endeuillé le pays depuis 1993 jusqu’en 2005 et qui a fait des centaines de milliers de morts. Pour mettre fin à cette tragédie, les leaders politiques se sont convenu d’un mode de gouvernance démocratique dans ce qu’on a appelé les Accords d’Arusha. Un élément a alors été glissé dans ce document obtenu de haute lutte, à savoir la liste bloquée, pour assurer les équilibres ethniques et l’inclusion des femmes. Il était peut-être aussi question de permettre aux formations politiques de rester maître du jeu ou peut-être de garder une main mise sur leurs délégués. Paul Ngarambe, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante, dit à ce propos qu’il s’agissait de « garantir un jeu politique dans l’ordre et de qualité, on a instauré les listes bloquées pour s’assurer qu’il n’y aura pas de va-et-vient des politiciens entre les formations politiques », ce qu’on appelle « la transhumance politique ». C’est donc les formations politiques qui gardent la prérogative de déterminer qui sont les candidats sur la liste et à quelle position. Le peuple est donc obligé de voter, non pas directement pour les candidats, mais pour les listes établies dans des bureaux des formations politiques. Parfois, certains partis politiques établissent une culture démocratique dans leurs rangs et confient la tache de choisir ceux qui seront sur les listes à leurs militants. La réalité est que le peuple ne votera pas directement pour les candidats, mais pour une liste établie par une formation politique.
Des conséquences ?
Dans un pays comme le nôtre qui a vécu sous des régimes de dictature, le Burundais n’a eu que des dirigeants qui lui ont été imposés pendant longtemps. Le souci de stabilité qui a sans doute poussé les négociateurs à opter pour ce mode d’élection est compréhensible. Dix neuf ans après l’Accord d’Arusha, ce mode ne devrait-il pas être revu ? A fortiori, maintenant que le parti au pouvoir a tendance à écarter ce texte qu’il juge caduque. Ne faut-il pas continuer avec cette logique et abandonner ce mode d’élection ? Paul Ngarambe est très clair à ce sujet : « Pour moi, je suis d’avis qu’il faudrait ouvrir les listes. Qu’elles ne soient plus bloquées, puisque le multipartisme est une réalité dans notre pays ». Il le dit comme ça, car il pense que les raisons à la base de l’instauration de ce mode d’élection ne sont plus d’actualité.
Maintenant que le pays est supposé avoir trouvé la stabilité, priver le peuple de son droit d’élire directement ses représentants revient à diminuer son droit de contribuer ou d’influencer le destin de sa nation. La proximité avec les élus s’en récent. C’est peut-être pour cela que les parlementaires préfèrent vivre à Bujumbura que près de leurs électeurs. Mais encore, si ce sont les formations politiques qui adoubent les candidats, ces derniers seront redevables devant ces formations et non pas devant le peuple, ne dit-on pas en kirundi que umwe wese yihaya uwamugabiye ? Ce qui foule aux pieds le fait que lorsqu’un député est élu, son mandat devient national. Cela veut dire qu’il n’est redevable que devant cette nation qui l’a élu. « C’est une occasion pour les chefs de partis de mettre sur la liste des personnes de leur choix. D’où nous avons des élus dont les compétences sont douteuses. », indiquait le politiste Denis Banshimiyubusa à notre blogueur Arnaud Igor Giriteka.
Pire encore, un élu sera enclin à suivre les injonctions de son parti et n’œuvrera pas en fonction des intérêts du citoyen. C’est comme ça qu’on a des députés qui ne vont à l’hémicycle de Kigobe que pour lever la main et voter une loi qu’ils n’ont peut-être même pas lu, parce que le parti leur a demandé de faire ainsi. L’histoire retiendra que lorsque 22 députés ont osé défier le parti au pouvoir, ils ont été dégommés.
C’est ridicule vraiment.je dirai que les elections sont vraies si je voterai directement le depute.