Vivre dans la périphérie sud de la capitale économique échappe à des formules toute faites. Les jeunes tentent tant bien que mal de s’adapter à ce milieu qui présente ses avantages et son petit lot de défis.
À l’arrêt-bus devant le marché de Ruziba s’observe un grand mouvement de jeunes. Comme dans presque tous les marchés du pays, il ya beaucoup de jeunes qui se cherchent comme on dit. Une image parfaite de ce qu’est la démographie du Burundi. Les jeunes constituent une majorité numérique flagrante.
Assis sous un parasol à l’effigie d’une compagnie de télécommunication, Jules, 26 ans scrolle joyeusement son smartphone. Entre deux transactions, il consulte son téléphone. Ce n’est pas qu’il est désœuvré, le Jules. Un client le lui reproche d’ailleurs. « Tu devrais être plus attentif, gamin ! ».
L’arrêt-bus est la place pour les affaires pour certains jeunes. Vendeurs à la sauvette, vendeurs d’unités, marchands ambulants de différents articles, ils sont nombreux à avoir jeté leur dévolu sur ce lieu. « La concurrence est moins rude qu’au centre-ville », explique Jules.
Cette explication, il la partage également avec Lydie, 19 ans, vendeuse de fruits. Pour elle, « l’informel est plus toléré ici qu’au centre-ville parce que ça dépanne pas mal de gens », allusion à peine voilée de ce qu’endurent les vendeuses de fruits au centre-ville qui jouent au chat et la souris avec les autorités municipales à la cueillette des taxes.
Tout n’est pas non plus rose
Si ce qui est perçu comme manque de concurrence est salué par Jules, Melchiade, 30 ans, vendeur d’ustensiles de cuisine, nuance. Pour le jeune lauréat de la faculté des lettres à l’Université du Burundi, « c’est parce que le terreau n’est pas favorable que les jeunes n’investissent pas en grand nombre. Sinon, continue le poilissime qui est resté fidèle à la chemise à longues manches, ils resteraient ».
Pourtant, Ruziba a ses atouts à faire valoir. Les loyers sont nettement inférieurs par rapport au centre-ville. Il n’est pas difficile de s’offrir une échoppe à un prix raisonnable. Jimmy, 28 ans et sans emploi, essaie de trouver le nœud de ce paradoxe dans le facteur de l’attractivité. « Le pouvoir d’achat des gens d’ici est relativement bas, c’est pour cela qu’il vaut mieux aller tenter sa chance ailleurs. ». Sur la question de savoir s’il se lancerait dans une affaire à Ruziba s’il venait à avoir un capital consistant, la réponse est nettement non. « Je tenterais au centre-ville ou dans de plus proches périphéries, Kanyosha par exemple ».
Consolate, 25 ans, tenancière d’un petit restaurant ne goûte visiblement pas au côté low cost de Ruziba. « Si le prix des aliments monte, tu ne pourras pas le répercuter sur le prix de l’assiette. Ils voudront toujours le même service à bas prix. J’en connais qui ont déjà abandonné parce que les standards d’ici sont un peu bas et ce n’est pas la faute aux clients, c’est la vie ».
Low cost, moins concurrentiel, terre d’entrepreneuriat, l’image de Ruziba chez ses jeunes n’est pas monochrome. Il faut toutefois souligner la force de résilience qui les caractérise. Cette philosophie est d’ailleurs résumée dans une drôle de formule de Fiston, vendeur de cacahuètes pour qui « mu Ruziba si mu Kiziba », en substance, Ruziba n’est pas un trou à rats.
Cet article s’inscrit dans le cadre du projet EEYP – Economic Empowerment of Youth towards Peacebuilding and Crisis Prevention in Burundi soutenu par IFA & GFFO et exécuté par WAR CHILD et AJEBUDI-YAGA