Il n’y a pas longtemps, la commune Buganda profitait largement de sa proximité avec la République Démocratique du Congo (RDC) et ce sont les jeunes qui tiraient leur épingle du jeu. Mais voilà, la Covid est venue tout chambouler et bonjour la précarisation des jeunes du coin. Ce blogueur est allé voir de quoi il en retourne. Voici son récit.
Qui ne se rappelle pas du commerce florissant des vivres à Nyamitanga, Ndava, Gasenyi aux abords de la RN5? Qui n’a pas encore vu des voitures des Congolais s’arrêter pour faire des emplettes avant de continuer leur voyage? Ils étaient nombreux les jeunes qui profitaient de la proximité avec la RDC pour gagner leur vie. Des piroguiers qui assuraient la traversée de la Rusizi aux petits exploitants agricoles qui vendaient leurs récoltes au « Grand pays » en passant par les « vétérinaires » qui servaient aux Congolais la succulente brochette de chèvre. Mais hélas, tout ce beau monde à mis la clé sous le paillasson à cause du Covid. Maintenant, ils n’ont que leurs yeux pour pleurer, en attendant des jours meilleurs.
Finie la lune de miel entre les Congolais et Burundais riverains de la Rusizi
Pourtant tout semblait bien parti pour une longue lune de miel entre les localités de la RDC et celles du Burundi. Avec la fin de la guerre au Burundi et en RDC, de bonnes et riches relations se profilaient à l’horizon entre les Mwana Mboka de Sange, Kiliba, Kitemesho, voire Kamanyola et les Barundi de Ndava, Gasenyi, et Ruhagarika. C’était sans compter sur cette pandémie venue de nulle part pour tout détruire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette situation touche les jeunes de Buganda « bari bamenyereye kurya ikirimve bacirasheko » (qui mangeaient à la sueur de leur front). Cela est d’autant vrai que les jeunes devaient entreprendre à tout prix parce que c’est eux qui constituent la grande frange de la population de la commune de Buganda à hauteur de 60% sur une population de 120.536 habitants. Avec une superficie de 186,28 km2 et donc plus ou moins 500 habitants/km2, ce n’est plus les seules activités traditionnelles (agriculture et élevage) qui pourraient faire vivre tous ces jeunes. Ils sont donc contraints d’inventer, d’innover, d’entreprendre autrement pour s’en sortir. Mais seulement ce fléau est venu tout remettre en cause. Ce n’est pas Marcelle Harerimana, une jeune commerçante âgée de 21 de Ndava qui dira le contraire. « Les Congolais amenaient des tissus, du manioc, des habits et nous on leur apportait du sel, le Ndagaka, l’huile de palme, les avocats, sans oublier les produits Brarudi. Il n’y avait même pas beaucoup de papiers à produire pour se rendre en RDC. Maintenant c’est foutu », déplore la commerçante. Et elle n’est pas la seule à regretter la fermeture des frontières à cause du Covid.
Les jeunes tirent le diable par la queue
Cécile Nizeyimana, 20 ans, de Kansega à la 4ème TR de Ndava se rappelle du bon vieux temps où les Congolais faisaient son bonheur. « Je pouvais vendre 2 gros paniers de tomates pour un bénéfice de 20 ou 30 mille Fbu par jour. Les voitures ‘’Mapassa’’ (une compagnie de voyage de la RDC) s’arrêtaient systématiquement ici pour faire des provisions. Les Congolais achetaient beaucoup de tomates. Maintenant tout cela est fini. Si j’ai de la chance je peux rentrer avec 10 mille Fbu ».
La jeune fille raconte avec nostalgie qu’elle avait pu s’acheter des chèvres grâce aux bénéfices qu’elle faisait avec son commerce. A côté d’elle, Edissa Tuyizere, elle aussi âgée de 20 ans, qui nous écoutait attentivement intervient spontanément après avoir entendu les plaintes de Cécile. Sauf qu’à la différence de celle-ci, elle a deux enfants de 4 et 2 ans qu’elle nourrissait et habillait avec les revenus qu’elle tirait de la vente des pastèques. « Kumusi narashobora kuzinga mirongo ibiri » (je pouvais empocher au moins 20 mille Fbu par jour). La situation est devenue encore plus compliquée quand elle s’est séparée de son mari. La petite dernière devait commencer la « Gardienne ». Mais avec la morosité des affaires résultant de la fermeture des frontières, elle reste à la maison, en attendant….
L’administration consciente des difficultés
Les jeunes subissent le contrecoup du Covid-19. Et les pertes sont colossales. En dehors du commerce, il y en a qui partaient travailler au pays de Mubutu qui rapatriaient leurs revenus au Burundi, et en dollars. L’or de la RDC passait ici chez nous avant d’être acheminé ailleurs. Chaque vache qui partait au Congo payait une taxe de 2000 Fbu. Chaque bateau/pirogue faisant le transport sur la Rusizi payait 10 mille Fbu par mois à la commune. Les recettes mensuelles de la commune sont passées de 5 millions de Fbu à, à peine, 3 millions, fait savoir Alexis Sibomana, Secrétaire Exécutif Permanent (SEP) de la commune Buganda.
Les conséquences, M. Alexis en énumère d’autres. Il regrette le fait qu’avec cette fermeture les jeunes se soient tournés vers la contrebande. « S’adonner à la fraude, c’est voler le pays », a-t-il martelé dans une rencontre avec les jeunes qui a eu lieu au stade Urunani de Buganda. « Vous êtes le Burundi de demain et d’après demain. Travaillez ensemble et l’Etat sera là pour vous aider ». Un langage plutôt politicien, vous dites vous sans doute. Et bien le SEP de Buganda a précisé son idée: « Les coopératives ne se développent pas parce que vous les avez laissées aux vieux qui n’ont plus d’idée innovantes ». Mais qu’est-ce que cela a avoir avec le souci de la morosité des affaires consécutive au coronavirus qui touche de plein fouet les jeunes de Buganda ? M. Alexis a là aussi une idée derrière la tête: « On devrait préparer un point de passage où on mettrait tout ce qui est nécessaire pour la circulation sans danger des personnes. ». Ici il fait allusion aux dispositifs sanitaires comme celui qui a été installé à Gatumba pour ouvrir le trafic avec la RDC. « C’est comme ça qu’on pourrait éviter ce goulot d’étranglement qui est en train d’asphyxier les jeunes de Buganda. ».
Que Dieu (et peut-être les autorités aussi) t’entende M. Alexis !
Cet article s’inscrit dans le cadre du projet EEYP – Economic Empowerment of Youth towards Peacebuilding and Crisis Prevention in Burundi soutenu par IFA & GFFO et exécuté par WAR CHILD et AJEBUDI-YAGA