Comme partout au Burundi, au cœur des établissements de restauration et d’hébergement de Gitega, un travail de fourmi est effectué par des mains invisibles, mais combien essentiel pour notre confort. Quotidiennement, ces travailleurs et travailleuses infatigables se plient en quatre pour satisfaire nos moindres désirs. Rarement on se pose des questions sur les difficultés et les dangers auxquels ils sont confrontés dans l’exercice de leur métier.
C’est connu, les hôtels, les bars et les restaurants sont des lieux très fréquentés. Dernièrement, j’ai été dans l’un des hôtels de la ville de Gitega, au quartier Musinzira pour accueillir un collègue en provenance de Bujumbura pour une mission de travail. J’avais souvent entendu dire que travailler dans un bar-restaurant est un boulot facile. Mais les serveuses ou les réceptionnistes font face à moultes difficultés insoupçonnées.
Ces filles, parmi lesquelles, Nadège Nahimana (nom d’emprunt) , doivent jongler quotidiennement avec les difficultés inhérentes à leur profession. Parfois, les conditions de travail sont précaires et les salaires dérisoires.
Nadège, 25 ans, slalome habilement entre les clients du bar de l’hôtel, l’éternel plateau de verres ou d’assiettes entre les mains.
Elle accepte de nous raconter son histoire, qui résume celle de nombreuses filles burundaises diplômées mais contraintes de travailler dans les hôtels et les bars restaurants pour joindre les deux bouts du mois.
Elle était déjà exténuée quand nous l’avons abordée. « Ak’uno musi ndakarangije. Je fais ce maudit travail pour survivre, si non ce n’est pas un travail. J’habite au quartier Rango, c’est à 5 km de mon lieu de travail. Souvent, je fais 1 heure de marche à pied depuis mon domicile jusqu’ici. Quand je rentre du travail, je suis fatiguée. Parfois, je paie un taxi-vélo parce que les taxi-moto sont très chers. Pendant un mois, rien que pour le déplacement, je dépense environ 28 000 BIF alors que mon salaire ne dépasse pas 70 000 BIF. »
Une vie très compliquée
Les serveuses comme Nadège sont confrontées à des salaires dérisoires qui ne correspondent pas aux efforts qu’elles fournissent. « Nous sommes sous-payées au regard du travail que nous faisons », tranche Nadège. « Nos salaires ne couvrent même pas nos besoins les plus élémentaires. » Vous comprenez que les 70 000 BIF de salaire mensuel ne peuvent pas suffire pour le transport, le loyer et la restauration. Elle explique qu’elle loue une chambrette pour 20 000 BIF. Quand on retranche le montant des clients qui partent sans payer, c’est la galère.
Heureusement qu’il y a les pourboires. Bien souvent, ils sauvent la mise à Nadège. Elle admet que des fois elle peut rentrer avec 20 ou 25 mille BIF, surtout les week-ends.
En plus de cela, les serveuses sont soumises à une pression constante pour augmenter leurs ventes et atteindre des objectifs du patron.
Hormis ces difficultés financières, les filles doivent faire face à des dangers permanents, notamment les avances indécentes des clients suivies des menaces de renvoi en cas de refus. Les clients se montrent parfois agressifs verbalement ou même physiquement, créant un environnement de travail stressant et dangereux pour elles.
« Je me souviens d’un jour où ma collègue a été frappée violemment par un client sous prétexte qu’elle ne lui avait pas servi correctement», raconte la jeune femme.
Nadège, tout comme ses collègues, est souvent habillée d’une courte jupe noire fendue sur la cuisse gauche et une chemise moulante. Cette tenue, presque uniforme pour toutes les filles travaillant dans des hôtels, est imposée par leurs supérieurs dans le but d’attirer la clientèle, en particulier les jeunes hommes. « Cependant, cette exigence vestimentaire nous expose souvent à des situations délicates. Il suffit de se pencher un peu pour servir à boire que tu surprends des mains baladeuses entre les seins ou entre les jambes ».
SOS
Les serveuses des bars-restaurants et des hôtels sont des personnes comme nous. Ce sont nos sœurs, nos femmes, nos mamans qui méritent le respect. Nous devons les traiter avec dignité. Dans le la mesure du possible, il faut prendre des mesures pour améliorer leurs conditions de travail. Il faut leur assurer la protection qu’offre le code du travail, notamment la protection sociale (cotisations à l’INSS) ainsi que la compensation financière quand elles font des heures supplémentaires.
Quant aux abus dont elles peuvent être victimes de la part des clients, les responsables des établissements devraient s’assurer que ceux qui commettent ces actes soient poursuivis en justice conformément à la loi. En aucun cas, ils ne devraient essayer de protéger leurs clients sous peine d’être poursuivis eux-mêmes comme le prévoit la loi régissant la lutte contre les violences basées sur le genre.
D’ailleurs, malgré toutes ces difficultés qu’elle rencontre, Nadège ne compte pas baisser les bras ou abandonner ses collègues: « Je continuerai de me battre pour un avenir meilleur pour nous toutes ».