Via ce communiqué du 13 septembre 2023, le ministre de l’environnement, agriculture et élevage a demandé à la population habitant dans les zones à risque d’inondations comme Gatumba et autres de se préparer à faire face aux effets des fortes précipitations annoncées par l’IGEBU, pour la saison culturale A (Agatasi). Les concernés sont dans la tourmente. Des experts appellent l’Etat à jouer son rôle.
Gatumba est devenue une zone où des inondations sont récurrentes depuis des années. A chaque fois qu’il y a de fortes précipitations, les habitants de cette circonscription sise à la frontière burundo-congolaise, vivent un vrai calvaire. Destruction des maisons, migrations, conséquences sanitaires, inondations des infrastructures publiques, sociales, etc.
Aujourd’hui, le risque de revivre la même situation n’est pas écarté. D’ailleurs, les services publics ont déjà lancé l’alerte. Une note de l’Institut géographique du Burundi (IGEBU), sur la prévision météorologique saisonnière de septembre à décembre 2023, indique que la pluviosité et la température attendues pour cette période sont supérieures à la moyenne climatologique. Ce qui renvoie à une forte pluviométrie.
Et les dégâts sont déjà enregistrés à Muyinga où des pluies torrentielles mêlées de grêle ont détruit de grandes étendues de cultures dans la commune Butihinda. En mairie de Bujumbura, à Buyenzi, plus de 200 maisons ont été partiellement détruites suite aux pluies torrentielles, en début de cette semaine pour ne citer que cela.
Les habitants ne savent plus quoi faire
A Gatumba, cette information fait frémir. C’est l’alerte générale : « Finalement, qu’allons-nous devenir ? Je venais juste de reconstruire ma maisonnette et voilà, on nous dit qu’il faut se préparer aux nouvelles inondations. Mon Dieu !», se lamente Bosco, un habitant de Gatumba.
Exaspéré, il dit qu’il n’en peut plus de se déplacer chaque année : « Cette année, avec les inondations, j’ai dû fuir avec ma famille dans le site des déplacés pour la troisième fois depuis 2019. Et là, je devais acheter de nouveaux matériels domestiques, retaper ma maison, acheter de nouveaux cahiers pour mes enfants, etc. »
Cette année, confie-t-il, il avait l’espoir de ne plus quitter sa maison : « On nous avait promis de construire des digues de protection. Et voilà, une nouvelle saison pluvieuse vient de commencer sans que ces travaux ne soient même débutés. C’est malheureux. C’est toujours de vaines promesses », glisse-t-il, appelant le gouvernement à tenir sa parole.
Claire, une jeune femme dans la trentaine, semble dépassée. Elle ne sait pas où aller. « Où pouvons-nous aller ? J’ai entendu qu’on nous demandait de nous préparer, mais pour aller où ? Certains venaient à peiner de se réinstaller après des mois dans un site de déplacés, dans des conditions inhumaines. C’est vraiment déplorable. On dirait qu’on est des laissés pour compte », déplore-t-elle.
Comme Bosco, elle se demande pourquoi les digues promises n’ont pas été érigées pour protéger leur zone des crues de la rivière Rusizi, qui sont souvent sources d’inondations de Gatumba. Aujourd’hui, cette mère de quatre enfants se dit fatiguée de se déplacer chaque année : « Nous allons attendre ici. On n’a pas de choix. Parce que nous n’avons pas les moyens de louer des maisons et pouvoir survivre. »
Et l’Etat dans tout ça ?
Pour les experts environnementaux, il revient à l’Etat de jouer son rôle de protection de son peuple. Innocent Banirwaninzigo, environnementaliste, trouve que chaque secteur doit analyser les impacts négatifs pouvant être occasionnés par ces fortes précipitations. Ici, il pointe du doigt les différents ministères et autres services étatiques concernés par les catastrophes naturelles : « Après analyse, ils doivent arrêter des stratégies, des mesures y relatives pour se préparer à alléguer le choc sur la vie de la population », indique-t-il.
Dans le secteur agricole, il suggère que les gens sous l’égide de l’Etat multiplient le traçage des courbes des niveaux qui vont atténuer l’érosion. « Des plantes résistantes aux fortes pluies doivent être privilégiées pour cette saison culturale », conseille-t-il. Par ailleurs, l’expert estime que ceux qui exploitent de grandes étendues, dépendamment de leurs moyens financiers, doivent s’équiper des motopompes : « Ces dernières peuvent être utiles pour dégager l’eau des champs », ajoute M. Banirwaninzigo, recommandant aussi la mise en place des stocks de secours d’urgence que ça soit du côté de la santé, du transport, de l’agriculture, des infrastructures, etc.
D’après lui, de fortes pluies sont souvent accompagnées des vents violents. « Et là, concernant par exemple le secteur éducatif, le gouvernement doit penser aux mesures de secours en cas de destructions des écoles. Où est-ce que les enfants seront installés pour poursuivre les études ? »
Pour la délocalisation des populations, Tharcisse Ndayizeye, un autre expert et professeur d’universités, affirme que c’est l’Etat qui doit le faire. Et, poursuit-il, il faut déterminer d’abord les sites transitoires, rendre disponibles les infrastructures d’accueil, la nourriture, etc. Pour lui, les gens qui se trouvent dans les zones à risques doivent partir afin d’éviter les dégâts humains. « Il faut alors mobiliser les moyens financiers et techniques pour des secours urgents ».
En outre, les fortes précipitations affectent négativement la production, raison pour laquelle, explique l’expert et professeur, l’Etat devrait anticiper en accordant des facilités d’importation des produits alimentaires. Ça permettrait de constituer des stocks alimentaires.
Les deux experts s’accordent sur une chose : « La communication doit aussi être plus renforcée et régulière sur l’évolution météorologique. »
La cartographie multirisque au Burundi, publiée vers fin 2021, montre les zones à risques, exposées aux pluies torrentielles, vents violents, glissements de terrain, inondations et tremblements de terre.
Selon ONU, au Burundi, il y a plus de 10.000 personnes qui ont été déplacées par des inondations dévastatrices, en 2023.