Depuis la nuit des temps, la confiance est un pilastre incontournable de notre société. Lorsqu’elle fait défaut, les rouages se grippent. Selon ce blogueur, la confiance de certains Burundais envers le BIF, la banque et la monnaie électronique semble se réduire comme une peau de chagrin. Analyse.
La confiance est indispensable au bon fonctionnement de toute société. Elle rythme notre quotidien. Chacun des moments de nos vies est tissé de centaines de bouts de confiance. C’est un pilastre incontournable de notre société, nous ne pouvons pas vivre sans elle. Lorsqu’elle fait défaut, les rouages se grippent.
Lorsque nous embarquons dans une voiture, lorsque nous ingurgitons un médicament, lorsque notre enfant va à l’école, ou même lorsque nous traversons la rue au feu rouge, nous avons tous besoin de cette dose, la confiance. Une substance imperceptible pourtant ubiquiste, gratis mais qui rapporte gros.
Depuis le mois dernier, j’ai assisté à un bon nombre d’incidents qui m’ont fait questionner notre système financier. Est-ce que ces incidents révèlent une crise de confiance en notre monnaie, le système bancaire et les sociétés vendant la monnaie électronique ?
Des conflits loin d’être anodins
Un soir du mois dernier, un convoyeur a fermement refusé de prendre un billet de 2000 BIF tendu par un passager, arguant que le billet était usé. Cette réponse a immédiatement provoqué la colère du passager qui a répliqué : « Ce billet est parfaitement valide et légal. Pourquoi refuses-tu de le prendre? » Un autre passager s’est immiscé dans la discussion, cherchant à réconcilier les deux parties ou à exprimer sa frustration. Il a sorti de son portefeuille un billet de 5000 BIF et l’a brandi en disant : « Regardez, je croyais avoir perdu ce billet. Je l’ai retrouvé dans mon sac, après la date limite de changement des billets de 5000 et 10 000 BIF. Désormais, ce billet ne vaut plus rien, il est devenu un simple morceau de papier ! » Cette personne a finalement donné son conseil : « Cessez de vous disputer pour rien, car la valeur de votre billet est nulle. Il peut devenir un simple papier en moins de 15 jours. »
Cette histoire me rappelle un autre scénario avec un convoyeur d’un bus de transport en commun qui a refusé un billet de 5000 BIF lorsque la BRB a changé les billets de 10 000 et 5000 BIF : « Gardez votre argent si vous n’avez pas un billet de 1000 ou 2000 BIF. »
Tout usager des transports en commun est habitué à des affrontements qui dégénèrent souvent en violences verbales, entre les convoyeurs et les passagers. Ces incidents, malheureusement devenus courants, mettent en lumière une autre réalité : la perte de confiance en notre chère monnaie, le BIF.
La jeune femme qui a tenté de réconcilier le convoyeur et le passager, semble traverser une crise de confiance. Elle explique que ces personnes ne devraient pas se disputer pour un billet de 2000 qui peut devenir un simple morceau de papier en quelques jours.
Le manque de confiance en notre fiduciaire
Récemment, certains propriétaires de maisons à Bujumbura ont tenté de louer leurs propriétés en devises étrangères. Cependant, le ministère du Commerce a rapidement rétabli l’ordre en rappelant que les transactions sur le territoire burundais doivent se faire en monnaie locale.
Que cela nous plaise ou non, c’est un fait qui perturbe notre esprit patriotique. Celui-ci réprime toute voix intérieure qui crie : « Tu n’as pas confiance en ta monnaie. » Or, la monnaie reste un symbole de confiance. Cette confiance permet les échanges entre inconnus, la circulation et la réalisation de projets.
D’ailleurs, lorsque j’ai commencé mes études en économie, mon professeur nous a expliqués que le billet de banque, ou monnaie fiduciaire, selon le jargon des économistes, est simplement un morceau de papier qui symbolise la confiance.
Néanmoins, la confiance en la monnaie relève désormais du domaine des banquiers travaillant à la BRB. À mon humble avis, ce n’est plus le poids ou le profil des banquiers qui garantit la valeur de la monnaie, mais plutôt l’expertise, la fiabilité et l’indépendance de cette institution. Ce ne sont plus des armes, mais le temps. Ce ne sont plus seulement les interventions sur les marchés monétaires, mais les mots : la BRB doit créer et maintenir la confiance envers le BIF.
À l’heure actuelle, le rôle fondamental de la BRB n’est pas seulement de limiter la quantité d’argent circulant dans l’informel ou contraindre les gens à utiliser la monnaie numérique, mais de communiquer à travers les mots et les images pour instaurer une confiance durable en la monnaie. Pour y parvenir, la banque centrale doit agir, expliquer et écouter davantage les citoyens : elle doit communiquer de manière plus proactive.
Attendre des jours pour retirer l’argent en banque
Une seconde histoire du BIF m’a bouleversé. Un ami a voulu retirer la somme de 300 000 BIF sur son compte dans une microfinance. Malheureusement, le caissier lui a dit qu’il n’y avait pas de liquidités disponibles. Cependant, l’employé du front office lui a proposé une alternative en lui suggérant de réaliser un virement pour honorer ses engagements envers son partenaire. Malheureusement, cette opération ne pouvait rien lui servir puisque le partenaire voulait obtenir de l’argent liquide.
Cette deuxième situation illustre, selon moi, la perte de la confiance envers la banque. Le client dispose de l’argent sur son compte, mais il ne peut pas faire le retrait en cas de besoin. Cette situation n’arrange ni les banques ni leurs clients. Cependant, elle s’ajoute au mécontentement enregistré au niveau des services bancaires. Comment faire pour consolider la confiance entre la banque et ses clients et améliorer le niveau de satisfaction ?
Un petit détail. Au Burundi, lorsqu’on parle de banque, la majorité des Burundais utilisent l’expression suivante : « Je vais à la banque », alors qu’un client de banque hollandais, français ou anglais, par exemple, dirait « je vais à ma banque » ou « je vais chez mon banquier ». C’est à travers cette différence de langage que nous pouvons comprendre les soubassements de la relation entre la banque et le client au Burundi. Le Burundais ressent une certaine distance, à la fois pratique et émotionnelle, qui le sépare de sa banque. La banque est un passage obligé pour obtenir un prêt pour subvenir à certaines dépenses ou développer un projet ou un investissement.
Retirer la monnaie électronique, un parcours du combattant
La liste des histoires qui me choquent est longue. Pourtant, je vais m’arrêter sur cette troisième. Cette histoire est pour moi, la plus triste que j’ai connue au cours du mois dernier. Au centre-ville de Bujumbura. Je suis à court d’argent. Je veux retirer la somme de 100 000 BIF sur mon compte banque mobile.
À ma grande surprise, le vendeur affirme qu’il a épuisé son portefeuille de la monnaie électronique. Sans la moindre idée de ce qui se passe dans sa tête, je passe mon chemin.
Quelques mètres plus loin, le vendeur m’appelle et me propose une alternative qui nous arrange tous les deux : « Tu sais, nous ne pouvons pas accepter les retraits pour les personnes qui possèdent des comptes *cash. Il est souvent impossible de récupérer notre argent auprès de cette société. Si tu le veux, je peux t’aider à condition que tu me donnes la somme de 10 000 BIF. » Choqué, je lui demande : « Tu veux que je te corrompe pour retirer mon argent ? »
Le troisième cas soulève des inquiétudes légitimes concernant la confiance entre les vendeurs de monnaie électronique et leur fournisseur. Le vendeur doute de la capacité de cette entreprise à rembourser l’argent qu’elle lui doit. De plus, il est conscient que récupérer ses commissions ne sera pas facile. Si les vendeurs de monnaie électronique n’ont pas confiance en leur fournisseur, cela remet en question la crédibilité de tout le système financier.
Tout est paralysé