article comment count is: 0

Les expériences africaines des CVR : tirer des leçons pour le Burundi

Les insuffisances, faiblesses et les promesses des expériences du passé dans le domaine des CVR en Afrique pourraient encourager à dépasser, avec plus ou moins de réussite, les modes d’intervention dans le domaine large de la justice transitionnelle. En général, il sera question de faire un aperçu sur la CVR sud-africaine, la CVR de la RDC, CDVR de la Côte d’Ivoire et la CVR de la Sierra Léone. Notre blogueur nous montre ce que la CVR au Burundi pourrait apprendre des autres qui lui ont précédé en Afrique.

 I. La Commission Vérité et Réconciliation Sud-Africaine

Pendant plusieurs décennies, un système politique d’oppression, apartheid, a été érigé contre les noirs et les minorités ethniques vivant en Afrique du Sud. Dans les années 90, le pays s’est engagé dans un processus de réconciliation nationale dirigé par l’archevêque Desmond Tutu. Pour pérenniser la réconciliation nationale, la lumière devait être faite sur les violations massives des droits de l’Homme qui ont eu lieu entre le 1er mars 1960 et l’adoption de la constitution intérimaire en 1993 par toutes les parties au conflit. La Commission était intéressante dans le sens où elle ne se souciait pas seulement des individus, mais aussi des institutions afin d’élargir les responsabilités, y compris celles des collectivités. Cette CVR est la seule au monde à avoir adoptée une procédure de vérité pour amnistie. Ainsi, sur les 7116 demandes d’amnistie, seulement 1312 ont été accordées, les 5143 restantes ont été rejetées. La question de la sanction apparaît ici dans toute sa dimension problématique. Il est remarquable que la CVR soit entrée dans la logique du pardon institutionnalisé en réunissant la victime et le bourreau à la barre, afin que la vérité soit monnayée par l’amnistie.

II. La Commission Vérité et Réconciliation de la RDC

Les assises de Sun City (2002) ont réuni les Congolais en Afrique du Sud, en vue de mettre fin aux conflits armés et aux violences qui ont endeuillé le pays pendant plus de quatre ans, avec un bilan de plus de 4 millions de morts, des centaines de milliers de déplacés, des assassinats politiques, des femmes et filles ont été violées, mutilées… Pendant la période de la transition politique, la CVR au Congo a assumé avant tout le rôle de sapeur-pompier, mais elle n’a pas osé s’investir dans le processus devant contribuer à la lutte contre l’impunité. Le contexte de la création de la CVR en RD Congo ne lui a pas donné la chance de bien fonctionner de par sa composition dont certains acteurs proviennent des structures mises en cause dans les crimes graves et d’autres violations des droits de l’homme commis récemment sur les populations congolaises.

III. Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation de la Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire a connu une violente crise post-électorale en 2011 opposant le camp du président sortant Laurent Bagbo à celui du nouvellement élu Ouattara, tous deux se proclamant victorieux à l’issue du second tour. Selon le rapport de la Commission d’enquête de l’ONU publié en 2011, plusieurs atrocités ont été commises. Pour contribuer à la cohésion nationale, il y a eu la création de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation par l’Ordonnance N° 2011-85 du 13 mai 2011. Cette ordonnance a été remplacée par l’ordonnance N° 2011-167 du 13 juillet 2011.

L’objectif principal de cette CDVR était d’œuvrer à la réconciliation nationale et au renforcement de la cohésion sociale de toutes les communautés vivantes en Coté d’Ivoire par le biais de mécanisme de la justice traditionnelle. Charles Konan Banny, ancien Premier ministre et l’un des leaders du PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire), a été nommé président de cette commission.

Les critiques unanimes à l’encontre de la CDVR ont marqué l’actualité politique dès sa nomination. Sa présidence n’aurait pas dû être occupée par une personne ayant des ambitions politiques. Malheureusement, la commission a été mise sur pied sans consultation ni implication généralisées des groupes de la société civile et cette commission n’a jamais entendu une seule victime. La commission a également souffert d’un sérieux problème de dysfonctionnement et d’ordre financier. Toutefois, la commission a réussi à mettre en place l’espace d’un dialogue entre les partis rivaux. Après, le rapport final, on a créé la CONARIV (la Commission Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes). Malgré ce rapport final, la CDVR laisse un gout d’inachevé.

III. La Commission Vérité et Réconciliation de la Sierra Léone

La guerre civile en Sierra Léone commence le 23 mars 1991, quand des hommes, au nom du Revolutionary United Front (RUF), mené par Foday Sankoh et soutenu par Charles Taylor, dirigeant du Front patriotique national du Liberia, décident de renverser le gouvernement corrompu et tyrannique de Joseph Saidu Momoh et l’All People’s Congress (APC) qui gouvernent la Sierra Leone depuis la fin des années 1960. C’est le début d’une décennie de violence qui dévaste le pays.

La commission avait un mandat de 2 ans et était composée de 7 personnalités, dont 4 Sierra-léonais et 3 étrangers. Les compétences et le mode de fonctionnement de la Commission étaient très largement inspirés de l’expérience sud-africaine. Le rapport final constate les regrets de la Commission concernant la coopération avec le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Il critique, par exemple, la décision du tribunal de ne pas permettre à ses détenus de venir témoigner devant la Commission ou l’absence d’une ligne claire de séparation entre ces deux organes, ce qui entraîne un risque de confusion entre leurs rôles respectifs.

Que pourrait apprendre la CVR du Burundi de toutes ces expériences ?

– Il faut qu’elle consulte des experts auprès des commissions de vérité précédemment créées ;

– Intégrer les mécanismes de la justice traditionnelle dans les structures locales de la CVR ;

– Procéder à une forte collaboration avec les organisations de la société civile et les médias et chercher à tout prix l’indépendance des commissaires et ressources de la CVR ;

– Mettre en place des structures d’accompagnement et de soutien aux victimes, avant même le rapport final et préciser clairement le rapport qu’il y aura entre la CVR burundaise et la justice pour les auteurs de crime contre l’humanité ou qui ont demandé pardon ;

– Publier le chronogramme de la mission de la CVR, pour pouvoir évaluer sa mission et son mandat.

Enfin, le but des CVR n’est pas d’embellir le passé, encore moins de l’oublier, mais bien d’y confronter la société. Il n’existe cependant pas de modèle idéal de CVR ou transposable dans toutes les sociétés.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion