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Escapade à Rwegura: entre lacs, brume et grillades de Muruta

Niché au cœur des collines verdoyantes du parc national de la Kibira, le barrage de Rwegura demeure un joyau méconnu du Burundi. Entre lac artificiel, centrale discrète et paysages à couper le souffle, ce site allie puissance et sérénité. Et pour les plus curieux, un détour par Muruta et ses petits centres, dont kw’Ijiti, réserve une expérience culinaire… brûlante de saveurs !

Nous passions quelques jours à Kayanza, dans le cadre nos activités professionnelles, lorsqu’un jour, un collègue a eu une idée sortie de nulle part : « Et si on allait pique-niquer à Rwegura ? » Quelle proposition ! Le soleil venait à peine de se lever sur les collines de Kinga, et déjà l’envie de l’aventure nous rattrapait. Nous voilà donc en route vers ce lac artificiel mythique, alimenté par les rivières Gitenge et Mwokora. La route serpente à travers les sommets de Kinga vers un océan de verdure au cœur du parc. L’air devient plus frais, presque glacé. Je baisse la vitre : un souffle humide me caresse le visage. Il sent la terre, la forêt, la vie ! À mesure que nous approchons, la brume s’épaissit. Puis, soudain, le paysage s’ouvre : un lac immense s’étale devant nous, d’un bleu profond. Silence total. Même les oiseaux semblent retenir leur souffle. Je reste figé. On dirait que la terre elle-même respire sous ce miroir d’eau. Les arbres des collines se reflètent dans le lac, et le soleil joue au cache-cache entre les nuages. Un véritable tableau vivant ! Le barrage, massif et gris, se dresse fièrement au bout du lac. Il garde son calme, tel un vieux sage qui a tout vu.

De la verdure, comme un tapis d’émeraude

Le barrage de Rwegura n’est pas une légende : il est bien réel, construit entre 1984 et 1986. Trois turbines de six mégawatts chacune tournent jour et nuit. Pas un bruit de moteur, juste un léger vrombissement continu, comme un souffle régulier. On se sent minuscule devant cette prouesse humaine. Sous le canal d’arrivée d’eau, un vieux bateau de navigation repose encore, vestige d’une époque où l’on circulait sur le lac. Mais ce décor a aussi ses défis. Les techniciens évoquent souvent l’envasement : la boue venue des collines menace peu à peu d’étouffer le réservoir. « Chaque saison des pluies, c’est la même histoire ! », me confie un ingénieur, le regard perdu sur l’eau calme. Malgré tout, le site reste impressionnant. Posé entre Bukinanyana et la Kibira, le barrage semble presque se fondre dans la forêt. Autour, la vie suit son rythme. Des paysans descendent avec leurs houes, d’autres s’enfoncent dans la forêt à la recherche de bois mort pour faire cuire les aliments. Les plantations de thé de l’OTB Rwegura couvrent les pentes comme un tapis d’émeraude. L’air sent la feuille fraîche, la terre mouillée et… un brin d’aventure ! Je ferme les yeux. Le vent me frôle, le murmure de l’eau me berce. On se croirait au bout du monde. Et pourtant, Kayanza n’est qu’à quelques kilomètres.

Kw’Ijiti est ses grillades croustillantes

En quittant le barrage pour regagner Kayanza, la distance semble soudain raccourcie. Les virages se succèdent, le soleil est à son zénith. Mais au détour d’une colline, une odeur alléchante m’arrête net. Ça sent la viande grillée ! Nous voilà à Muruta, le royaume de petits centres, dont celui de kw’Ijiti. Ici, pas de grands restaurants ni de menus sophistiqués. Ce sont de simples étals couverts de tôles, mais alors, quelle ambiance ! Des rires fusent, la fumée danse dans l’air, et les grils crépitent joyeusement. Des hommes en blouses blanches découpent la viande de mouton avec précision. La graisse coule, les braises sifflent, la fumée pique les yeux… mais quel parfum ! Je m’assieds sur un banc de bois. On me sert une brochette dorée accompagnée d’Uburobe, cette pâte de manioc savoureuse. La première bouchée est un régal : tendre, juteuse, légèrement fumée. Un délice ! Je laisse échapper un « Ah ! » de surprise. À ma table, les habitants éclatent de rire. « C’est ta première fois à kw’Ijiti, hein ? », plaisante l’un d’eux.

Les conversations vont bon train. On parle du barrage, du temps qu’il fait, des visiteurs égarés sur la route. Les enfants tournent autour des tables, les chiens espèrent un os, les femmes servent l’Uburobe avec de sourires timides. Le lieu vit, respire, rit. Les gens de Kayanza ignorent souvent que ce coin existe. Pourtant, il ne faut guère plus d’une heure pour y aller. Un vrai voyage dans le temps ! Muruta garde encore ses secrets : ses collines d’altitude, ses tombeaux royaux, sa vue plongeante sur la Kibira. Et, bien entendu, son kw’Ijiti, véritable temple du goût qui est son cœur battant.

Une beauté à apprivoiser

Le soir tombe sur Rwegura. Le vent se lève, la brume revient. Les collines se fondent dans un ciel rose et violet. Le barrage garde son silence majestueux. Le lac devient un miroir sombre où dansent les reflets des étoiles. Je repense à la journée : l’eau, la forêt, la viande grillée, les rires. Tout semble irréel. Ce lieu, à la fois sauvage et accueillant, mérite d’être découvert. Il prouve que le Burundi recèle encore des trésors, loin des routes bitumées. Mais combien de temps ce calme tiendra-t-il ? Entre modernité qui avance et nature qui résiste, Rwegura marche sur un fil. Peut-être est-ce là sa magie : rester suspendue entre deux mondes.

Le moteur de notre voiture ronronne. Le vent souffle. Une dernière odeur de grillade flotte dans l’air. Je souris malgré moi. « Et si on restait une nuit de plus ? », dis-je à voix basse. Silence. Mon chauffeur me regarde, amusé. « Ici ? » Je hausse les épaules. Pourquoi pas, après tout ?

 

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