Psychopédagogues, sociologues et syndicalistes, tous fustigent la récente mesure du ministre de l’Éducation d’exclure du système éducatif formel « les filles et les garçons encore à l’école fondamentale et post-fondamentale, respectivement victimes et auteurs de grossesse». Pour eux, c’est une mesure qu’il faudrait annuler dans l’immédiat.
Pour certains, cette décision est discriminatoire et marque une régression en matière du respect des droits de l’Homme. D’autres dénoncent une mesure unilatérale et d’autres encore parlent de la violation de la liberté d’orientation de la vie de soi.
Herménégilde Rwantabagu, psychopédagogue et professeur à la Faculté de psychologie et des Sciences de l’Éducation à l’Université du Burundi, insiste sur l’encadrement de ces filles et garçons. Pour lui, au lieu de les renvoyer, il faut s’occuper d’eux et se soucier de leur avenir. Il estime que la fille mérite une année de congé de maternité : «Après, c’est son droit de réintégrer l’école».
Cet universitaire fait savoir que le droit à l’éducation ne peut en aucun cas être conditionné par l’état de paternité : «Ils ont le droit de poursuivre leurs études malgré ce qui leur est arrivé».
Aloys Toyi, sociologue et professeur au département d’Histoire de la Faculté des Lettres et Sciences humaines à la même université, déplore une décision anachronique : «En s’en tenant à l’état des connaissances, exclure du système éducatif les victimes et auteurs de grossesses est une mesure à reconsidérer».
Pour lui, ces derniers gardent la liberté de choix quant à l’orientation de leur vie et de leurs études. Pour que la fille ne soit gênée, recommande-t-il, après le repos de maternité, elle devrait changer l’établissement.
Une double condamnation
Remy Nsengiyumva, président du syndicat des travailleurs enseignants du Burundi (Steb), quant à lui, rappelle que l’objectif essentiel de l’école est l’éducation. Selon lui, si le ministère avait associé les partenaires qui interviennent dans le secteur de l’éducation, cette décision n’aurait pas été prise :«Nous aurions pensé aux autres mesures qui diminuent les grossesses en milieu scolaire».
Ce syndicaliste n’y va pas par quatre chemins : «Ces filles et garçons seront condamnés doublement. Ils seront d’une part exclus de l’enseignement et pour ce faire, leur avenir sera gâché et d’autre part, ils seront affectés psychologiquement».
Et de s’étonner qu’ils soient exclus du système d’enseignement effectif et relégués dans les enseignements des métiers et professionnels. «Cela dénote un dénigrement de l’enseignement des métiers».
Tous ces spécialistes s’accordent pour dire qu’au lieu de les exclure, il faut les encadrer. Un plaidoyer qui ne va pas tomber dans l’oreille d’un sourd, on l’espère.
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