Fin septembre, en plénière de la chambre haute du parlement burundais, une sénatrice supplie le ministre ayant l’Education dans ses attributions d’intervenir à l’école Gitega International Academy (GIA). Se sentant interpellée, de par son statut, elle évoque « l’irruption et les violences policières en milieu scolaire suivies de renvois d’élèves sans aviser leurs parents », de quoi piquer au vif la curiosité d’un reporter.
Septembre, nous sommes à la rentrée scolaire. Les retardataires n’ont même pas encore rejoint les salles de classe. Certains parents se plient encore en quatre pour pouvoir assurer un moyen de déplacement à leurs enfants pour qu’ils puissent rejoindre l’école, en pleine crise carburant. Les élèves de GIA suivent déjà les cours depuis quelques jours. Une nouvelle prend tout le monde au dépourvu : un mouvement d’humeur est en cours à GIA.
Le 16 septembre 2024, les élèves de GIA entament donc un mouvement de grève. Les rumeurs vont bon train. Les élèves auraient attaqué violemment les forces de sécurité, se dit-il dans les rues et les bars. Chacun y va de son commentaire : « Ces enfants gâtés se croient tout permis. Ce serait des enfants de pauvres qu’il y aurait déjà des morts », « Comment ont-ils osé ? », « Il faut leur apprendre la discipline à ces enfants pourris », etc. Une sénatrice a jeté de l’huile sur le feu en demandant au ministre ayant l’Éducation dans ses attributions, dans une séance de questions-réponses au Sénat, d’élucider cette affaire et que les responsabilités soient établies. Elle ne comprenait pas pourquoi la direction de l’école avait procédé au renvoi temporaire de certains élèves sans avoir pris le soin d’avertir les parents. Elle a cru bon d’ajouter : « Je trouve que je serais démissionnaire si je sortais d’ici sans évoquer cette affaire ».
Du tac au tac, le président du Sénat, qui n’a pas pour habitude de faire dans la demi-mesure, lui a rétorqué sur un ton taquin qu’il attendait sa démission le lundi suivant. Mine de rien, c’est cette intervention de l’honorable sénatrice qui a suscité la curiosité des consommateurs de l’information. Comment comprendre cette implication personnelle de la sénatrice ? A moins qu’elle ait un(e) élève renvoyé(e) ! Dans ce cas, ce n’est pas l’intérêt commun qu’elle défendait, mais le sien. Au-delà de ces préoccupations, pourquoi les élèves d’une école des plus cotées du pays se sont -ils soulevés alors qu’ils sont supposés étudier dans les meilleures conditions ? Autant de questions ont poussé un limier de Yaga à creuser pour en savoir plus.
A l’origine, une banale histoire de bizutage
Pas facile de glaner des informations aux alentours de cette école. Située à Karera II, plus loin du quartier populaire de Nyamugari (également connu sous le nom de « Mu Giswahili ») de la capitale politique, l’école entourée d’une clôture donne l’impression d’être une forteresse impénétrable. A l’intérieur de celle-ci, autour de 420 élèves y sont logés. A Nyabisindu, personne n’a entendu parler de cette histoire de grève ou de soulèvement des élèves. Pour peu, on nous prendrait pour des affabulateurs. Rien ne semble filtrer de ces murs épais de cette école qui renferment en son sein des rejetons de haut-placés du pays et de certains hommes d’affaires. Un scandale couverait-il silencieusement à GIA ? Voilà ce qui a suscité notre curiosité pour cette affaire.
Les sources externes à l’école ne nous apprennent pas grand-chose. Nous décidons de changer de tactique et de nous mettre à la recherche d’une source interne. Après quelques heures, nous dégotons la précieuse source dans un quartier plutôt éloigné de l’école. Nous arrêtons là la description des conditions de la rencontre avec notre source pour ne pas l’exposer. L’affaire est aussi sensible. Ça dépend de qui est concerné. La conversation commence.
Nous sommes au début de l’année scolaire. C’est une coutume durant la première semaine ; les anciens élèves aiment se livrer à des pratiques dites d’initiation des nouveaux (‘‘kunyuzura’’ comme on dit, le bizutage). GIA a beau être une école sélecte, elle n’échappe pas à cette coutume. Malheureusement, les séances de bizutage peuvent parfois dégénérer en violence si on n’y prend pas garde, on vous en parlait d’ailleurs récemment. C’est ce qui est arrivé.
Un groupe d’élèves se rendent fautifs de violences envers leurs condisciples fraîchement arrivés. La direction est mise au courant de cette situation et ne tarde pas à réagir. Les sanctions tombent. Au départ, cinq élèves écopent d’un renvoi temporaire de deux semaines. La décision est mal prise chez leurs condisciples. Un mouvement de grève éclate. La direction essaie tant bien que mal de calmer la situation. Le conseil des parents est mis à contribution. Cependant, les élèves campent sur leur position et exigent que les sanctions prises à l’encontre de leurs camarades soient levées.
Youth for Christ Burundi, l’organe promoteur du projet GIA se saisit de la question sans pouvoir convaincre les élèves d’arrêter la grève et de rejoindre les salles de classe.
19 millions de Fbu : la valeur des dégâts à la charge des fautifs
La situation demeure tendue et inquiète certaines autorités dont les enfants étudient là-bas. Le président du Sénat, dont deux de ses enfants y sont scolarisés, descend à GIA accompagné par certaines autorités provinciales. Après son passage, les élèves acceptent d’arrêter la grève, mais ils posent certaines conditions, « certaines impensables », d’après notre source. Entre autres, ils demandent qu’un élève fasse partie du conseil de discipline. Du jamais-vu dans l’histoire de l’éducation du Burundi, d’après toujours notre source. L’autre condition, encore plus étonnante, est le remplacement de tous les matelas par de nouveaux.
La direction réserve une fin de non-recevoir à leurs doléances. C’est à partir de là que tout a dégénéré. La grève évolue en vandalisme contre les infrastructures de l’école. Les échauffourées sont quotidiennes. Un jour, une pierre atterrie dans le bureau du directeur. Ce dernier, inquiet de la tournure que prenaient les événements, en appelle aux forces de l’ordre. Quand ces dernières arrivent, c’est l’ébullition parmi les élèves. Ils cassent les meubles et les caméras de surveillance. Avec prudence et professionnalisme, selon toujours notre source, les forces de sécurité rétablissent l’ordre.
Au total, 17 élèves sont sanctionnés, dont l’enfant du président du Sénat. La sénatrice déjà évoquée plus haut a, quant à elle, parlé de 50 élèves qui auraient été renvoyés. Après cette tempête, c’est le retour du dialogue pour résoudre cette affaire. La direction accepte de revoir la sanction à la baisse. En revanche, les dégâts, qui se chiffrent à 19 millions de Fbu, sont mis à la charge des élèves fautifs qui devront se partager la facture. Plus d’une semaine après ces événements, c’est le retour du business as usual à GIA qui, entretemps, a retrouvé son calme habituel, dixit notre source.
Nous avons justement contacté le directeur de GIA pour lui demander si la vie scolaire a repris son cours normal et si les élèves fautifs avaient déjà commencé à payer pour les dommages qu’ils ont causés. Au moment de la publication de ce papier, il n’avait pas encore répondu.
Merci Yaga
Difficile d’y croire mais la realité est la plupart des enfants de ces « grands homes » figurent parmi les grands indisciplinés et consommateurs de drogues. Ils sont alors envoyés dans ces « grandes écoles », au pays où à l’étranger, juste pour s’en débarrasser et avoir un peu de calme à la maison
Votre source semble etre bien proche du corps enseignant. Je vous invite a egalement interviewr les parents pour une autre version des faits.