Récemment, un blogueur de Yaga nous parlait des ‘’Bakambwe’’, ces élèves qui ont une manière spéciale à eux de passer la première semaine à l’internat. Ces mêmes ‘’Bakambwe’’ peuvent parfois être des tyrans qui terrorisent les nouveaux venus. On appelle ça ‘’Kunyuzura’’, le bizutage. Une autre blogueuse nous relate les premiers pas d’un de ses amis à l’internat et sa stratégie pour survivre et gagner une petite place parmi les anciens. Récit
Tanguy (nom d’emprunt) a 15 ans quand il fait ses débuts dans une école à régime d’internat située au Sud du pays dans la classe de 1ère année post-fondamentale. « Nkija internat nari nzi ko ari ahantu bahaburana. » (Pour ma première fois à l’internat, je savais que c’est un endroit intimidant). Tanguy a donc cru que la meilleure tactique à adopter était d’y aller en mode gros dur.
« Naca nigira umuntu w’umu Regra. » (J’ai adopté l’attitude d’un « Regra » qui veut dire le grand) Cependant, un ami qui était déjà un ‘’mukambwe’’ (un élève expérimenté) lui a vite conseillé de renoncer à cette attitude et d’être ouvert d’esprit, flexible et coopérant aux requêtes des ‘’bakambwe’’.
Survivre à tout prix
Très rapidement, Tanguy s’est rendu compte que les ‘’bakambwe’’ règnent en maître derrière les quatre murs de l’internat. Ces tyrans prennent les nouveaux venus pour des marionnettes. Ils leur demandent d’accomplir des tâches absurdes et humiliantes. « Tamba amakuru » (Danse au rythme de la diffusion d’un journal radio) ou encore « Tamba imfunguruzo » (Danse au rythme des clés qui s’entrechoquent). Parfois, il s’agit d’accomplir des travaux manuels comme « Kubaborera » (Leur faire la lessive). Des ordres que les nouveaux venus ne peuvent pas décliner pour ne pas subir la colère de leurs bourreaux. « Il ne fallait pas montrer que cette situation t’affecte pour que tu ne deviennes pas leur souffre-douleur préféré », explique ce jeune adolescent.
Les ‘’bakambwe’’ sont intouchables, ils se vouent un respect mutuel et se servent des nouveaux venus pour se distraire en se payant leur tête. « Malheureux, ceux qui essaient de résister », indique Tanguy. Il y a toute une liste de punitions pour ceux qui ne veulent pas se soumettre à leur volonté.
« Dénoncer ces élèves tyrans n’est pas une solution, mais le pire dénouement pour tout nouveau-venu », tranche-t-il. Notre ami explique que dans ce cas de figure, les ‘’bakambwe’’ s’organisent pour faire souffrir et intimider le malheureux davantage. Plusieurs exactions peuvent être commises à son égard : voler ses objets personnels, éclabousser de la boue sur ses vêtements. Pire, tard dans la nuit, ils peuvent commettre des actes de violence sur lui à visages cachés, pour ne pas être reconnus.
« Ugiye kubarega, ego barahanwa. Ariko nawe bazoba bakubitse. (Si tu les dénonces, ils seront punis. Mais ils resteront rancuniers envers toi). D’après mon expérience, si tu es la proie de leurs attaques, il faut les approcher en toute humilité pour solliciter leur indulgence », conseille-t-il.
Résister avec délicatesse
« Après avoir maîtrisé leur modus operandi, un certain soir, un ‘’mukambwe’’ m’a donné l’ordre de me lever tôt le lendemain matin pour aller lui chercher son gobelet. La première chose que j’ai faite a été de m’excuser, car j’avais d’autres chats à fouetter, en l’occurrence une révision à faire. Il s’en est allé sans un mot », relate Tanguy.
Pour ceux qui fréquentent des lycées à régime d’internat à la rentrée, Tanguy leur partage quelques astuces : « Il ne faut pas chercher à te faire des ennemis, mais plutôt à devenir sociable. C’est un élément important, car parfois les anciens de l’école peuvent te demander seulement d’échanger avec eux. Il ne faudra pas monter sur ses grands chevaux, mais plutôt rester humble ».
Notre ami continue avec sa pédagogie : « Si tu es victime d’une humiliation, au lieu de pleurer, il faut se forcer à sourire. Il faut aussi éviter à tout prix de rester dans ta bulle en te liant d’amitié avec quelques potes seulement, mais acquérir cette aptitude d’échanger avec tout le monde ».
Tanguy met aussi en garde les nouveaux élèves sur les dangers qui rôdent derrière les murs de l’internat : « We petit ! Ingo uturire itageti » (Viens faire le guet) pour nous, ordonnent parfois les ‘’bakambwe’’ en train de fumer des clopes derrière les toilettes. C’est dans le but de les alerter à la vue d’un surveillant. Quand par malheur vous êtes attrapés, l’adolescent est formel : l’élève inexpérimenté va en prendre pour son grade, tandis que les ‘’bakambwe’’ ne vont pas hésiter à lui faire porter le chapeau. D’après Tanguy, il faut refuser les demandes compromettantes, mais toujours avec politesse.
« L’internat, c’est tout un monde. Il faut y aller les objectifs bien fixés, sinon on risque de perdre pied», conclue le jeune homme.