Une année après le réengagement du gouvernement dans la filière café, les chiffres de la première campagne café post-déprivatisation viennent de tomber. L’occasion de faire le point sur le bilan de cette déprivatisation. Analyse.
Les chiffres de la campagne café 2020-2021 sont là. Par rapport aux prévisions de 136.792 tonnes, la quantité de café cerise collectée équivaut à 73.020,1915 tonnes. Un taux de réalisation de 53.37 %. Or, avant l’opérationnalisation de l’abandon de la libéralisation de cette filière, la campagne 2019-2020 avait enregistré un taux de réalisation de 63,5 %. Et pour la campagne 2018-2019, la production dépassait les prévisions de plus de 26 mille tonnes. Ce qui témoigne, chiffres à l’appui, que la déprivatisation a été une fausse bonne solution.
Qui plus est, avec cette campagne 2020-2021, une quantité de café équivalent à 4.289,480 tonnes a déjà été vendue pour un montant de 11.211.923,5 USD. Malheureusement, aucune somme n’est encore rapatriée. Or, avant la déprivatisation, pour la campagne 2019-2020, sur 47. 506.943 USD attendus, un montant de 44.920.456 USD correspondant à un taux de rapatriement de 94,55 % était déjà rapatrié. Alors, où est-ce que ça a coincé ?
Le marché d’écoulement, un défi
Selon le ministre en charge de l’Agriculture, ce fiasco est à mettre au dos de la faible pluviométrie qui a caractérisé cette année. Or, selon Jacques Mpitabakana, un caféiculteur de Ngozi, le manque du marché d’écoulement est la première cause de cette faible production. « Ayant un seul acheteur qui est le gouvernement, les cerises ont mûri avant les travaux de la pré-campagne. Par manque de marché d’écoulement, les caféiculteurs ont décidé de traiter manuellement la récolte au lieu de la laisser pourrir, et le gouvernement a refusé en premier temps d’acheter ce café dit café washed, car la méthode était interdite par le gouvernement », explique-t-il, avant de renchérir que vaut mieux tard que jamais car le gouvernement vient d’accepter l’achat de ce café washed.
Mais, pourquoi tout ce retard ? En déprivatisant ce secteur, les Burundais s’attendaient à un vent nouveau. Alors que le gouvernement reprochait aux sociétés et coopératives privés le non-rapatriement des devises, et qu’ils n’ont pas contribué à l’augmentation quantitative et qualitative du café, les chiffres actuels témoignent que le credo n’a pas changé.
De mon point de vue, la relance du secteur café passera par sa libéralisation. Si le Burundi libéralisait ce secteur comme avant, après avoir purifié cette libéralisation de toutes les entraves comme permettre aux caféiculteurs de négocier les prix sur le marché international, fixer le prix en tenant compte de la dépréciation du BIF et accroître la concurrence loyale, la production augmenterait et cela relèverait le niveau de vie du caféiculteur, et par ricochet, rehaussera l’économie nationale.
Pour le rapatriement des devises, je crois que la pandémie à Covid-19 y est pour quelque chose. Mais, vu les chiffres de la production, laisse moi mettre mes mots dans ceux de mes ancêtres quand ils disaient, » nta mu kwaha nta mu nyo ».
1. Ou le monde en est aujourd’hui, ca ne sera pas facile « de negocier les prix sur le marche international ».
Sur le marche international une livre (= pound en anglais =454 grammes coutait a atteint 290,85 centimes ou 2,91 dollars le 30 septembre 2011;
aujourd’hui ce prix est de 124,8 centimes ou 1,25 dollars.
https://futures.tradingcharts.com/chart/CF/M#footerclose
2. Un recent article montre comment aujourd’hui le cafeiculteur colombien (en Amerique du Sud) a des defis a cause du changement climatique et de la chute du prix du cafe sur le marche international.
« Deteriorating conditions and plummeting prices have made it difficult to make a living growing coffee, not to mention invest in measures to adapt to climate change… »
https://www.vox.com/videos/2020/8/10/21361950/coffee-crisis-climate-colombia
1. D’apres le site http://www.barchart.com, le dollar americain s’echangeait contre 1.748 Fbu le 3 septembre 2018, aujourd’hui le taux de change est de 1.928 Fbu par dollar.
Donc en deux ans la monnaie burundaise a chute de 10,30%.
https://www.barchart.com/forex/quotes/%5EUSDBIF/interactive-chart
2. « QUELLES CONSÉQUENCES ?
On l’a dit, la dévaluation monétaire a pour objectif d’aider un Etat à améliorer sa compétitivité. Cela est possible dans la mesure où, grâce à la baisse de la valeur de la monnaie, le prix des biens exportés et importés est directement impacté. Dans ce contexte, la dévaluation a plusieurs conséquences :
La baisse des prix des produits exportés par rapport au prix de la production nationale des pays importateurs. Cela permet alors de favoriser les exportations et d’augmenter les quantités vendues à l’étranger puisque le coût de ces produits baisse en même temps que la valeur de la monnaie du pays… »
https://www.fortuneo.fr/cote-finances/bourse/devaluation-monetaire-594#:~:text=Cela%20est%20possible%20dans%20la,production%20nationale%20des%20pays%20importateurs.
3. L’une des solutions ne devrait pas du tout etre de « fixer le prix en tenant compte de la depreciation… »
Plutot, le Burundi tirerait profit de cette depreciation S’IL AVAIT BEAUCOUP PLUS DE CAFE A VENDRE A L’EXTERIEUR (car il est suppose etre plus competitif comme pays exportateur!!!).
4. Mais malheureusement la production du cafe cerise au Burundi ne s’ameliore pas:
production de 73.020 tonnes pour la saison 2020-2021;
production de 47.653 tonnes pour la saison 2019-2020;
production de 126.172 tonnes pour la saison 2018-2019.
Pour moi il est encore très tôt pour une évaluation complète concernant les ventes (quantité, qualité, le prix et les rapatriements des devises, attendons le d’Octobre au moins.
Ce qui est déjà positif pour le nouveau systeme c’est du coté des producteurs qui sont payés à temps.
Cet article touche aux neuds du problème; taux de change artificiel et entrave à la libéralisation.
L’un des problèmes majeurs est que cette libéralisation n’a jamais été ni transparente ni complète. L’ARFIC, sans le reconnaître, a toujours tenté de privilégier les sociétés mixtes SOGESTALS aux dépends des sociétés privées en intervenant constamment dans le fonctionnement de l’industrie notamment par le changement incessant des réglementations créant ainsi une instabilité néfaste pour des investisseurs privés. La preuve en est, avant même la re-nationalisation, deux acteurs internationaux de renom se sont retirés du pays; l’un Webcor a fermé ses portes en 2016 et l’autre Olam en a fait de même en 2018.
La réalité est que vous parlez de la dépréciation artificielle du Franc Burundais. La dépréciation réelle depuis 2015 est de plus de 75%!
Vous comprendrez donc que la compétitivité à l’export du café Burundais a fortement diminué.