Comment comprendre la tempête qui secoue le parti de l’ancien maquisard Agathon Rwasa ? Ces déboires sont-ils à mettre en relation avec les prochaines échéances électorales qui avancent à grands pas ? Ou s’agit-il simplement d’un problème de gouvernance interne de cette formation politique ?
« Ibombora bombora mu mugambwe CNL », c’est comme ça, sans doute, qu’aurait titré l’ancienne journaliste de la RPA, Domitille Kiramvu. C’est vrai que les Burundais s’interrogent sur la tempête qui secoue le parti d’Agathon Rwasa.
Pour rappel, le président du parti CNL a pris la décision, ce 28 juin 2023, de suspendre de leurs fonctions 11 cadres du parti. La décision intervient quelques semaines après la suspension de toutes les activités du CNL par le ministère en charge de la gestion des partis. Les membres concernés sont Térence Manirambona et Bernard Ndayisenga respectivement chargé de la communication et la sécurité nationale au sein du CNL. Il y a également deux anciens ministres Félix Mpozeriniga et Pélate Niyonkuru qui sont, l’un conseiller à la présidence du parti et l’autre secrétaire national au trésor et aux projets. La liste n’est pas exhaustive. Ils sont tous accusés de « dissidence avec des lettres de demande d’explications restées sans réponse », ce qui transparaît dans la décision. Cathy Kezimana est aussi reprochée d’avoir dévié de la ligne directrice et idéologique et d’afficher une insubordination envers les organes du parti et responsables hiérarchiques.
Selon ce document signé par Agathon Rwasa, les membres suspendus de leurs fonctions « ne se sont pas présentés à la permanence nationale pour vaquer aux activités de leurs postes d’affectation ».
Le président du CNL Agathon Rwasa évoque aussi dans les visas de sa décision « la convention nationale qui a adopté à l’unanimité les modifications des statuts et du règlement d’ordre intérieur du parti en date du 12 mars 2023 et approuvé le 30 avril 2023 les membres de l’organe national du parti CNL conformément aux textes amendés ».
Or, le ministre de l’intérieur a annulé les amendements apportés aux statuts et au règlement d’ordre intérieur du parti CNL issus des congrès ordinaire et extraordinaire tenus respectivement le 12 mars et le 30 avril 2023.
« Le ministère est en état d’impuissance face à cette décision »
D’après les cadres du camp proche de la présidence du parti CNL, « seule la chambre administrative de la cour suprême pourrait intervenir », sous prétexte que la décision est administrative.
Cependant, le camp des « dissidents » s’étonne de voir le député Agathon Rwasa inclure dans les visas des recommandations et des textes que le ministre de l’intérieur a annulés.
Qu’en dit la loi ?
D’après la loi portant organisation et fonctionnement des partis politiques du 10 septembre 2011, « la loi garantit la non-ingérence des pouvoirs politiques dans le fonctionnement interne des partis politiques sauf ce qui est des restrictions nécessaires au maintien de l’ordre public », précise l’article 7.
Toutefois, nuance le même texte « le ministre ayant l’Intérieur dans ses attributions est tenu de vérifier le respect de l’application des statuts et du règlement intérieur des partis politiques ».
La crise au sein du parti de l’opposition CNL est en train de durer. Chaque partie tire la couverture de son côté. Certes, le camp dit « épris du respect des textes régissant le parti » est soutenu par le ministère de l’Intérieur. Mais jusqu’où se défieront-ils ? Un membre suspendu ou viré du parti, c’est dans tous les cas une voix de moins.
« La crise au sein du CNL est en train de devenir ingérable. Cette suspension vient un peu comme pour sceller le sort. Si non, ça étonnerait que le ministre laisse passer ces suspensions du moment qu’il avait arrêté les activités du parti sauf celles visant le dénouement de la crise. On peut s’attendre donc à d’autres communications du ministre de l’intérieur qui pourrait compliquer davantage le fonctionnement du CNL. Arrivera-t-on à la suspension du parti. Difficile de l’affirmer mais rien n’étonnerait », trouve d’emblée un jeune analyste politique qui a requis l’anonymat.
Dans le passé, on a assisté à la dislocation des partis politiques, certains soupçonnant une main du pouvoir, pour préparer la victoire du parti dirigeant. C’est comme ça que la Nyakurisation a commencé, dans le but d’affaiblir certains partis politiques. Est-on en train d’assister à l’émiettement du CNL dans l’optique des échéances électorales de 2025 qui approchent, comme le soupçonnait un blogueur de Yaga, il y a peu ? Le temps nous le dira.