Face à la persistante pénurie des devises, la dépréciation de la monnaie burundaise s’accentue. Un USD vaut plus de 4000 FBu sur le marché parallèle. Entre autres conséquences, les prix de certains produits importés sont volatiles. Retour sur quelques mesures qui ont été prises pour contrôler les devises mais en vain.
Suite à la crise socioéconomique qui a secoué le Burundi en 2015, l’Union Européenne et les USA avaient décidé de suspendre l’aide et imposé des sanctions économiques au gouvernement du Burundi. Des sanctions qui ont eu des impacts directs sur l’économie du pays étant donné que l’Union Européenne contribuait à plus de 40% au budget national. A titre illustratif, de 2004 à 2015, l’EU a financé le budget du gouvernement à hauteur de 196 millions d’euros.
Depuis, à court des devises, le Gouvernement du Burundi a tenté quelques mesures pour contrôler les devises.
Des tentatives pour contrôler les devises
Fin septembre 2018, le gouvernement a suspendu les organisations non gouvernementales étrangères pour une durée de trois mois. Parmi les 4 documents exigés pour la relance des activités, un acte d’engagement auprès du ministère des Finances sur le respect de la réglementation financière. Avoir une main mise sur les devises était une des visées des autorités.
Septembre 2019, la Banque Centrale a édicté une nouvelle règlementation de change visant à limiter la circulation des devises. Parmi les nouvelles mesures, les paiements en espèces des importations étaient revus à la baisse passant de 40 000 USD à 5000 USD ; le change en banque sans pièces justificatives passait de 3000 USD à 500 USD ; les hôtels perdaient la qualité de changeur agréé ; tandis que les voyageurs étaient obligés de déclarer les sommes en devises détenues en cash au-delà de 10 mille USD ou l’équivalent en une autre devise, etc.
En février 2020, la BRB est revenue à la charge. Cette fois-ci, elle retira l’agrément aux bureaux de change. Seuls les bureaux de change ouverts dans les banques commerciales étaient autorisés à assurer le change. Un mois plus tard, des conditions restrictives règlementant les transferts instantanés reçus de l’étranger étaient prises. Désormais, les transferts instantanés internationaux devaient être réglés directement en monnaie locale. Les bénéficiaires de ces fonds y compris ceux qui possédaient des comptes en devises dans les banques commerciales ne pouvaient plus les percevoir en devises.
Cependant, malgré ces mesures, la situation n’a cessé de s’empirer. Certaines personnes ont tenté de contourner ces mesures en allant retirer les devises dans les pays voisins. Les changeurs du marché noir quant à eux continuent à opérer clandestinement.
La suspension des sociétés minières, le couteau dans la plaie
En l’absence des aides directes et des investissements directs étrangers (suite au climat des affaires non favorables), le gouvernement devrait compter sur quelques miettes d’exportations provenant des cultures comme le café, le thé ainsi que des minerais. Sauf qu’elles sont de leurs côtés en baisse. La mesure de suspension des sociétés minières depuis deux ans n’arrange pas les choses. De 2017 à 2019, l’or était en tête des principaux produits exportés, donc pourvoyeur des devises. La chute progressive de la production du café se répercute directement sur l’entrée des devises.
Une lueur d’espoir ?
Il y a une année, les sanctions économiques contre le Burundi ont été levées par les USA et l’UE. Cela grâce à des avancées enregistrées par le pouvoir de Ndayishimiye « en ce qui concerne les droits de l’homme, la bonne gouvernance et l’état de droit ». Cette décision allait permettre de reprendre l’aide financière directe aux institutions burundaises. Les autorités se frottaient les mains. « Nous sommes comme une maman qui vient d’accoucher. Elle ne se souvient plus des douleurs de l’accouchement », s’exclamait Evariste Ndayishimiye, Chef de l’Etat.
Après une année d’attente de l’aide directe, le Burundi vient de décrocher une aide conditionnée de 261 millions de USD de la part du FMI. En réalité les principaux bailleurs comme UE restent exigeants sur certaines questions liées à la bonne gouvernance. Des défis sur les droits de l’homme restent encore à relever comme le signale Amnesty International. Des mesures ou discours des autorités ciblant les personnalités de la société civile montrent qu’il y a encore du pain sur la planche dans ce domaine.
Bien plus, les défis de la gouvernance budgétaire obligent les principaux bailleurs à patienter dans le décaissement de leurs fonds. Par exemple, le taux de décaissement des projets financés par la Banque Mondiale est seulement de 21% pour 1,3 milliards de USD destinés au gouvernement du Burundi sur le période 2019-2023. Cela suite à la spéculation de la part des gestionnaires des projets. Une situation difficile à comprendre pour un pays qui a tant besoin des devises.
Par ailleurs, les discours de certaines autorités sur le système monétaire burundais (affirmant que la valeur du FBu est élevée par rapport à d’autres monnaies) pourraient faire tache d’huile sur l’engagement des bailleurs.
La réouverture des bureaux de change en octobre 2022 qui semblait être la solution n’a pas pu débloquer la situation. Des cambistes ont dénoncé des conditions difficiles à remplir. En effet, le capital social a été multiplié par cinq passant de 100 millions FBu à 500 millions de FBu. La caution est passée de 10 millions à 50 millions FBu. Cette situation fait que bon nombre de cambistes continuent à travailler dans la clandestinité. Et les spéculations continuent.
Les propos du Chef de l’Etat contre ceux qui font la thésaurisation (menaçant qu’un jour, ces monnaies peuvent devenir des papiers) pourraient pousser certaines gens à convertir leurs FBu en devises.
En plus des signes de la bonne volonté (réouverture des bureaux de change, retraits en devises) pour sortir de cette situation, le gouvernement doit travailler sur les exigences du FMI et de la Banque Mondiale avec lesquels les discussions sont en cours depuis des mois. Les exigences du récent prêt promu par le FMI en sont la preuve.