Il va sans dire qu’au Burundi la médecine conventionnelle ne fait pas cavalier seul. Parallèlement, il existe encore des conceptions erronées de maladies qui sont bien ancrées dans les esprits. Cela a des conséquences sur la santé de la population. Quand arrivera-t-on à s’en défaire ?
Il est 17h. Après une journée de labeur à l’hôpital où je fais mon stage d’internat, place au jogging pour m’aérer la tête. Destination : Gihosha rural. Je compte faire d’une pierre deux coups et rendre visite à un ami de cette localité.
Je trouve mon ami assis devant sa maison. A cet instant même, une scène capte mon attention de l’autre côté de la cour. Un petit enfant en pleurs se débat entre les mains d’une femme. Une autre dame d’âge avancée tente d’ouvrir la bouche du bambin par sa main vigoureuse. L’autre main tient un objet métallique qu’elle tente d’y enfoncer.
Mon copain m’informe que c’est une voisine qui est venue faire soigner son enfant une de ces maladies de bouche fréquentes chez les enfants. J’apprends aussi que la dame est « l’as du traitement » de ces maladies.
Accrochage
Je m’approche avec compassion et curiosité. Après les avoir saluées, je demande le problème que cet enfant présente. « Ndiko ndamuvura mukumukura ibitondakanwa » (j’essaie de racler les lésions du fond de sa bouche qui le rendent malade, Ndlr), me répond-elle avec indifférence.
De son côté, le petit garçon se débat comme il peut. Les deux femmes peinent à l’immobiliser. La dame laisse l’affaire et recommande de le ramener le lendemain.
Sur ce cas, une force irrésistible me pousse à expliquer aux deux dames ce dont souffre probablement le petit et le danger de cette pratique. Je conseille à la maman de consulter un médecin pour bénéficier d’un traitement adapté et plus simple que ce que l’on voulait infliger au petit. Elles me fixent d’un regard torve. Après leur avoir dévoilé ma position, elles deviennent méfiantes. Je rengaine mes arguments. Ce n’est peut-être pas le bon moment de leur donner des leçons.
Des pratiques dressées contre la médecine conventionnelle
Ce petit accrochage met en évidence qu’il existe des pratiques dangereuses, dressées face la pratique médicale moderne et le plus souvent contre elle. Cette confrontation a blessé l’orgueil du « jeune médecin en moi » qui est sur le point de sortir de sa chrysalide. Ainsi, Théodore d’Almeida a raison dans l’Afrique et son médecin, lorsqu’il dit : « Le danger, c’est d’arriver à pied d’œuvre avec l’illusion qu’on va travailler dans le vide et qu’il suffit de parler pour être entendu, de marcher pour être suivi, d’agir pour être imité.»
Je peux aussi étayer ce message par cette anecdote d’un patient que nous avons suivi en hospitalisation. C’est un malade diabétique qui nous est parvenu dans un état critique. Il avait coupé court au traitement instauré par son médecin pour se tourner vers les médicaments miracles qui ont actuellement pignon sur rue. Et son erreur a failli lui coûter la vie.
Des conséquences fâcheuses
Tirant leur source de la médecine traditionnelle ancienne ou de la religion, les conceptions erronées des maladies vont avec leur lot de conséquences fâcheuses.
D’un, si une pathologie est conçue faussement, mauvaise sera sa prévention. Cela se répercute sûrement sur le traitement. Par exemple, avec le concept d’empoisonnement (ishano) qui est au goût du jour. Toute maladie peut s’y prêter. Ce qui peut coûter cher au malade avec le recours tardif au médecin. Sans oublier la toxicité des produits souvent utilisés.
De deux, une mauvaise conception de la maladie affecte la relation entre le malade et le soignant, d’où le manque de confiance ou de coopération. C’est ainsi par exemple, qu’on peut surprendre un malade hospitalisé prenant parallèlement un remède traditionnel.
De trois, la conception erronée de la maladie influence le comportement du malade et de son entourage face à la maladie. Ici, il me semble adéquat de l’illustrer par l’épilepsie, une maladie qu’on ne cesse de démystifier pour élaguer les fausses croyances s’y rattachant.
Pour endiguer les conceptions erronées de maladies et leurs retombées, on doit les prendre en considération et les fustiger par la sensibilisation et l’éducation à la santé. Du reste, je crois que Théodore d’Almeida a raison avec cette position qu’il défend dans L’Afrique et son médecin : « Le médecin a besoin des malades. Il a besoin de leur adhésion. Il a donc besoin de connaître leurs idées, leurs craintes et leurs répugnances. Cela ne se fait pas en un jour, et à la vitesse d’un train en rase campagne. »
Comme de raison, l’éducation et la sensibilisation à la santé doivent être continues et dynamiques en impliquant tout le monde, pas seulement les professionnels de la santé.
Ce que dit le jeune médecin existe partout en Afrique, on arrive même à faire de circoncision traditionnelle avec le piment comme…ça inflige au patient des douleurs inimaginables. Change Our mind