Depuis le 17 mars, le Burundi dirige la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC), pour un mandat de deux ans. C’est sorti de la 11ème session ordinaire du conseil des ministres tenue du 14 au 17 mars, à Bujumbura. Pour l’environnementaliste Innocent Banirwaninzigo, c’est une opportunité pour le Burundi de redorer son blason en matière de protection de l’environnement. Analyse.
« C’est un honneur pour le pays de pouvoir occuper ce poste pour une organisation qui comprend onze pays », commente Innocent Banirwaninzigo, environnementaliste.
Néanmoins, il souligne qu’il revient au pays de démontrer qu’il est à la hauteur et de profiter de cette position pour être un modèle, corriger ses erreurs du passé dans la protection des forêts : « Ce qui passera par des actions concrètes du développement du secteur forestier au Burundi, les pays membres ainsi que la mobilisation des fonds pour la sauvegarde des forêts », analyse-t-il, indiquant que ces dernières constituent un puit important du dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz.
Au niveau national, cet environnementaliste souligne que le pays devrait se pencher sur les lois, les codes, les stratégies et programmes. « A cette occasion, le Burundi devra travailler pour être un modèle en ce qui est de la promotion, protection des forêts », insiste-t-il, notant que certains instruments juridiques en matière de l’environnement n’ont pas jusqu’aujourd’hui des textes d’application.
M. Banirwaninzigo donne l’exemple du code forestier de 2016 qui manque plus de 40 textes d’application pour être opérationnel. Idem pour le code de l’eau qui totalise actuellement plus de 10 ans avec un manque éloquent des textes d’application, mentionne-t-il. Il précise que ses articles 34, 35 prévoient la mise en place du fonds national de l’eau. « Mais, jusqu’aujourd’hui, ce fonds n’est pas encore institué », déplore cet environnementaliste.
Et dans le contexte mondial de changement climatique, il indique que le Burundi n’a pas encore une loi spécifique sur les changements climatiques. « Et c’est cette dernière qui devrait réglementer la façon dont il faut s’adapter ou atténuer et même mobiliser les fonds pour faire face aux effets du changement climatique », explique-t-il, tout en rappelant que ces effets sont une réalité au Burundi : cas des inondations, des répartitions inégales des précipitations, la montée des températures, etc.
Être un bon ambassadeur
M. Banirwaninzigo, environnementaliste mentionne que la COMIFAC participe dans des consultations sur le climat auprès de la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique. « C’est un grand défi pour un pays qui ne dispose pas une loi spécifique sur les changements climatiques », critique-t-il, appelant les décideurs à faire tout pour que le Burundi se dote de cette loi afin d’être un bon ambassadeur pour les onze pays. D’ailleurs, il signale que l’intégration des aspects changements climatiques dans des activités pour un pays qui n’en dispose pas reste un défi de taille.
Pour lui, le Burundi devrait aussi faire une introspection : « Retourner en arrière pour évaluer la mise en place des lois existantes dans le domaine de l’environnement afin de prendre des décisions qui s’imposent ».
Cet environnementaliste déplore d’ailleurs le fait que beaucoup des textes, des lois n’ont pas leurs versions en langues nationales alors que c’est bien précis dans l’article 5 de la Constitution. « Cela permettrait aux Burundais de s’approprier de leurs contenus et les mettre en exécution », dit-il, notant que l’article 35 de la même loi fondamentale parle du rôle primordial de l’Etat dans la participation, la gestion et la sauvegarde de l’environnement.
Ce qui signifie, d’après lui, que c’est l’Etat qui est le premier responsable dans la sauvegarde et la gestion des ressources naturelles. Une mission quasiment difficile quand les textes, les lois manquent de textes d’application ou ne sont pas accessibles et compréhensibles à la population.
En ce qui est de la situation actuelle des forêts, Innocent Banirwaninzigo trouve qu’elles sont menacées. « Le couvert forestier restant est estimé à 173 mille ares alors que dans les années 80, il était de 60% du territoire national. Bref, la superficie occupée par les forêts se rétrécit du jour au jour », déplore-t-il, expliquant cela principalement par la pression démographique, les changements climatiques.
L’un des points chauds de la biodiversité du monde
Les forêts tropicales situées dans l’espace COMIFAC comptent parmi les plus importantes au monde en matière de point chaud de biodiversité. Elles renferment plus de la moitié de la faune et de la flore africaine, avec plus de 50 % de la faune d’Afrique ; environ 400 espèces de mammifères, dont l’essentiel des populations relictuelles de gorilles, chimpanzés et bonobos (chimpanzés pygmées) et environ 50 % des éléphants d’Afrique1 ; environ 665 espèces d’oiseaux (dont 36 % sont endémiques) ; plus de 10 000 espèces de plantes (dont environ 3 000 sont endémiques).
La COMIFAC est composée de onze pays dont le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC), la République centrafricaine (RCA), Congo-Brazzaville, Rwanda, Cameroun, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad et Sao Tomé et Principe.