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Pourquoi les Burundais n’ont en tête que « construire une maison » quand ils ont l’argent ?

Lorsqu’on observe l’empressement des soldats  burundais venant de la Somalie à investir dans la construction d’une maison, on remarque à quel point posséder une maison est important dans la culture burundaise. Mais cet engouement suscite des interrogations : la maison est-elle le meilleur investissement ? N’y auraient-ils pas d’autres moyens pour faire fructifier son argent? Ou la peur du risque est plus grande que l’envie d’innover ?

Dernièrement, dans un bar enfumé de la capitale, Monsieur X critique vivement le choix d’investissement des Burundais. Pour lui, ces derniers aiment le « copier-coller ». C’est ainsi qu’on peut trouver sur une même ruelle une dizaine de boutiques proposant les mêmes produits pour les mêmes prix. « Je pense qu’ils se disent que si l’autre s’en sort, ça devrait marcher également pour moi », s’est-il moqué. De fil en aiguille, on a abouti à l’immobilier et l’engouement de descendants de Ntare pour tout ce qui est construction. « Si tout le monde fait une chose, ça ne veut strictement pas dire qu’ils ont raison », a-t-il déclaré sentencieusement.

En effet, j’ai eu par après la chance de discuter avec des propriétaires de maisons qui regrettaient leurs décisions. J.C, habitant de Carama, ne cesse de se lamenter : « J’ai investi plus de 90 millions dans la construction de ma maison mais, mon locataire ne me paie que 300.000 milles francs. Je suis commerçant, je regrette cet investissement car je pense que si j’avais injecté cet argent dans mon business aujourd’hui ça aurait déjà rapporté gros.’’

Pierre, un militaire qui a déjà fait deux missions en Somalie, se plaint également : « Lorsque je suis arrivé à Bujumbura je n’avais qu’une seule idée, construire une maison. C’est la seule discussion qu’on avait avec mes collègues à Mogadiscio. C’était la première fois que je touchais un montant très élevé. Je croyais que c’était inépuisable, mais j’avais tort. J’ai cherché un ingénieur et je lui ai commandé un plan Gasekebuye (belle maison) comme on les appelle. Très rapidement on a commencé à bâtir. »

Plus Pierre avançait en travaux, plus il remarquait que son projet était pharaonique et le montant astronomique. « Jusqu’à maintenant, après deux missions, je n’ai pas encore bouclé mon chantier. J’ai des dettes partout, mais des fois mes amis me consolent. Mais ils ne savent pas le calvaire que je vis. Ma femme ne travaille pas. Si je pouvais retourner en arrière, je ferais pas la même bêtise », tranche-t-il.

Une peur fondée

Ces témoignages ne me suffisaient pas, je voulais comprendre davantage. Après avoir approché un expert en économie, c’est un tout  autre schéma qui s’est dessiné. En effet selon Faustin Ndikumana, directeur exécutif du PARCEM (Parole et Action pour le Réveil des Consciences et le Changement des Mentalités), la situation se résume en trois étapes.

Premièrement, pour lui, c’est un problème de manque d’innovation : « Les gens ayant peur du risque, ils reproduisent ce qu’ils ont vu fonctionner chez les  autres. La maison est alors considérée comme une réserve de valeurs ».

En deuxième lieu, le fléau de la corruption. Pour l’expert,  avec un des taux les plus élevés de corruption au monde, investir dans autre chose que la maison présente un grand risque : « Les gens ont peur d’investir car ils estiment que leurs projets peuvent être étouffés dans l’œuf à tout moment ».

Enfin, il y a le problème des biens mal acquis. « Un responsable lambda, du jour au lendemain, peut faire un ‘’deal’’ (par la corruption) et gagner des centaines de millions alors qu’il ne s’y attendait pas. Il se dit alors que le meilleur moyen de blanchir cet argent est de construire une maison», confie le directeur du PARCEM.

En définitive, dans un pays où l’économie fonctionne au ralenti, la population a peu de perspectives et pense que le risque est trop élevé pour investir. Malheureusement sans innovation, sans investissement, avec une corruption qui devient de plus en plus normale, le chemin vers le développement est encore loin.

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