La récente décision du ministère de l’éducation d’organiser des tests à l’endroit des enseignants à suscité de vives réactions. Bien que la mesure soit suspendue, ne fermons pas aussi les yeux sur d’autres facteurs de baisse du niveau de formation. Et ils ne sont pas moindres.
Je n’oublierais jamais ce drôle d’anecdote en Bac 1 où des étudiants étaient montés sur leurs grands chevaux sur un sujet bien étrange : un dictionnaire est un roman ou pas ? Les deux camps défendaient bec et ongles leurs positions. Pour une de ces deux factions, « il est évident que tout livre est un roman, y compris un dictionnaire ». Etrange discussion dans la faculté des Lettres et Sciences Humaines à l’Université du Burundi tout de même.
Cela est symptomatique d’un fait : il se ferait que certains étudiants arrivent à l’université sans avoir ouvert un seul bouquin, histoire de distinguer quelques Ba.ba de la culture livresque. Et si un tel étudiant se voit donner un travail de fond sur Victor Hugo ou Balzac et leurs romans fleuves et que l’étudiant se plante, est-il à étiqueter systématiquement d’ignare ?
Certaines écoles- remarquez l’euphémisme- n’ont pas de bibliothèques, de laboratoires et ne parlons pas de parcs informatiques. Ingénieux ou résilients, c’est selon, des enseignants dessinent des écrans et des claviers au tableau et n’ont que cela comme support didactique. Difficile de s’attendre à ce que nos milliers d’écoles techniques deviennent des nids à geeks dans ces conditions.
Le même constat s’observe dans les sections scientifiques. Combien d’écoles peuvent se targuer d’avoir des laboratoires dignes de ce nom pour former de futurs grands biologistes, chimistes, physiciens et que sais-je encore ? « Même à l’Université du Burundi, les labos ressemblent beaucoup plus à des musées, tellement ils sont vétustes. Pas évident qu’ils serviront à donner au pays de grands ingénieurs locaux pour exploiter nos minerais par exemple », constate un professeur à Rumuri qui a requis l’anonymat.
Circulez, il n’y a rien à voir…
Les débats suscités par le préavis de grève brandi par les syndicats m’ont fait penser au dernier, film événement de Netflix Don’t look up. Dans cet opus, une équipe de scientifiques se heurte au déni des pouvoirs publics et à la négligence du système médiatique alors qu’elle annonce une collision imminente d’une comète tueuse de planète avec la terre. Les autorités ont la tête aux élections de mi-mandat et les médias à la chasse aux gossips dans le milieu people.
Le niveau des enseignants qui a cristallisé les discussions ces derniers jours n’est en réalité qu’un arbre qui cache une bien grande forêt. Il suffit de voir la litanie de maux qui minent ce secteur qu’évoquait le syndicaliste Victor Ndabaniwe quand il plaidait pour une tenue des états généraux de l’éducation.
A titre d’exemple, les effectifs pléthoriques dont les images deviennent virales sur la toile ces derniers jours. Une vidéo montrant des écoliers prenant des notes sur des briques assis à même le sol avait suscité un débat entre quelques intellectuels où il était question, entre autres, de savoir à qui revient la responsabilité d’équiper les infrastructures scolaires.
Le système éducatif burundais a absolument besoin de réformes en profondeur. Bien que demeurant une variable importante, bloquer sur le niveau des enseignants en oubliant d’autres facteurs qui minent l’enseignement ne serait que bâtir sur du sable mouvant.
Espérons qu’un jour, constatant un niveau dangereusement bas, personne ne dira comme le Professeur Mindy incarné par Di Caprio dans Don’t look up face à la disparition de la planète qui aurait été évitable: « Quand on y réfléchit, on avait vraiment tout, franchement, quand on y pense… ». Les dés ne sont pas totalement jetés.