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Le parti CDP défend-il une cause perdue ?

Le Conseil des patriotes (CDP) vient d’étonner l’opinion en sortant un communiqué pour déplorer l’arrestation et la détention de deux jours de son leader, accusé d’escroquerie. Pourtant, les responsables de partis, en dehors de leurs activités politiques, peuvent être arrêtés s’ils se rendent coupables d’infractions de droit commun. CDP, avocat du diable ? Jusqu’où un parti politique peut-il défendre son leader ? Faisons le tour de la question.

Nous sommes mardi 19 août 2025. Des photos circulent sur les réseaux sociaux montrant Anicet Niyonkuru, le président du parti CDP, ceinturé par des agents de police, en train d’être embarqué dans un taxi. Même au pays de Ntare, ce n’est pas ordinaire de voir un politicien embarqué manu militari, en plein jour, par les forces de l’ordre. De ce parti, je n’ai retenu que son slogan qui sortait de l’ordinaire lors de l’élection de 2020 : Voba voba, et je dois dire que je ne sais pas exactement ce que cela veut dire. Mais revenons à nos moutons.

La case cachot

Des sources bien informées nous ont appris que M. Anicet a été incarcéré au cachot du commissariat de Bujumbura, anciennement BSR. Il serait à la tête de l’ABAHS (African Brain, African Hand and Studies), une entreprise qui cherche des visas pour des travailleurs migrants à destination de pays comme la Serbie, la Norvège, la Pologne, l’Australie, l’Irak, la Somalie, Dubaï, etc. Je vais me faire violence et ne pas dire ce que je pense de ces entreprises. Que M. Niyonkuru monte une entreprise pour gagner de l’argent, rien de nouveau sous le ciel de Bujumbura. On a beau être politicien, poète, pasteur ou umuvurati (faiseur de pluie), il faut bien se nourrir. Tant que l’entreprise travaille dans la légalité, et qu’il n’y a pas d’incompatibilité avec l’exercice d’un mandat public, il n’y a rien à dire : Anicet Niyonkuru est dans son droit. Sauf que certains citoyens accusent ce dernier d’escroquerie, parce qu’ils auraient payé de l’argent pour bénéficier des services de son entreprise, mais n’auraient rien reçu en retour. Mécontents, ces citoyens auraient décidé de porter plainte. C’est ainsi qu’un mandat d’amener a été délivré à l’encontre de M. Niyonkuru. Vous aurez remarqué au passage que, jusque-là, c’est une affaire strictement privée.

CDP, avocat du diable ?

Nous apprenons de nos sources qu’Anicet Niyonkuru a été relâché après deux jours de détention. Mais alors, qu’elle n’a pas été notre surprise en apprenant la réaction de son parti ! Le CDP s’est fendu d’un communiqué où il déplore ce qu’il appelle un traitement indigne de son leader. Le même communiqué précise : « Ce qui n’était qu’un litige civil de consommation a été artificiellement gonflé pour devenir une pseudo-affaire pénale. » Bien plus encore, la même communication indique que « M. Niyonkuru, dans un esprit de concorde, avait même remboursé 6.300.000 Fbu officiellement et 5.600 $ par traitement à l’amiable. Ce geste, qui aurait dû atténuer sensiblement le dossier, fut cyniquement ignoré. » Le communiqué insiste également sur le fait qu’Anicet Niyonkuru est le président du CDP et membre du Conseil national pour l’unité et la réconciliation.

Personnellement, j’ai eu beaucoup d’interrogations en lisant ce communiqué publié le vendredi 22 août 2025. Je ne vais pas entrer dans les détails pour dire s’il s’agit d’une affaire civile ou pénale, je laisse cette discussion aux praticiens du droit.

En revanche, je me demande si la personne d’Anicet Niyonkuru est confondue avec le parti CDP, qui, il faut le rappeler, est une association politique. Toutefois, cela ne signifie pas que son leader doit se substituer au parti. Que ce soit une affaire civile ou pénale, si elle concerne un individu, quoiqu’il soit membre d’un parti politique, a fortiori s’il s’agit d’une affaire strictement privée et de surcroît de droit commun, au nom de quelle loi le parti est-il obligé d’intervenir ? C’est caricatural, je le concède, mais je donne un exemple simple. Moi, Parfait Nzeyimana, je consomme dans un bar mille et une bouteille d’Amstel 65 cl, et je rentre sans payer. Je commets l’infraction de grivèlerie. Le lendemain, je suis arrêté pour cette infraction. Est-ce que Yaga, mon employeur, monterait au créneau pour dire qu’un de ses employés a été injustement arrêté à cause de son métier de journaliste ? Ce serait tout simplement absurde.

La communication, un couteau à double tranchant

Un leader politique, détenteur d’un mandat public ou pas, n’est pas au-dessus des lois, n’en déplaise à Niyonkuru qui a même pris le soin de taguer le CNIDH sur X (ancien Twitter). Même les députés peuvent être arrêtés quand ils commettent des infractions de droit commun. Il suffit que leur immunité soit levée. Il sied de signaler, tout de même, qu’il existe un mécanisme légal appelé privilège de juridiction, qui détermine quel tribunal ou cour peut juger qui, dépendamment de ses fonctions.

Ce qui est encore plus bizarre, c’est que le communiqué a été publié sur le compte personnel d’Anicet Niyonkuru et qu’il n’est pas signé par le comité directeur de son parti. Je me refuse d’y voir une initiative personnelle, parce que je n’ai aucune preuve, ou peut-être que je n’ai pas assez creusé. Mais une communication qui n’est pas bien pensée peut entretenir un amalgame contre-productif pour son auteur. À bon entendeur, salut.

 

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