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Du sang neuf dans les institutions : pour et avec le peuple ?

L’arène politique burundaise s’anime. Le renouvellement des responsables de certaines hautes institutions du pays vient de se faire au pas de course. À la tête de l’exécutif gouvernemental, une nouvelle personnalité, mais pas si nouvelle que ça. Le peuple regarde. Le peuple contemple ce ballet politique avec grand intérêt. L’espoir est-il permis avec la venue des nouvelles institutions ?

Voyons ça de plus près avec l’auteur des lignes qui suivent, qui nous propose son point de vue.

Un gouvernement nous est né. Alléluia ! Après la surchauffe du landerneau politique burundais, le temps de la moisson est venu. La mise en place du nouveau gouvernement a sonné comme un clap de fin d’un ballet orchestré pour renouveler les responsables des deux principaux centres du pouvoir, à savoir le législatif et l’exécutif. Au Parlement, qui est bicaméral, Gélase Ndabirabe reste aux commandes, tandis que Gervais Ndirakobuca, Premier ministre sortant, prend la tête du Sénat.

Une course effrénée pour le casting

Alors que les nouveaux sénateurs avaient été convoqués le 4 août 2025 dans une première plénière pour voter le règlement d’ordre intérieur et élire le nouveau bureau du Sénat, on a senti la machine s’emballer. Dès que le bureau a été élu, le Sénat a approuvé la proposition du Président au poste de Premier ministre en la personne de Nestor Ntahontuye, qui exerçait la fonction de ministre de l’Économie et du Budget dans le gouvernement sortant. L’après-midi, le Président a sorti un décret nommant officiellement le Premier ministre, qui avait prêté serment dans la journée. L’accélération du mouvement a été telle que les médias ont été dépassés par la succession des événements. Le soir du même jour, on a entendu la voix de la porte-parole du président de la République ânonner les noms des ministres nouvellement nommés. Plus tard, le Parlement, les corps constitués et le corps diplomatique ont été convoqués à la séance de prestation de serment du nouveau gouvernement ce 6 août 2025.

Dans un groupe WhatsApp, un de ces commentateurs qui n’ont pas la langue dans la poche a dit : « Iyaba dukoresha uwo muvumbuko mu gutenza imbere igihugu tuba tugeze kure » (Si on avait le même empressement dans les travaux de développement, le pays se porterait bien). C’est dire dans quelle mesure la mise en place des nouvelles institutions a été faite au sprint. Je ne sais s’il y a une relation de cause à effet, mais un des ministres a dû s’y prendre à deux reprises pour prêter serment. Il a lu le texte de travers, en parlant de « Abarundi bose » (tous les Burundais) au lieu de « Abenegihugu bose » (tous les citoyens).

Entre-temps, les invitations aux médias pour venir couvrir les remises et reprises entre les ministres entrants et sortants se suivent et se succèdent.

Les visages qui font parler

Chantal Nijimbere aura été la sensation de la nouvelle équipe gouvernementale. Outre le fait que c’est la première femme à occuper le prestigieux portefeuille ministériel de la Défense, elle est restée aux affaires depuis l’arrivée au pouvoir du président Évariste Ndayishimiye. Elle est passée par le ministère de la Communication et celui du Commerce avant de remplacer Tribert Mutabazi à la Défense.

Il y a aussi ceux que j’appelle les survivants, c’est-à-dire ceux qui faisaient partie du gouvernement sortant. Il s’agit, en plus de celle dont on vient de parler, de Lyduine Baradahana à la Santé et de François Havyarimana à l’Éducation. Ensuite, il y a les OVNI, c’est-à-dire ceux à qui on n’avait jamais pensé. Dans cette catégorie, je classe Arthémon Katihabwa à la Justice, Jean Claude Nzobaneza aux Infrastructures et Gabby Bugaga à la Communication. Personne n’aurait deviné que ce dernier était « ministrable ». Ancien journaliste, puis chargé de communication au Sénat, il donnait l’impression d’être plus technicien que politicien. Le tout nouveau ministre ayant la Justice dans ses attributions est passé par le barreau, avant d’atterrir au Conseil supérieur de la magistrature. Quant à Jean Claude Nzobaneza, mon honnêteté professionnelle m’oblige à dire que je ne le connaissais pas. Mais mon petit doigt me dit que ce n’est pas non plus un cador de la politique.

Ceux qui ont manqué le coche

Rappelons d’abord que les ministères régaliens, c’est-à-dire ceux qui sont fondamentaux pour l’exercice de la souveraineté et le fonctionnement de l’État (les Affaires étrangères, l’Intérieur, la Justice, la Défense, et les Finances ou le Budget), ont changé de mains. La « Radio munwa », c’est-à-dire la rumeur, plaçait Léonidas Ndaruzaniye à la tête de l’Assemblée nationale. Il vient finalement d’hériter du ministère de l’Intérieur, du développement communautaire et de la sécurité en remplacement de Martin Niteretse. La rumeur qui voulait Isidore Mbayahaga à la Vice-présidence s’est avérée fausse, car Prosper Bazombanza garde jusque-là son fauteuil. Apôtre Mbayahaga devra attendre.

Décider avec le peuple, pas pour lui !

Le gouvernement sortant a fait face à de nombreux défis ; c’est presque un euphémisme. L’instabilité économique, l’inflation, le manque de devises et de carburant, la hausse vertigineuse des prix, etc., le nouveau gouvernement devra retrousser les manches, hic et nunc.

Le peuple souffre. Il faudra alléger le fardeau qu’il porte depuis un certain temps. Mieux : écoutez la vox populi. Les solutions au forceps marchent rarement. Le ministre de l’Intérieur sortant venait d’essayer le bâton (sans avoir essayé la carotte) en tentant de juguler la hausse des prix. Cela n’a fait qu’empirer la situation. Le peuple est impatient. Il faudra peut-être inventer une manière de l’inclure dans la prise de décisions qui le concernent. Cela pour lui épargner des décisions parachutées des bureaux climatisés des technocrates.

 

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