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Un patriotisme en congé payé ? Absurde, non ?

« D’habitude, les Burundais aiment les congés … » ; déclarait le président Evariste Ndayishimiye le samedi 10 août 2024, en marge de sa descente au ministère de la santé, lançant par la même occasion une semaine dédiée à la propreté. Si tel est vraiment le cas, le débat qui semble lancé dans les lignes suivantes, remettant en question la plus-value des jours fériés au Burundi, sera difficile à gérer. 

 Ce lundi 9 juin, le Burundi célèbre la Journée nationale du patriotisme – je me passe expressément de l’aspect « commémoration de la mort du président Pierre Nkurunziza », puisque c’est sur l’aspect patriotisme que va s’articuler la totalité de mon billet – Rien d’étrange, jusque-là. D’ailleurs, nous avons besoin de ce genre d’instants de réflexion pour nous rappeler que ce pays a besoin de nous, afin qu’il sorte du contexte problématique dans lequel il croupit depuis des années.  

Mais ce qui fait grincer des dents, c’est que cette journée est déclarée chômée et payée, en plus des quatre jours déjà non travaillés, cette semaine, depuis jeudi. Une semaine presque entière sans activité. Le problème ? Ce n’est pas seulement symbolique. C’est économiquement absurde. Je m’explique.

Une semaine sans produire dans l’un des pays les plus pauvres du monde

Jeudi dernier : élections législatives et communales. Vendredi : fête musulmane. Samedi et dimanche : week-end. Lundi : patriotisme en congé. Résultat ? Cinq jours d’affilée sans rien produire, dans un pays classé parmi les derniers au monde en matière de développement. Est-ce normal ?

Le Burundi est l’un des pays les plus pauvres au monde, avec 87 % de la population vivant avec moins de 1,9 USD/jour selon la Banque mondiale et un PIB par habitant de 245,8 USD en 2023 selon le FMI. 

Pendant que le pays poursuit sa descente aux enfers de la pauvreté, nous multiplions les jours de pause, chômés et, il ne faut surtout pas l’oublier, payés. N’est-ce pas absurde ?

Le Burundi compte déjà 14 jours fériés officiels par an (décret numéro 100/150 du 7 juin 2021 en la matière). C’est pratiquement 5% de l’année en jours non productifs ; énorme, non ?  

Encore que le contexte est tout sauf favorable (à la pause) :. l’inflation atteignant 40,9 % en mars 2025 (Banque centrale) ; pauvreté extrême (« 51,4% des Burundais sont pauvres » – EICMB-INSBU).

Donc chaque jour chômé est un jour de moins dans les champs, dans les écoles, dans les ateliers, dans les marchés, etc.  

Travailler n’est pas trahir sa patrie … au contraire

Une question de cohérence se pose. Si l’on veut réellement « honorer » la nation, est-ce en s’arrêtant de travailler ? Ou plutôt, en essayant de bâtir quelque chose, en s’activant à relever les défis du pays.

La Banque mondiale le martèle dans ses rapports : le Burundi doit améliorer sa productivité, investir dans l’éducation, les infrastructures, l’agriculture moderne. Pas dans des pauses symboliques. Faut-il mieux repenser notre manière de célébrer les causes nationales, dont le patriotisme en l’occurrence ? Au lieu que ce soient des jours chômés à chaque fois, pourquoi ne pas limiter les jours fériés payés à ceux ayant un impact réellement national ?

À titre d’exemple, faire du 9 juin une Journée nationale de volontariat, où chaque citoyen consacre quelques heures à une action concrète : nettoyage, rénovation d’écoles, plantation d’arbres, etc. Dans ce cas, je me joindrais même à l’idée de deux, trois jours, voire toute une semaine pour le patriotisme. 

S’il vous plaît, pas d’absence au travail pendant toute la journée !

 

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