Si le rapprochement entre le Burundi et le Rwanda est le travail des hommes en costard, les artistes jouent également leur partition. Le 4e art, un ferment d’une relation qui renaît de ses cendres? Ce blogueur en est convaincu.
J’ai un proche. Il parle un peu l’allemand. Il y a une année ou deux, il s’est retrouvé à jouer à côté de moi une chanson en allemand. En mélomane que je suis, j’ai été piqué par la curiosité. « Mais qu’est-ce que c’est cette chanson que ce bougre joue ? » me suis-je demandé. Elle avait des sonorités rock des années 80. Avec une voix féminine à vous donner la chair de poule. « C’est quoi cette chanson ? Le titre s’il te plaît ? », l’ai-je supplié. « Elle s’appelle 99 Luftballons du groupe Nena ».
Me voilà alors lancé à la quête de ces 99 Luftballons. Je découvre d’abord le premier couplet : « Hast du etwas Zeit für mich? Dann singe ich ein Lied für dich Von 99 Luftballons Auf ihrem Weg zum Horizont » que l’on traduit en français par : « As-tu un peu de temps pour moi ? Dans ce cas, je chante une chanson pour toi, à propos de 99 ballons de baudruche s’envolant vers l’horizon ». Les paroles me semblaient énigmatiques. Des ballons de baudruche ? S’envolant vers l’horizon ? C’est quoi ce gloubi-boulga ?
Je vais sur internet et je cherche la signification de ces paroles et de l’histoire derrière le tube. J’apprends que 99 Luftballons est une chanson écrite en 1983, qui s’oppose à la guerre froide et se moque des tensions, à l’époque, entre l’URSS et les USA. 99 Luftballons, c’est aussi une chanson d’espoir : Nena vivait à l’époque dans Berlin-Ouest, en Allemagne de l’ouest. Une chanson qui rappelle l’absurdité du mur de Berlin qui séparait les deux Allemagnes (de l’Ouest appelé aussi République fédérale d’Allemagne et de l’Est, la République démocratique allemande). Une chanson qui compte dans le visage géopolitique mondial, jusqu’à aujourd’hui.
Nena avec 99 Luftballons, ainsi, nous rappelle le rôle que peut jouer la musique dans le rapprochement des peuples. Et ça, les chanteurs burundais l’ont compris (peut-être indirectement) depuis quelque temps.
Des « collabos » au goût de diplomatie
C’est un secret de Polichinelle. Les relations entre le Burundi et le Rwanda étaient au plus bas depuis 2015. Mais, depuis peu de temps, on voit plusieurs collaborations entre chanteurs burundais et rwandais. Et qui cartonnent : ces jours-ci, Buja-la-belle et Kigali se déhanchent sur Yalampaye de Kirikou Akili et Kivumbi King. Mais pas que : Body, de D-ONE et Social Mula, fait lever chaque fois, les filles dans les boîtes de nuit, Quality de Kenny Sol et Double Jay, sans parler de Akadaje d’Alvin Smith et Juno Kizigenza. Et le vétéran Big Fizzo suit la tendance. Avec Davis D, ils ont retravaillé Truth or Dare et leur remix est une merveille auriculaire. Sans oublier de mentionner : Inzoga n’ibebi de Bruce Melody, Kirikou Akili et Double Jay, Turajana de Bwiza et Alvin Smith et bien d’autres encore.
Dernièrement, le petit « chouchou » des burundaises, Drama-T, a fait un saut à Kigali pour « finaliser ses différents projets de chansons, qu’il a faites en collaboration avec les artistes rwandais ».
🔴Le Chanteur Burundais Herry IRANKUNDA connu sous le sobriquet de Drama T vient de prendre l’avion à destination de Kigali, au Rwanda. Drama fait savoir qu’il part pour finaliser ses différents projets de chansons, qu’il a faites en collaboration avec les artistes Rwandais. pic.twitter.com/3UJIuqb0sy
— AKEZA Burundi (@akezanet) January 23, 2023
Il n’y a pas que les featurings qui démontrent la « diplomatie de la musique ». Parlons de ces concerts qui invitent de plus en plus de Rwandais à jouer au Pays de Mwezi. Même si ça a causé quelques mécontentements bien sûr. Mais, ça, c’est une autre histoire. Au moment où je rédige ce billet, le chanteur rwandais Kenny Sol est en tournée au Burundi. Aussi, ce samedi, le 18 février 2023, les plages de Bujumbura accueillent l’un des événements les plus importants de hip-hop dans la région : un concert de Trappish. Ce nouveau genre de rap qui cartonne depuis peu au Rwanda comme au Burundi. Des rappeurs rwandais et burundais sont à l’affiche.
Peut-on parler de rapprochement mieux que ce qu’on vient de voir plus haut ? Pendant que les diplomates agissent dans leurs bureaux climatisés pour réunir deux peuples, au fond des studios d’enregistrement, les hits s’en chargent avec aisance. Lors du 20e sommet des Chefs d’Etats membres de l’EAC le 4 février 2023, à Bujumbura, la photo du président burundais et rwandais était la plus attendue. Ils se sont salués. Certains ont poussé un ouf. Pendant que d’autres internautes ont rappelé que les chanteurs burundais et rwandais l’ont fait bien avant. Un collage photo a été vu sur Internet montrant Kirikou Akili et Kivumbi King se saluant dans la chanson Yalampaye et en bas, les deux présidents (rwandais et burundais). Comme pour dire : « Le rapprochement s’est fait avant ».
#abatwip weekend nziza 🔥 pic.twitter.com/fvXZ9OpxIc
— Burundi On The Map (@burundionthemap) February 4, 2023
Les concerts de Bruce Melody ou d’Israël Mbonyi à Bujumbura, l’année passée, nous ont démontré aussi qu’au-delà des traités, des accords ou je ne sais quel autre artifice diplomatique, la musique dépasse les frontières tels des ballons de baudruche. Et si les hommes en costard ou en col Mao ne se chargent pas de la diplomatie, « 99 Luftballons » s’en chargera.
J’aime bien