En avril 2021, 3000 prisonniers sur les 5255 graciés par le président du Burundi ont été libérés. Au moment où les portes de la prison se refermaient derrière eux, s’ouvraient les cloisons des préjugés et d’un passé collant rendant le retour à la liberté plutôt compliqué pour ces ex-prisonniers.
Vous vous rappelez de Jean Valjean, célèbre personnage dans les « Misérables » de Victor Hugo ? Les amateurs de la lecture se souviennent qu’il était continuellement poursuivi, sa vie durant, par son statut d’ancien prisonnier. À son image, les prisonniers graciés récemment par le président de la République se voient coller une étiquette liée à leur passé d’anciens taulards.
« Avec les récentes attaques à la grenade et les différentes embuscades qui ont été tendues sur les routes, je suis parmi les premiers vers qui on pointe du doigt. Les voisins se demandent dans leurs discussions pourquoi ce genre de truc commence à se produire avec la libération des prisonniers », témoigne Marc, qui venait de passer six ans sous les verrous. Il ajoute que le terme prisonnier de 2015, même précédé du préfixe ex-, entraîne suspicions et préjugés qui compliquent la réinsertion des anciens détenus.
Famille et voisins aux abonnés absents
Même son de cloche pour Jean-Pierre incarcéré en 2016 pour escroquerie. À sa sortie de prison, il a trouvé sa maison détruite par la pluie. Quant à sa femme, elle s’était déjà mariée à un autre homme. Il a cherché à intégrer un groupe d’épargne qui prône la réinsertion et d’autonomisation, mais il a essuyé un refus catégorique. « Le motif de son emprisonnement ne nous inspire pas confiance », lui a-t-on répondu. Dans sa solitude, il a peur de récidiver. « Quand il n’y a personne pour t’accueillir à la sortie de la prison, et quand la famille et le voisinage sont aux abonnés absents, ce sont souvent les anciennes relations qui se renouent, ouvrant la porte à la récidive », se désole Jean-Pierre d’un air attristé.
Comme une tache d’huile sur son certificat de bonne conduite…
À sa sortie de prison, Marc s’est retrouvé au chômage. Caissier dans une banque locale, il a été licencié et vite remplacé quand il a été embastillé. Trouver un travail et les moyens de subsistance étaient les meilleures conditions pour réussir sa réinsertion. Du coup, il s’est mis à la recherche du boulot. La première chose à faire était d’aller chercher un Certificat de bonne vie et mœurs, un document indispensable quand on cherche un emploi au Burundi. Le certificat est sorti avec son séjour à la prison de Gitega marqué dessus. Avec cette étiquette, avoir du boulot a été un parcours du combattant.« Le premier défi était de gérer ma propre image dans les interviews de recrutement en répondant aux questions relatives à mon passé d’ex-prisonnier, genre : qu’est-ce qui a bien pu te mener là ?», confie Marc qui trouve que la liberté lui fait un peu mal à cause des mésaventures qu’elle lui impose. Souvent rejeté à cause de son passé de bagnard marqué sur son certificat, il s’est lancé dans l’entrepreneuriat et s’en sort tant bien que mal.
Que ce soit Marc ou Jean-Pierre, leur souhait premier est de voir se combler le fossé entre le reste de la communauté et les ex-prisonniers qu’ils sont. Ils voudraient bien recréer des relations et tisser des liens avec la société. L’exemple de l’illustre ex-prisonnier sud-africain devenu président, Nelson Mandela, prouve bien que le passage au bagne n’enlève rien aux valeurs et à la vertu de la personne.