La case prison n’efface pas le besoin de sexualité. Une fois en détention, comment les prisonniers vivent-ils leur sexualité ? Le témoignage d’André*, ancien détenu, lève le voile sur ce sujet tabou.
Sigmund Freud l’a bien démontré. La vie entière n’est faite que de sexualité. Même en prison, le vide relationnel, l’absence d’affection et à la misère sexuelle qui y règne n’effacent pas cet aspect de l’être. 62 ans, André l’a expérimenté au cours de ses 31 ans derrière les barreaux.
Incarcéré à 29 ans, il était marié. Sexuellement actif, la sexualité était au dernier rang de ses soucis. Dès l’entrée en détention, il a plongé dans l’univers carcéral qui lui a aussi imposé un changement radical de ses repères individuels.
Un paradis gay
Dès la première nuit d’incarcération, la réalité le rattrape. Même en prison, la sexualité est comme le sac à main d’une femme. On la rencontre partout où on va. Dans une cellule où la cohabitation avec des centaines de détenus empêche toute intimité, il est une fois réveillé par des attouchements sur son sexe. Au moment où il se demande ce qui lui arrive, il subit une pénétration anale. « Pour un détenu qui a un désir sexuel, son camarade de cellule est la seule personne qui s’offre à lui, et les nouveaux prisonniers sont souvent les proies faibles et faciles », précise André.
D’après lui, l’homosexualité est la forme de sexualité la plus courante, et le risque d’être violé le premier jour de l’incarcération est élevé dans les prisons au Burundi. Eh oui, André sait de quoi il parle. Il a purgé sa peine pendant 10 ans à la prison de Gitega, 12 ans à la prison de Rumonge et 9 ans à la prison de Muramvya.
Le pire, par peur de représailles, par honte ou par besoin de protection des dominants, les prisonniers évitent non seulement de porter plainte, mais aussi de consulter un médecin. « N’oublie pas qu’il n’y a pas de préservatif dans les prisons, car c’est supposé qu’il n’y a pas de rapport sexuel », confie André, en me chuchotant qu’il y a contracté la syphilis de cette manière, il y a quelques années.
Une sexualité « indigne »
La sexualité ne se limite pas à l’acte sexuel. D’après André, après les premiers mois d’incarcération, c’est le ressenti amoureux, la séduction, la tendresse, le désir et l’affection qui s’éteignent en premier. « La perte du désir sexuel équivaut à la perte de la puissance virile, et conduit à une grande frustration », explique André.
Pour combler cette frustration, des stratagèmes s’élaborent. Avant la Covid-19, certains prisonniers payaient les surveillants pour les laisser faire l’amour dans les parloirs avec leurs femmes lors des visites. « Avant la fin des visites, les surveillants peuvent faire sortir tous les détenus et leurs familles avant l’heure, pour accorder ne fut-ce que cinq minutes de plus au détenu qui a payé pour qu’il puisse faire l’amour à sa femme ». Pour André, cette sexualité est indigne. « Dépourvues de séduction, de tendresse, de sensualité, et faite de façon furtive, la réelle satisfaction sexuelle est rare », ajoute-t-il.
La masturbation, un exutoire
Pour ceux qui ne peuvent pas payer les surveillants, la masturbation solitaire apparaît comme un exutoire. « En prison, la fréquence masturbatoire est de plusieurs fois par jour, jusqu’au point parfois de se faire mal, sans pour autant être satisfait », témoigne André, qui explique qu’il lui arrivait de se masturber 4 fois par jour.
Cette masturbation s’accompagne avec le voyeurisme. « Les jours de visite, les prisonniers s’attachent à la grille de la prison pour voir les femmes des autres familles qui viennent leur rendre visite. L’objectif est de les utiliser comme image pour se masturber », ajoute André.
Libéré suite à la grâce présidentielle il y a deux ans, cette sexualité n’a pas laissé André sans conséquence. « Je n’ai plus d’attirance pour ma femme, et la masturbation en prison a érodé mes capacités érectiles », se désole André.
Que faire ? Quelle piste de solutions pour une sexualité digne en milieu carcéral ? Tout un débat.
Merci pour l’article🙏
C ‘ une honte pour le pays qui n ‘ envisage pas des mesures nécessaires pour protéger les prisonniers de ces mauvaises comportements qui peuvent même leur causer des problèmes psychologiques ou psychiques
J’aime bien cet article.
La triste réalité qu’il fallait dire pour faire le plaidoyer ou plutôt la sensibilisation.
Il faut laisser à n’importe qui leur orientation sexuel s’il-vous-plaît !
Je suis choqué par ces témoignages