Il ne se passe un jour sans qu’on assiste à une course effrénée entre la police et les vendeuses de rue. Malgré l’interdiction de ce commerce en centre-ville, celles qui passent outre à cette injonction s’exposent à des traitements parfois disproportionnés.
20h30 en plein centre-ville. Avec d’autres individus à l’air fatigué, on se rue vers les derniers bus de transport restant. Direction le sud de la capitale. Aussitôt le bus en marche, le chauffeur freine subitement. Devant nous, un pick-up rempli de policiers vient de brusquement s’arrêter. Quelques secondes suffisent pour constater ce qui se passe : le véhicule traque les quelques vendeuses encore présentes aux alentours de l’ancien marché central de Bujumbura.
Pendant qu’un policier traine de force une jeune femme, panier rempli de maïs dans les bras, je remarque, à ma grande stupeur, deux autres femmes assises ou plutôt coincées dans des barres métalliques séparant les deux banquettes installées à l’arrière de la camionnette.
La scène est ahurissante. «Comment celle –ci va–t-elle faire pour y entrer aussi ?» s’étonne un passager. Ou plus concrètement, comment se glisser entre les deux banquettes où ses compères ont pris place. Un autre passager de renchérir « Y a-t-il une prison pire que celle-là ? C’est à peine si elles peuvent bouger ou s’étirer. » Sous les regards hagards des passants, la vendeuse parvient à s’y rouler, non sans difficulté.
Gagner sa vie à ses risques et périls
Hélas, ce cas n’est pas isolé. Pour bien coincer ces vendeuses en « flagrant délit » de vente de légumes et de fruits, les hommes à l’uniforme bleu n’y vont pas de main morte. Tenue civile pour se fondre dans la masse, utiliser des bus coaster pour saisir vendeuses obligées de courir parfois avec enfants dans le dos et leurs marchandises sur la tête. De tels fâcheux spectacles sont devenus quasi quotidiens. S’abriter devant des boutiques pour vendre leurs fruits et légumes ne calme même pas les ardeurs des policiers.
Ce n’est pas pour remettre en question une décision de la mairie. Mais cette chasse à l’homme est bien éloignée des réalités de ces marchandes. Vendre n’est pas un crime que je sache.
Sans oublier que souvent à côté d’elles, pullulent des nécessiteux valides, qui attendent sans lever le petit doigt, les âmes charitables.
Ne serait-il pas temps d’encourager plutôt ces femmes qui se battent pour s’autonomiser et faire vivre leurs familles. Si le centre-ville est leur endroit pour écouler leurs produits, pourquoi ne pas aménager une place pour ce commerce.
Ah oui, je me rappelle, Le Grenier du Burundi a été fermé et délocalisé.
A relire:
- Vendeuses de rue : un crime en appelle un autre
- Les vendeuses de fruits résistent aux descentes des policiers
- Le malheur des vendeuses d’eau dans les rues de Lubumbashi