Décider de prêter serment et se proclamer président du Burundi ? Voilà le drôle de jeu auquel se sont prêtés de nombreux Burundais sur les réseaux sociaux avec le hashtag #10MillionPresidents (10 millions de présidents). Un jeu qui, pour Jean-Marie Ntahimpera, fait malheureusement fausse route.
Le 26 août, le président Pierre Nkurunziza terminait officiellement son deuxième et dernier mandat. Mais comme tout le monde le sait, il a décidé, contre vents et marrées, de briguer un troisième. Élu en juillet, il a prêté serment le 20 août dernier soit quelques jours avant que son second mandat ne se termine.
Pour de nombreux activistes qui considèrent que le troisième mandat est illégal, le Burundi est donc devenu un pays sans président depuis le 26 août.
La twittosphère en action
C’est dans ce contexte qu’est née la campagne #10MilllionPresidents, qui fait le buzz sur Facebook et Twitter. Une campagne où des centaines de Burundais s’autoproclament présidents et prêtent serment.
La campagne bénéficie du soutien de personnalités respectées dans la société burundaise, comme la princesse Esther Kamatari ou le défenseur des droits de l’homme Pacifique Nininahazwe. Moi aussi je suis pour le respect de la constitution et de l’accord d’Arusha qui stipulent qu’aucun président ne peut dépasser deux mandats. Mais j’ai décidé de ne pas participer à cette campagne.
Ne pas violer la constitution
Je milite pour le respect de la constitution ; pas pour que les 10 millions de Burundais la mettent à la poubelle.
La raison est simple : si je m’autoproclamais président, cela voudrait dire que moi aussi j’aurais décidé de violer la constitution comme Pierre Nkurunziza l’a fait en briguant le troisième mandat. D’abord, je n’ai pas l’âge de devenir président (j’ai 30 ans, alors que notre constitution permet de briguer la présidence seulement à 35 ans). En plus, personne ne m’a élu. Me proclamer président ferait de moi un putschiste.
Je milite pour le respect de la constitution ; pas pour que les 10 millions de Burundais la mettent à la poubelle.
Une blague sympathique mais inefficace
Cependant, j’avoue que la campagne est intéressante. Elle témoigne de la créativité sans bornes des activistes burundais. Elle fait rêver, et surtout elle fait rire. De la prestation de serment d’un bébé aux nombreux messages d’internautes annonçant la révélation prochaine de la composition de leur gouvernement, les Burundais connectés ont rivalisé d’imagination pour amuser leurs compatriotes ou mettre en évidence leurs doléances.
Mais à part faire rire, cette campagne risque d’avoir un impact très limité sur le terrain. Certes, elle a le mérite d’avoir attiré une fois plus l’attention de la communauté internationale et tenté lui faire comprendre que le gouvernement de Nkurunziza est illégitime pour de nombreux Burundais.
Mais malgré la popularité dont elle bénéficie sur les réseaux sociaux, dans un pays où l’usage d’internet est un luxe réservé à quelques privilégiés, cette campagne reste cantonnée à un bien trop maigre pourcentage de la population pour avoir un effet concret.
Est-ce qu’elle peut cependant influencer les décisions de la communauté internationale ? Rien n’est moins sûr.