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Pénurie du sucre : les administratifs dans le viseur

La pénurie du sucre aura été un des points qui ont marqué la semaine du 28 au 03 août 2023. Une réunion tendue a eu lieu entre le Chef de l’Etat et les grossistes du sucre, ainsi qu’une séance des questions du ministre en charge du commerce à l’Assemblée nationale. Il s’est, par ailleurs, avéré que l’implication des autorités dans le commerce des produits stratégiques est en partie à l’origine des spéculations.

La production du sucre par la Sosumo est insuffisante. Depuis des années, l’offre est inférieure à la demande. Bien que cette société jouisse du monopole dans l’importation du sucre, elle n’arrive pas à satisfaire la demande locale.

Si cette pénurie ne date pas d’hier, elle s’est récemment aggravée avec l’implication des administratifs locaux dans la distribution du sucre, une denrée prisée en grande partie par les parents de jeunes enfants. 

Dans le passé, c’était le ministère en charge du commerce qui s’occupait des listes des commerçants grossistes ou distributeurs du sucre en provenance de la Sosumo. Actuellement, la donne a changé. C’est l’administration provinciale qui fait les listes des commerçants distributeurs du sucre dans leurs localités depuis les stocks provinciaux de la Sosumo. Les reproches du Chef de l’Etat au gouverneur de Ngozi à lever le voile. Ce sont les gouverneurs qui choisissent à quels distributeurs donner le sucre de la part de Sosumo et les zones de distribution. Rappelons d’ailleurs que le floue dans la distribution du sucre a fait tomber les têtes de certains administrateurs communaux, dont celui de Mukaza

« Des pénuries pour créer des soulèvements populaires » 

La situation est allée de mal en pis avec l’implication des administratifs. Des spéculations provoquent la grogne, et l’indignation de la population. C’est donc pour prendre la question en main que le président, Evariste Ndayishimiye, a tenu une réunion, en date du 31 août à Gitega, avec tous les grossistes s’approvisionnant directement à la Sosumo. Les gouverneurs des provinces étaient également conviés. On apprendra par ailleurs que les grossistes qui s’approvisionnent directement à la Sosumo sont au nombre de 800. 

Dans une atmosphère tendue, sur un ton autoritaire, Neva a donné l’injonction de rayer sur la liste des grossistes plus d’une centaine de personnes qui n’ont pas répondu présent à la réunion. Il ira plus loin en accusant les grossistes de créer des pénuries pour dresser la population contre lui. Ils veulent selon lui perturber l’économie nationale pour soulever les mécontentements populaires. Et de mettre en garde les administratifs qui travaillent de mèches avec les grossistes dans la spéculation : « Vous vous approvisionnez en sucre et vous optez de le vendre à des sociétés fabriquant les boissons à hauteur de 10 mille par kg. Je vais vous combattre avec ma dernière énergie ».  

« Les vrais commerçants ont été dérobés de leurs activités »

La mauvaise organisation dans le commerce est à l’origine des spéculations qui s’observent dans le commerce des produits stratégiques selon l’Honorable Chantal Barampama. Lors d’une séance des questions orales des députés au ministre en charge du commerce, cette députée n’a pas mâché ses mots. Les spéculations qui ont cours, sont en partie causées par l’implication des fonctionnaires dans le commerce. « De nos jours, vous trouverez des cadres de l’Etat qui sont devenus des commerçants. Les vrais commerçants ont été dérobés de leurs activités ». Et d’affirmer haut et fort : « Vous, Madame la Ministre, haut cadre de l’Etat, vous êtes responsable de la situation. En analysant, vous trouverez que le premier commerçant du ciment est le haut cadre de l’Etat. Les propriétaires des Megas SSD sont les hautes personnalités du pays ». 

Mme Barampama regrette que les petits commerçants aient dû fermer leurs portes. Ils ne sont pas actuellement capables de s’approvisionner parce que les autorités se taillent la part du lion et font des stocks quelque part. « En réalité, c’est en partie cela l’origine des pénuries ».

Et de lancer une question : « Comment comptez-vous reformer le secteur du commerce de manière à ce que les hauts cadres ne se mêlent pas des affaires de commerce ? »

Pour sa part, Marie Chantal Nijimbere expliquera que toute personne ayant le Nif, le registre du commerce est susceptible de faire du commerce, ajoutant que l’important est de respecter la réglementation notamment en payant la taxe et l’impôt. 

Le commerce est incompatible avec le fonctionnariat

Malgré la réponse de la ministre Nijimbere, la loi burundaise interdit à certaines personnes d’exercer le commerce selon Emery Nukuri, Dr en Droit et enseignant à l’Université. Ce sont notamment les magistrats, les policiers, les militaires, les avocats ou les fonctionnaires. Ils doivent opérer un choix entre le commerce et la fonction publique. 

Des conséquences ne peuvent pas manquer. Il donne un exemple : « Si un magistrat-commerçant retrouve sur le banc des accusés un de ses clients, vous comprenez qu’il ne serait pas libre dans l’exercice de sa mission ». Selon cet expert, le phénomène peut être dangereux pour l’intérêt public et handicaper l’action de l’Etat. 

Il trouve qu’il est difficile de rappeler à l’ordre des personnes investies des pouvoirs publics qui enfreignent la loi. Une grande personnalité comme un ministre, un commissaire de police ou un procureur serait difficile à arrêter s’il n’a pas par exemple respecter les prix fixés par l’Etat. Par ailleurs, le commerce les détourne de leurs tâches principales leur confiées par l’Etat. 

Toutefois, Dr. Emery Nukuri nuance : « Ces catégories de gens peuvent faire du commerce, mais en se regroupant dans les associations ou coopératives et non en travaillant à leur propre nom. »

 

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