Les Gen Alpha ? Trop ringards. Les Gen Z ? Au placard ! Les Millennials ? De la vieille école ! La génération X ? Des vieux tocards bons pour les maisons de retraite. On ne les a pas vus venir, les Zalpha (nés entre 2008 et 2012), ces très jeunes hommes et femmes décomplexés qui fracassent tout sur leur passage. Désormais, il faudra compter avec eux, ou sur eux, pour se sortir du pétrin dans lequel on s’est fourré, c’est-à-dire se construire une destinée pleine de promesses ou au moins ne pas tomber dans les travers de leurs aînés.
Pourquoi un vieux croûton a-t-il senti le besoin de se glisser dans une compétition de jeunes à peine sortis de la tendre enfance ? Cela fait trois ans que je vois mes jeunes collègues s’agiter quand la date fatidique de Yes ! But… approche, sans comprendre exactement ce qui les excite autant. Puis, un jour, je tombe sur une vidéo de la phase préliminaire de cette compétition où une jeune fille tellement passionnée par le choc des idées défend, mordicus, son point de vue sur un thème qui n’allait pas avec son âge tendre : la dot. Sa hargne, sa rage de vaincre, sa soif de tout rafler étonne au plus haut point le vieux schnock que je suis. Ils parlent d’épanouissement, de liberté, de compétences, de dynamisme, etc., toutes ces choses qui ne faisaient pas partie de notre vocabulaire quand nous avions leur âge.
C’est ahurissant de voir une fillette haute comme trois pommes te jeter à la figure les âneries qui ont bercé ta jeunesse !
Les Zalpha, ces Martiens qu’on n’a pas vus venir…
Je suis de cette génération perdue qui a grandi au rythme des sifflements de balles et a été biberonnée à la bière. J’ai commencé l’école secondaire avec la guerre et je l’ai terminée sans qu’elle soit finie. Ce n’est pas le choc des idées qui prévalait à l’époque, c’était le choc des atrocités. Donc, participer à cette finale de Yes ! But… a été un autre choc pour moi.
Je ne vais pas prétendre comprendre les Zalpha, déjà que j’avais du mal à distinguer les Gen Z et les Gen Alpha (nés à partir du début des années 2010). Mais il m’est apparu évident qu’une ère nouvelle est en train de naître, celle de ceux qui pensent différemment et agissent autant. Cela s’explique notamment par leur forte immersion technologique et les impacts notables d’événements mondiaux récents, comme la pandémie de COVID-19, qui ont marqué leur développement.
Peut-être noyés dans nos quotidiens pour « chercher » la vie, des générations sont venues après nous et ont commencé à penser autrement, dans notre dos, ai-je envie d’ajouter. Après avoir côtoyé ces petits poussins pleins de fougue, encore sur le banc de l’école pour quelques années avant de devenir « opérationnels », j’ai compris que la relève est assurée, qu’on peut mourir de notre belle mort, que la terre sera peut-être contente de se débarrasser de nous. Nous, la génération de vieux briscards, avons hâte de mourir de cirrhose du foie, du sida ou de la goutte pour ne pas pomper l’air à la nouvelle vague.
Un Yes ! But…, version adulte ?
Ils ont de la gueule, l’un d’eux a d’ailleurs souligné ce fait pendant les joutes oratoires durant la compétition. Un célèbre homme de lettres, n’a-t-il pas dit que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire viennent facilement » ? Parfois, la vérité sort de la bouche des enfants. Débattre, discourir, argumenter, cogiter, réfléchir (surtout avant d’agir), discerner, soupeser, tourner sa langue sept fois dans la bouche avant de parler…, voilà ce qui a manqué à nous, nos aînés et aux aînés de nos aînés.
Comment peuvent-ils comprendre à 10 ou 12 ans ce qu’on n’a pas encore compris en 70 ans d’existence ? Je ne vais pas revisiter ce passé qui nous colle à la peau.
Au summum de la finale de Yes ! But… de ce samedi, une idée a traversé mon esprit : et si on imaginait un Yes ! But…, pour certains adultes ? Et si… on faisait faire le même exercice aux… politiciens ? Certains d’entre eux maîtrisent l’art de parler sans rien dire. Un océan de mots sans une seule idée concrète. C’est à ceux-là que je fais référence en parlant de Yes ! But…, version senior.
Je le pense ainsi parce que les idées innovantes, les opinions réfléchies, les réflexions sur les questions sociétales se font de plus en plus rares. Les débats contradictoires sont devenus une denrée recherchée, tandis que les divergences deviennent de plus en plus coupables.Voltaire disait :« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »
Comprendre le point de vue de l’autre, sans forcément être d’accord avec lui, l’accepter tout en donnant le sien, voilà ce qui manque à certains de nos compatriotes. Et c’est exactement le propre de cette compétition qui a tenu en haleine la ville de Gitega. Oser dire : Oui ! Mais…, là est toute la question.