L’humoriste et star de la télé d’origine camerounaise, Valery Ndongo est en train de former une dizaine d’humoristes burundais et va participer à la 1ère édition du Festival Canal Comedy Buja prévu du 17 au 19 avril 2023. Yaga l’a rencontré. L’art, les différences entre peuples, le métier d’humoriste et bien d’autres sujets ont jalonnés nos échanges. Entretien.
Yaga : Valéry Ndongo, vous êtes à Bujumbura depuis quelques jours. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué depuis votre séjour ici ?
V.N : Ça ressemble assez beaucoup à Douala. C’est un « petit Douala », je dirais. Un Douala en miniature. Donc, je ne suis pas très dépaysé hein ! Les policiers, les feux, la conduite des chauffeurs et puis les gens… Ce n’est pas très différent. La géographie est la même. La façon de fonctionner… Je ne dirais pas qu’il y ait vraiment de différence entre Bujumbura et Douala, là où j’ai l’habitude de fréquenter. Et ce n’est pas ma première fois au Burundi : c’est ma troisième fois maintenant.
Yaga : pouvez-vous nous relater les deux dernières fois où vous étiez au Burundi ? C’était pour quelles occasions ?
V.N : La première fois, c’était en 2012. J’étais en tournée africaine. Donc, je n’ai presque rien vu. Parce que lorsqu’on est en tournée, on arrive, le lendemain, on joue, et le jour d’après, on s’en va. Donc, on ne voit presque rien du pays. La deuxième fois, c’était en 2018. C’était lors du festival Buja Lol avec Michael Sengazi. Et plusieurs autres jeunes de Bujumbura. Là, j’ai passé plus de temps à Bujumbura. J’ai vraiment aimé. Il y avait une très bonne ambiance et puis l’équipe était jeune. Nous avons passé un très bon moment et nous avons fait un bon spectacle. Puis, nous avons passé du temps au lac Tanganyika, et c’était très bien.
Yaga : cette prochaine question va revenir sur la réponse que vous avez donnée un peu plus haut : est-ce qu’il y a des similitudes entre les Burundais et les Camerounais ?
V.N : Pas beaucoup. Mais les Burundais sont très calmes. Ils parlent doucement alors que nous (Camerounais, ndlr), on parle très fort. On crie presque. Mais je crois que la similitude principale, c’est sur le sens de l’hospitalité. Les gens sont très hospitaliers ici. On t’accueille bien ici. Sauf si tu fous de la merde. (rires)
Yaga : parlons humour, vous avez commencé à former une dizaine d’humoristes burundais. Est-ce que vous voyez du potentiel en eux ?
V.N : Déjà, si je ne savais qu’il y a un potentiel, je ne serais pas venu. Les jeunes humoristes burundais ont du potentiel. Quand nous avons reçu la semaine dernière, les vidéos que les jeunes envoyaient, nous remarquions qu’il y avait déjà un potentiel. Nous avons fait le casting, et nous voyions des jeunes avec du potentiel. Nous avons réussi, au final, à sélectionner 20 jeunes. Ce qui n’était pas gagné au début. Lorsque j’ai proposé à Canal+ qu’on fasse un festival d’humour à Bujumbura, ils étaient réticents. Ils m’ont demandé s’il y a assez d’humoristes pour qu’on puisse enregistrer trois émissions de quarante-cinq minutes. Je leur ai répondu par un oui. Parce que j’étais déjà venu ici au Burundi et que je connaissais aussi tout le travail de Michael Sengazi, ce qu’il a déjà fait ici. Je savais que nous pouvions trouver suffisamment de jeunes ici et je ne me suis pas trompé.
Yaga : comment trouvez-vous votre duo avec Michael Sengazi lorsque vous encadrez ces jeunes humoristes ?
V.N : Michael Sengazi, c’est un gars talentueux. Il est très passionné par ce qu’il fait. Il a donné sa vie pour ce qu’il fait. Il est très à l’écoute, il observe beaucoup et il a une très bonne expérience. Il a déjà beaucoup bougé. Maintenant, ça me facilite de bosser avec lui parce qu’on se connaît depuis longtemps. En même temps, je suis son grand frère (rires). Donc quand tu es le grand frère, tu lui dis : « Oh, petit, vas là-bas ! Et puis le petit, il fonce » (rires). On s’entend très bien. Il est déjà venu dans mon festival au Cameroun et il va revenir. Le travail se passe très bien avec lui.
Yaga : une question en rapport avec la formation. Est-ce que vous croyez, M. Valéry Ndongo, au talent inné ou c’est la formation qui doit primer ?
V.N : La réponse à cette question est très simple : tout ce que nous faisons, c’est le travail. Le génie n’existe que parce que tu travailles fort. Les gens les plus doués sont ceux qui sont les plus gros travailleurs. Personne ne nait doué ou nul. Nous naissons avec les capacités de pouvoir travailler, et plus nous travaillons, plus nous développons notre don. Et plus nous développons ce don, plus nous nous rendons compte de la nécessité de continuer à travailler pour le maintenir et le développer encore plus. Si tu ne travailles pas, ça ne passera pas !
Yaga : est-ce que l’humour, c’est un métier ?
V.N : Oui, l’humour est un métier. C’est un métier comme celui de journaliste. C’est juste un métier artistique. Et comme tous les métiers artistiques, ça reste difficile de nous classifier. Parce que c’est un métier que tout le monde peut faire : un médecin peut devenir humoriste du jour au lendemain, pareil pour un journaliste ou un militaire. Tout le monde peut le faire. Il n’y a pas de concours spécial. Il suffit de travailler et de te lever pour faire un sketch et les gens rient. Tu fais un deuxième sketch, ils rient. On commence à t’inviter partout et tu débutes ta carrière.
Yaga : comment les jeunes humoristes burundais, en herbe, peuvent devenir des humoristes professionnels et vivre de ce métier ?
V.N : Tout d’abord, il faut commencer par se faire un public. L’humour devient un métier pour toi, quand tu te fais un public, tu as une renommée. Quand les gens attendent ton prochain sketch, la prochaine vidéo que tu vas mettre en ligne. Bah, tu as déjà lancé ta carrière. Maintenant, c’est à toi de ménager ça. Quand tu commences à jouer, on te voit une, deux, trois fois, on apprécie ton sketch, après les propositions commencent à tomber. Et c’est quand ces derniers arrivent que cela te permet de gagner ta vie.
Yaga : selon vous, qu’est-ce qui fait un bon humoriste ?
V.N : Ça, moi, je ne sais pas ! (rires) Bah, je dirais qu’un bon humoriste doit avoir de la spontanéité.
Yaga : question qui fait débat un peu partout dans le monde : est-ce qu’on peut rire de tout M. Valéry Ndongo ?
V.N : Oui bien sûr. On peut rire de tout. Ça dépend peut-être… avec qui ou bien à quel moment, mais si on ne rit pas de tout, cela veut dire qu’il y a des tabous. Cela veut dire donc qu’il y a des privilégiés : des personnes qui se sentent au-dessus des autres ou des situations. Cela veut dire qu’on peut rire des autres, mais pas de telles personnes ou de telles situations. Si on ne rit pas de tout, c’est justement cela qui crée des tabous.