En vente libre en pharmacie, ce comprimé de rattrapage évite aux femmes et aux filles une grossesse non désirée. Sauf que ce contraceptif d’urgence conçu pour un usage exceptionnel est aujourd’hui utilisé comme un contraceptif de routine. Cela n’est pas sans conséquences.
Il est 17h, dans une pharmacie de la capitale, à Gitega. Une fille vient chercher le fameux « Postinor », la pilule du lendemain. La pharmacienne la lui refuse à pleine voix : « Trop, c’est trop ! Sans ordonnance, va voir ailleurs aujourd’hui ». Même si l’affaire ne me regarde pas, plusieurs questions me taraudent. Qu’est-ce qui justifie l’attitude de la pharmacienne?
De un, la pilule du lendemain est un médicament à vendre comme tant d’autres sur les rayons des étagères. Pourquoi la lui refuser alors qu’elle vient acheter et non pas quémander ? De deux, c’est en vente libre au Burundi. Pourquoi lui exiger une ordonnance. De trois, la pharmacienne crie à haute voix alors que la fille a tellement le trac face au regard des gens, qu’elle avait du mal à dire ce qu’elle voulait. Pourquoi alors ne pas la servir en toute discrétion ?
Face à toutes ces incompréhensions, je décide d’approcher la pharmacienne. « Si tu es avec la fille, saches qu’elle a acheté ce comprimé vendredi avant-hier, qu’elle est revenue hier le samedi, et qu’elle revient encore aujourd’hui le dimanche », me confie-t-elle, avant de me révéler que ce comprimé qui s’achète entre 5000 Fbu et 8000 Fbu fait le bonheur des pharmacies, « surtout le week-end où ces comprimés s’arrachent comme des bonbons », mais, avoue-t-elle, elle se sent coupable de les vendre à celles qui en abusent.
Vous avez dit « abuser » ?
Eh oui, ce dernier mot ne quitte pas ma cervelle. Au fait, j’ai des amies qui en prennent souvent comme méthode contraceptive de routine. En rentrant, je décide d’en parler avec un ami médecin, chef de service de Gynéco-obstétrique à Gitega.
Premièrement, il m’explique qu’une fille qui prend ces médicaments plus de deux fois au cours d’un même cycle menstruel, cela veut dire qu’elle a l’habitude d’avoir des rapports sexuels sans protection. « Dans ce cas, le rapport sexuel non protégé n’est plus un accident, mais un choix. Or, la pilule du lendemain a été conçue pour être utilisée en cas d’urgence face à un accident comme lors d’un rapport sexuel où le préservatif a craqué, en cas de rapport sexuel forcé, ou en cas d’une pilule régulière oubliée, mais pas au long terme comme contraceptif de routine », explique-t-il. « Là où le bât blesse, ce genre de filles ont seulement peur de tomber enceinte, alors que de telles situations peuvent favoriser facilement le VIH ou les autres infections sexuellement transmissibles », enchérit le médecin.
Deuxièmement, il m’explique qu’une fille qui se fie à la pilule du lendemain au lieu d’un préservatif ou d’une autre méthode contraceptive régulière, a un risque trop élevé de tomber enceinte. « La pilule du lendemain a pour objectif d’empêcher la fécondation de l’ovule en retardant le moment de l’ovulation. Si l’ovulation a eu lieu, la pilule est inefficace même si elle est prise tout de suite après le rapport sexuel », confie-t-il, avant d’ajouter qu’il connaît plusieurs filles qui sont tombées enceinte sous Postinor, car le taux d’efficacité n’est jamais de 100 %.
Le dérèglement du cycle menstruel
Troisièmement, en abuser, c’est dérégler son cycle menstruel. Prise trop souvent, la personne s’expose de façon répétée à des niveaux d’hormones plus élevés, ce qui entraîne des bouleversements du cycle menstruel dont le résultat principal est une irrégularité des règles. « La contraception d’urgence consiste à essayer de faire en sorte qu’il n’y ait pas une bonne ovulation. Or, si vous n’avez pas une bonne ovulation, vous ne pouvez pas avoir des règles normales », confie le Docteur, avant d’expliquer que des filles qui étaient régulières deviennent irrégulières, et celles qui étaient irrégulières le deviennent encore plus, avec des règles pouvant surgir deux fois dans un même cycle, des règles abondantes ou durant plusieurs jours.
Selon ce chef de service Gynéco-Obstétrique, la pilule du lendemain ne devrait pas être prise pour remplacer les moyens de contraception de routine. Il faut donc en consommer avec modération.
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