article comment count is: 3

Dans une « discrète » maison close à Kamenge

Sur la 1ere avenue de la zone Kamenge, réputée « calme » par rapport aux autres avenues, des « choses » pas très catholiques s’y passent en toute discrétion. Immersion.

« La nuit tous les chats sont gris », dit un adage. Il est minuit, les enfants dorment et certains adultes s’adonnent à des parties hédonistes. Il en faut dans ce Bujumbura où tout au long de la journée, les têtes se perdent à chercher de quoi mettre sous la dent. Si se reposer dans les bras de sa bien-aimée est l’apanage des mariés – devant la loi et le seigneur – certains choisissent « une bonne compagnie » dans un endroit loin des regards indiscrets.

Et quoi de mieux, pour une immersion en bonne et due forme que Kamenge ? Non pas à la 11e avenue, devenue célèbre à cause de ses maisons closes. On raconte même que c’est « the place to be pour celui qui veut s’amuser ».

Bien que j’aime « m’amuser », pour l’immersion, il m’a été suggéré la 1ère avenue. Celle-ci est un peu morne comparée à l’illustre Kuri onze. Il faut dire que cette avenue pavée et où jonchent de belles maisons n’offre pas l’image d’un souk. Au contraire, c’est le calme qui règne. On entendrait une mouche voler. À part le côté haut de l’avenue, en descendant, vous serez frappé par une tranquillité royale.

Ce soir, une maison en particulier titille ma curiosité. Est-ce un bar ? Un restaurant ? Difficile de le dire. Deux jeunes femmes discutent et partagent des bières avec deux taximen dehors. Ils semblent mener une discussion qui frôle des moments de coquetterie et de flirt.

Je décide d’entrer dans cette maison ou bar/restaurant, sait-on jamais, les surprises que l’endroit me réserve. 

Il y a bel et bien un bar. Je m’installe à l’intérieur de la parcelle vers l’arrière de la maison. Ma boisson préférée n’est pas là. Diantre ! M’bon. Qu’importe. Je me rabats sur une autre marque de boisson. On me l’apporte. C’est un homme qui me sert. Mais, je vois déjà des filles qui circulent. Une à une, elles entrent dans de petites maisonnettes à l’intérieur, suivies par des hommes. Plus aucun doute, cette maison ou bar/restaurant qu’importe, c’est en fait une maison close.

« Léna », serveuse mais pas que…

Et je la vois. De loin. Petite taille. Teint clair. La voix basse et envoutante. Elle est sur son téléphone. J’entends à peine ce qu’elle dit. Tout ce que je vois, ce sont ses mimiques. Alors j’essaie de les interpréter. Dans ma tête. « Non, je ne veux pas de toi. », « Il faut arrêter de m’appeler X. J’en ai ras le bol ! », etc. Il ne faut pas quand même que je me repose sur mes suppositions. Je l’appelle. Une fois. Deux fois. Trois fois. À la quatrième tentative, elle m’entend. 

« Je t’ai vu sur ton téléphone. Est-ce que tout va bien ? ». Je lui demande. Lena (le nom a été changé) me répond : « Oui, ça va…». Elle continue, la moue boudeuse : « Ce sont des hommes de l’endroit où je travaillais avant – je garde l’endroit anonyme – qui continuent de m’appeler ».

En effet, Lena est serveuse. Du moins, c’est ce qu’elle dit. Mais « les hommes aussi en profitent », me dit-elle. Je comprends ce qu’elle veut dire par cette phrase. « Je n’aime pas que ces hommes me dérangent quand je suis au travail », témoigne Lena. Elle ajoute avant de s’éclipser : « Maintenant, je suis engagée ici ». Après avoir prononcé cette phrase, elle retourne vers un groupe d’hommes qui boivent à la véranda.

Je tente de finir au plus vite ma boisson, car je ne me vois pas rester dans cette maison. Je n’ai pas, hélas, l’envie de me reposer avec une Lena comme ces hommes qui continuent d’arriver et d’autres de partir. 

Ma boisson est finie (enfin !), je me dirige vers la sortie, discrètement. En sortant, je vois les deux taximen que j’avais croisés tout à l’heure à l’entrée, en train de siroter une bière à l’intérieur de la parcelle avec un air heureux. Ils sont bien accompagnés par deux autres jeunes filles. Leurs voitures sont garées dehors. J’ai envie de rentrer, mais je n’oserais pas leur demander de me déposer. Ils sont busy ce soir dans cette maison close où « les choses » se font dans le silence. 

Tant pis, je me débrouillerai autrement pour rentrer chez moi.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (3)