Une minute de silence, c’est le titre du dernier film du jeune réalisateur ivoirien Armand Breh. Il s’agit du premier film made in Côte d’Ivoire sur la crise postélectorale qui a secoué le pays en 2010 et 2011.
Quatre avril 2011, quatre avril 2014. Il aura fallu trois ans au jeune réalisateur pour traduire dans un court métrage tout ce qu’il a vécu le quatre avril 2011, jour où il a été témoin de tirs de missiles sur Abidjan. Ce film est la photographie d’un triste instant de vie, celui d’un jour d’avril 2011 où les bombardements ont commencé lors de ce qui sera la dernière semaine de la crise postélectorale ivoirienne. Le réalisateur ivoirien Armand Breh a voulu immortaliser ce jour mais aussi et surtout mettre en lumière la souffrance d’un peuple oublié par les deux camps qui se battaient pour un fauteuil présidentiel.
« Le quatre avril 2011 à 16 h 04, j’ai eu l’idée de faire ce film parce qu’en direct j’ai vu les hélicoptères des Nations unies bombarder le camp militaire d’Akouédo. Je suis habitué à manipuler les images avec des logiciels de montage, mais cette fois-ci c’étaient des images réelles ! », explique le réalisateur.
« Retranscrire l’idée que ce film est la voix des sans voix »
Une minute de silence est un court métrage tiré d’une histoire vraie et raconte les dernières heures de vie d’Innocent K. Il s’agit d’un jeune homme dans la fleur de l’âge qui, le 4 avril 2011, est fauché par une balle perdue. Il symbolise toutes les innocentes victimes de la crise ivoirienne mutilées à jamais ou mortes pour avoir été au mauvais endroit, au mauvais moment. Innocent, un personnage muet comme pour matérialiser cette incapacité des Ivoiriens à se faire entendre alors que la parole appartenait aux bombes.
« L’idée du personnage principal muet, c’est surtout pour retranscrire l’idée que ce film fait entendre la voix des sans voix », indique Yann Patrick Konan, acteur du court métrage. En plus d’avoir la particularité d’être le premier film sur la crise ivoirienne, Une minute de silence est un film hommage aux victimes de la crise qui a l’originalité d’être disponible en ligne gratuitement sur YouTube. Un choix de diffusion du film que salue Israël Guébo, entrepreneur numérique. Il estime qu’il s’agit d’une occasion pour les Ivoiriens de comprendre le point de vue du réalisateur sur la crise non pas du côté politique mais du côté de la population.
« La projection de l’avant-première du film me fait savoir que je suis encore en vie »
Depuis le quatre avril, date de de sa mise en ligne, Une minute de silence a été vu plus de 3 000 fois. Parmi ces cinéphiles, Edith Brou, digital manager, se remémore son « quotidien qui était rythmé par le bruit incessant des bombes, le manque de nourriture », mais surtout la crainte perpétuelle de voir son fils traumatisé à vie. « La projection de l’avant-première du film me fait savoir que je suis encore en vie », soupire Edith Brou. Arsène D., un autre acteur du web ivoirien, déclare avoir « un très mauvais souvenir de cette période. »
« L’une des difficultés majeures était liée à l’alimentation. Il fallait parcourir près de 37 km à pieds pour s’acheter à manger sur la voie donnant sur Dabou. Et Une minute de silence m’amène à comprendre que nous avons eu beaucoup de morts anonymes et qu’il ne faudrait pas s’en servir pour « victimiser » ou »bourreautiser » un camp ou l’autre », soutien-t-il.
Le film d’Armand Breh a été réalisé en grande partie avec de jeunes acteurs, qui ont décroché à l’occasion leur premier rôle. Le rappeur franco-congolais Youssoupha a autorisé quant à lui l’utilisation de son titre Rap Franc CFA pour la musique du court métrage.
Cet article a été initialement publié sur le site Ivoire Justice.