Comment le Burundi, autrefois l’un des pays les plus pauvres de la planète, a-t-il intégré le cercle très fermé des économies avec le plus haut PIB ? Voici comment la découverte d’un gigantesque gisement de cassitérite (et de coltan) en province Kirundo il y a vingt-six ans a conduit à un « miracle » économique.
Juillet 2050. Le bâtiment qui sert de quartier général pour le puissant OBM (Office burundais des mines) ne passe pas inaperçu au chef-lieu de la province Kirundo. Construit après la découverte d’un immense gisement de cassitérite dans cette province du nord du Burundi, il est situé sur les hauteurs de Kanyinya, sur un des terrains ayant appartenu autrefois au clergé catholique. D’une architecture soviétique avec un air rococo, c’est ici, dans ce bâtiment de dix-huit niveaux, que bat l’économie burundaise. Avec un personnel avoisinant le millier, l’OBM est une des organisations minières les plus cotées au monde. C’est l’Aramco ou le Total burundais.
Chaque matin, les cadres de l’OBM, triés à la pelle, se rendent au travail dans des bus. Réputés disciplinés et efficaces, ils sont parmi les mieux formés et les mieux payés du pays. Avec un salaire avoisinant les 20 000 dollars américains par mois, ils représentent la notoriété de l’administration burundaise. Grâce à des mesures et des programmes de l’État burundais, le pays conserve un taux de croissance annuel à deux chiffres depuis une dizaine avec un record de 20 % en 2047.
Nul n’aurait prédit que le Burundi, autrefois gangrené par la corruption et une administration fragile, moqué de ses voisins, allait devenir l’économie la mieux gérée de toute l’Afrique. Et pourtant…
Avez-vous dit « bonne gouvernance » ?
La découverte de cet énorme gisement à Kirundo, sur la colline Murehe, a été accueillie par un brin de scepticisme. Comment un tel gisement allait sortir le pays, miné à l’époque par des pénuries récurrentes des produits de première nécessité, de l’extrême pauvreté (selon le FMI, le PIB tournait autour de 245 dollars américains en 2023) ? C’était sans compter le génie des autorités burundaises. En l’espace de deux décennies “de gouvernement responsable et laborieux” , le Burundi de 2050 est un pays avec l’un des taux de corruption les plus bas au monde.
Derrière ce succès, un autre pays africain, le Botswana, a fait figure de modèle. Grand producteur de diamant au monde depuis de nombreuses années, ce pays d’Afrique australe a mis l’expertise de sa main-d’œuvre au service du Burundi grâce notamment à des accords bilatéraux entre les deux pays.
Mais cela n’aurait pas suffi sans la mise en place d’instruments qui ont permis de révolutionner tout le paysage économique du pays. Il y a eu le PAEEJ (Programme d’autonomisation économique et d’emploi des jeunes), le PAE (Programme d’autosuffisance économique) créé en 2028, le PNI (Programme national d’investissement) mis en place en 2030, ainsi que des investissements colossaux dans les domaines porteurs de croissance comme l’énergie, l’extension du réseau routier ou encore la transformation agricole. Avec la découverte du gisement de Kirundo, la Vision 2040-2060 a été revue, retravaillée afin de permettre un partage équitable des dividendes “du scandale géologique” de Murehe.
Une bonne gestion des revenus issus des exportations des minerais ont porté les Burundais parmi les dix peuples les plus heureux au monde aux côtés des Scandinaves, des Suisses et des Qataris. Et pour cause! Aujourd’hui, le Burundi possède l’un des systèmes sanitaires et éducatifs les plus performants. Quant à lui, l’agriculteur burundais n’a rien à envier à ceux des grandes économies occidentales. Le pays a atteint l’autosuffisance en produits de première nécessité alors qu’il y a trente ans, il avait du mal à importer ne serait-ce que le carburant.
Coup de génie ou coup du destin ?
Malgré toutes ces avancées spectaculaires, les Burundais restent un peuple réservé et renfermé sur lui-même. Le protectionnisme s’est installé et le pays participe rarement aux initiatives d’intégration régionale. C’est comme si les Burundais ont des comptes à régler à leurs voisins qui, pendant longtemps, ont associé le pays à l’échec et à l’incompétence. Aujourd’hui encore, certains dans la sous-région expliquent le développement du Burundi par un coup du destin.
Si la découverte de l’énorme gisement de cassitérite et de coltan a coïncidé avec une forte demande mondiale pour ces minerais utilisés dans la fabrication des batteries des voitures électriques, des ordinateurs quantiques et autres gadgets électroniques (soit, une augmentation de 200% depuis 2025), de nombreux burundais s’offusquent que peu de crédit soit accordé au leadership éclairé des autorités qui ont su combattre la corruption, les malversations économiques et les inégalités sociales tout en se plaçant au-dessus des clivages ethniques qui ont tant endeuillé le pays dans le passé.
PS : cet article est une uchronie, c’est-à-dire une reconstruction fictive de l’histoire relatant les faits tels qu’ils pourraient se produire.
waouh, un rêve écrit très bien dans un bon style d’écriture qui parle de tout dans le sens du dernier mot du proverbe rundi « uwuriye ntatamure aba yaratamitswe »
Bel Uchronie! Que nos enfants puissent vivre de tels scenarios! Amen
c’est du tout génial, j’adore vraiment cette chronique
Quelle uchronie fascinante ! Imaginer un Burundi transformé en superpuissance économique avec des infrastructures de taille mondiale et des avancées technologiques de premier plan est captivant.
Cette vision où le pays utilise ses ressources pour devenir un acteur majeur sur la scène internationale, avec des capacités économiques et des infrastructures dignes des plus grandes nations, est fascinante.
L’idée d’un Burundi où les avancées incluent même des capacités nucléaires ajoute une dimension de grandeur presque surréaliste.
Cher Audry, Chapeau bas. J’aimerais vraiment voir la suite de cette histoire : comment ce pays a-t-il navigué vers une telle élévation, quels défis a-t-il surmontés, et comment il a réinventé son rôle dans le monde. Un véritable voyage vers l’inconnu qui promet de révéler des aspects passionnants et inspirants.
Ce gisement ne vient pas d’être découvert, il était pratiquement connu de tout le monde au Burundi et il a été exploité depuis longtemps. Son exploitation n’a pas cessé à l’indépendance comme c’est souvent annoncé mais beaucoup plus tard. Je ne connais pas la raison exacte de l’arrêt de l’exploitation. Il s’agit peut être d’un manque de rentabilité ou d’une mésentente entre la compagnie (minétain?) qui l’exploitait et les autorités au sujet des taxes. Durant les années soixante on voyait à Bujumbura des camions appartenant à des commerçants asiatiques remplis de minerais de cassitérite venu du nord auquel ils faisaient un traitement artisanal pour séparer le métal de la terre à l’aide d’un mortier et d’un ventilateur. Le mélange de terre (réduite à l’état de poussière dans le mortier ) et de grains de cassitérite était déversé auprès d’un ventilateur qui éloignait la poussière et les grains de minerais plus lourds tombaient près du ventilateur. Un autre gisement de cassitérite exploité se trouvait dans la région de Kabulantwa.
Le site de Murehe a subi une attaque de réfugiés Burundais venus du Rwanda en mai 1973.