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UA: faut-il douter du projet de zone de libre-échange ?

Au lendemain de la signature, entre autres, de l’accord sur la ( ZLEC) qui s’est donné comme ambition de faire de l’Afrique la plus vaste zone de libre-échange au monde, beaucoup se questionnent sur son réalisme. Analyse de notre contributeur Patrick Ndabazi.

À la clôture de la rencontre de Kigali, les grands discours – aux envolées lyriques – des dirigeants de l’UA promettent monts et merveilles et présentent cet accord comme « historique « . Les élites politico-médiatiques prennent le relais – à coups de tweets et d’articles- pour convertir un peuple au mieux dubitatif, au pis désintéressé. Quoi de plus idéal que les États africains puissent commercer davantage entre eux. L’Afrique est mieux placée pour le savoir, elle, dont les royaumes échangeaient librement de l’or, des peaux d’animaux, des vaches, des denrées alimentaires, etc. L’accord en soi est donc souhaitable, très souhaitable.

Le prêt-à- penser libéral stipule que plus on ouvre les frontières, plus les États prospèrent. Mais des contre-exemples existent. Les mêmes discours observés aujourd’hui rappellent ceux des « pères fondateurs » de l’UE pour qui, la fin des frontières sonnait la venue d’une nouvelle ère prospère. Résultats : le chômage n’a fait qu’augmenter et le pouvoir d’achat a fortement chuté dans certains pays de l’Union. Il s’avère donc indispensable de définir les préalables à la réussite de cet idéal panafricaniste.

La souveraineté en jeu…

«Nous devons surmonter nos peurs, nos contraintes nationales, aussi légitimes soient-elles, et les barrières qui peuvent naître d’interprétations trop restrictives de nos souverainetés», a lancé, sur Twitter, le président de la commission africaine. 

Face aux probables inquiétudes souverainistes, l’UA ne rassure pas. Sa méthode est très discutable. Il aurait été plutôt judicieux de rendre public la totalité du contenu de cet accord et de le soumettre, avant sa signature, au débat en consultant les différents syndicats qui seront en première ligne pour subir les bienfaits ou les méfaits de ce projet. Il en va tout de même de la souveraineté des nations, de la vitalité des démocraties.

Et comme pour rassurer, Albert Muchanga, commissaire au commerce et à l’industrie de la Commission de l’UA, a souligné que «les signataires doivent à présent faire ratifier l’accord par leurs parlements nationaux. Pour qu’il entre en vigueur, il faudra au moins 22 ratifications.» Autrement dit, si les parlements des 22 autres pays signataires disent « Non à la ratification », ce traité entrera, tout de même, en vigueur. Mauvais signal envoyé aux peuples détenteurs de la souveraineté ? Ou prélude d’un projet porté par l’élite bureaucrate sans les peuples ?

L’UA a-t-elle investi les moyens à la hauteur de son ambition ?

Le but principal de la ZLEC est  » d’optimiser les échanges commerciaux intra-africains » qui peinent à dépasser les 10%. Et qui dit circulation libre des biens, dit également moyens de transport à la hauteur. La piètre qualité des infrastructures de transport est un frein au développement du commerce intra-africain. Il ne suffit pas seulement que les biens circulent librement, il faut qu’ils y parviennent en toute quiétude et à temps. L’UA devrait investir dans une sorte de  » route de la soie  » à l’africaine pour offrir des réseaux routiers, maritimes ou aériens capables de booster les échanges.

D’autres obstacles ne manquent pas. Comme le manque d’harmonisation suffisante des normes de santé, sécurité, fiscalité, environnement,… Certains pays sont plus exigeants que d’autres en matière de qualité, de respect écologique, etc.

Et si l’intégration régionale n’a pas su régler tout cela, est-ce l’intégration à l’échelle continentale, plus complexe, qui réussira cette fois-ci ? Le pessimisme est permis.

Entre autres défis, les zones moins compétitives peuvent se heurter à une concurrence brutale qui détruira le tissu socio- économique. L’UA dans sa démarche, se doit de rassurer les peuples que ce projet apportera la prospérité tant chantée, au lieu d’être un champ libre ouvert et plus avantageux pour les multinationales que pour les économies locales.

Espérons…

Sans céder aux grands discours qui nous vendent une Afrique mythique et idéalisée à la place d’une Afrique réelle et réaliste, cet accord, malgré les défis, est historique. À l’UA d’éviter qu’il devienne anecdotique.

 


A relire :  Absence du Burundi au sommet de Kigali : on n’y perd plus qu’on y gagne

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Les commentaires récents (2)

  1. La Zone de Libre Echange Continentale peut-elle survivre à la réticence des Etats-membres?

    Cet article s’inscrit dans la suite de l’article de Patrick NDABAZI « UA : Faut-il douter du projet de libre-échange ? » sur la Zone de Libre Echange Continentale (ZLEC) dont je ne partage pas nécessairement les peurs, le scepticisme exprimés car disons-le, on a toujours peur de sortir du « confort » de la routine quotidienne pour faire quelque chose de nouveau ! L’humain ressent toujours de l’aversion à faire un changement dont l’issue lui semble incertaine!…

    En effet, si la vraie problématique des règles d’origine ainsi que les fameuses Barrières Non Tarifaires (BNT) a été constamment une « épée de Damoclès » pour toute intégration (sous)régionale, il serait plutôt intéressant de savoir comment l’UA envisagerait de prendre le taureau par les cornes car le manque de volonté politique dans certains Etats qui ne partagent pas la vision de cet Accord, peut faire capoter l’initiative.

    Cependant, faut-il réellement avoir peur d’un Accord de libre-échange à l’échelle continentale lorsque certains Accords à l’échelle régionale n’ont pas été à la hauteur, quelles leçons? Quels sont les atouts nécessaires pour pouvoir tirer profit de ce deal continental ? Sommes-nous prêts en tant que pays pauvres, démunis des infrastructures adéquates à embarquer dans ce train en marche sans nous « casser les dents » vers une destination incertaine ? Ces interrogations me semblent plutôt plus objectives et pertinentes à la fois dont les réponses pourront rassurer un Continent encore qui cherche sa place dans la mondialisation actuelle.

    Quid de la mondialisation…

    La mondialisation telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’a pas été choisie par l’Afrique, au contraire, elle a été imposée. Le constat est que la notion d’Etat devient de plus en plus obsolète face à « la force » du marché et l’intransigeance des grandes multinationales; desque l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) manque cruellement des minutions pour faire face à la bataille du protectionnisme que se livrent certains grands acteurs du commerce mondial à savoir la Chine, les Etats-Unis, l’Union Européenne, etc. Pour faire face à ces enjeux, les pays africains doivent-ils interagir individuellement ou devront-ils former un seul interlocuteur en tant qu’un bloc pour défendre leurs intérêts ?

    Un Partenaire commercial de l’Afrique comme l’Union Européenne, représentant un marché de 500 millions de consommateurs ne s’est pas bâti en un jour et il a affronté les réticences (plus coriaces que ce qu’on voit actuellement en Afrique) et pessimismes vers la fin des années 1950 pour mettre une ébauche de ce qui allait devenir la Communauté Economique Européenne (CEE). Bien que la configuration politique était encore marquée par un nationalisme marqué par la fin de la 2e guerre mondiale, une vision commune de favoriser la reconstruction européenne à travers la libéralisation des échanges inter-états a fait son chemin jusqu’à concrétisation de cet espace commercial. Contrairement à ce qui est affirmé dans cet article sur les conséquences (un chômage croissant et un faible pouvoir d’achat) de l’ouverture des frontières en matière de libre échange dans l’Union Européenne, son économie n’a jamais été aussi bien portante qu’on voudrait nous le faire croire. Une contre-vérité certes, car les chiffres officiels rendus publics par la Commission Européenne démontrent plutôt que depuis 50ans d’existence ‘effective’ du marché unique, celui-ci a contribué à créer quelque 2,77 millions d’emplois et a généré plus de 233 milliards d’euros au PIB de l’UE.
    Il faut souligner qu’à l’échelle sous régionale, le Protocole du marché commun de l’EAC permettant le libre-échange profite globalement aussi à ses pays membres, excepté le Burundi et le Soudan du sud dont la détérioration de la situation sociopolitique impacte négativement leur économie.

    Quid de la Souveraineté….

    L’auteur de l’article critique la méthode préconisée par l’UA de garder le contenu de cet Accord dans le tiroir et de conclure que la Souveraineté des Nations serait compromise en l’absence d’un débat citoyen! Cependant il oublie de préciser que le Parlement de chaque pays qui devra ratifier cet Accord est une institution régalienne dont la fonction d’adopter la législation est un attribut essentiel de la souveraineté de chaque Nation ! Cependant le fait d’ouvrir ses frontières pour donner l’accès libre aux investisseurs étrangers ne doit pas rimer non plus à la notion de souveraineté, car l’enjeu pour cet Accord de libre-échange continental c’est d’éviter à ce qu’un Investisseur non membre de cet espace continental contourne les règles d’origine en investissant dans la réexportation des biens dans un pays membre.

    Pour que l’Accord-cadre entre en vigueur, il faudrait en effet qu’au moins la moitié des signataires le ratifie de la même façon qu’il suffit d’une simple majorité (50% +1) pour qu’une loi soit votée au parlement et appliquée pour tout le monde y compris pour ceux qui ne l’ont pas votée.
    Au-delà des raisons avancées par certains pays qui ont boycotté la signature de l’Accord, ce qui est frustrant et à la fois humiliant c’est de voir par exemple qu’un algérien, un kenyan ou un rwandais, auront le droit de décider sur un sujet qui concerne l’avenir du Continent et qu’ un burundais par contre n’aura pas ce droit ! Comme qui dirait que la (géo) politique a ses raisons que la raison elle-même ignore…

  2. UA : Faut-il douter du projet de zone de libre-échange?
    Voici mon point de vue sur cette question :

    En se référant sur l’Agenda 2063 de l’union africaine et sur les objectifs mondiaux de développement durable (ODD), j’avoue que la ZLEC (fruit de deux ans de consultations) est une étape cruciale vers une intégration des économies des pays africains, et une étape vers la stimulation du commerce intra-africain représentant actuellement 15% du commerce total du continent contre 19% en Amérique latine, 51% en Asie, 54% en Amérique du Nord et 70% en Europe.
    Bien, je suis sur que ce bloc commercial continental apportera un impact économique considérable aux africains et au continent en général.
    Mais, qu’en est-il de l’impact économique sur notre pays le Burundi vis-à-vis des autres pays africains?

    Partons d’abord de l’élimination des droits de douane.

    La libéralisation du commerce des biens et des services entraine des coûts d’ajustement pour les Etats membres de l’union, qui sont généralement compensés par des gains à long terme. Cette libéralisation se déduit par une élimination des droits de douane qui aidera les pays membres à stimuler leur croissance économique. Alors, que deviendra notre Burundi, qui vit actuellement en grande partie des recettes collectent par l’OBR. On ne peut même pas voter notre budget annuel en équilibre, ce qui m’amene à craindre ce qui arrivera avec d’importantes pertes de recettes douanières.

    Enfin analysons ce marché continental unique.

    Avec mon analyse, je constate que les pays africains dotés d’importantes capacités productives dans le secteur manufacturier vont connaitre surement une croissance économique et des gains de bien-être importants, tandis que nous, les pays les moins avancés (PMA) ou en voie de développement comme on le dit, risquent d’être confronté à des concurrences accrues pour nos industries locales (qui sont la plupart des industries naissantes); vue que la question de spécialisation compléte nous echappe. Ceci s’explique par notre non diversification des produits entre nous les PMA.

    Bref, je doute du projet de libre-échange vue notre situation actuelle et avant les ractifications, et je soutiens l’opposition du Burundi à cet accord.
    Mais une fois que l’UA envisagera des modalités de réduction tarifaire sans laisser de côte d’autres mécanismes d’attenuation, je ne douterais plus de la ZLEC puisque dans ce cas elle reduira les coûts commerciaux et permettra aux agents économiques d’accéder à une plus grande variété de produits ou matières premières à des prix plus bas.