Joanna est une petite fille burundaise de cinq ans, orpheline de père. À travers la plume de la blogueuse Bella Ninihazwe, elle nous fait part de ses tourments et interrogations depuis qu’on lui a dit que la vie est devenue très chère. Elle s’en remet à Dieu.
Mon Dieu, ça fait quelques jours que 2017 vient de commencer. On croyait enterrés les tourments de l’année écoulée. On priait pour cette année, pour qu’elle soit meilleure. Dans les louanges, on nous garantissait que grâce à ta bienveillance mon Dieu, on aura une année de prospérité. À la télé, des messieurs à la langue déliée, en costume-cravate, parlaient de liberté et de libération… Mais voilà, depuis quelques jours, je n’ai plus droit au petit déjeuner. Et ce chemin que j’arpente silencieusement vers l’école, ventre vide, fait sonner des cloches dans mes oreilles. Vais-je pouvoir suivre le maître ? Lui qui m’enseigne chaque jour que ventre affamé n’a point d’oreilles ?
Mon Dieu, sois au moins indulgent aujourd’hui. Fais que pour le déjeuner je puisse manger à ma faim. Ne vois-tu pas combien c’est dur d’aller à l’école le ventre vide pour revenir à midi et trouver une nourriture d’oiseau sur la table ? Seigneur, j’ai maintes fois entendu ma mère prier. Elle te demandait de nous donner de la nourriture en quantité suffisante. Es-tu toujours là ? Tu écoutes au moins?
Seigneur, mes chaussures sont déjà usées, et je vois déjà le visage de maman s’obscurcir quand je vais lui dire que j’ai besoin de nouvelles chaussures. Je sais déjà sa réponse : « Tu sais que les prix montent vite ma fille, aujourd’hui je peine à trouver ce que vous allez manger, attends que je trouve de l’argent et je t’achèterais de belles chaussures ». Et ma grande sœur qui va me gronder, car selon elle, je devrais laisser ma mère tranquille. Elle croit que je ne comprends rien, sans savoir que j’insiste parce que j’en ai marre des rires moqueurs de ces enfants aux souliers brillants, ces âmes bien nées, nées de ces messieurs tonitruants en costume-cravate que je vois à la télé.
Seigneur j’ai déjà accepté d’aller à l’école sans prendre le petit déjeuner, j’espère que tu ne vas pas me laisser continuer à y aller pieds nus.
Quand je demande un stylo, on me dit de le garder jalousement, car les prix ont augmenté ;
Quand je demande un cahier, on me dit d’être responsable, les prix ont monté ;
Quand je demande le minerval, tout le monde devient tendu, la vie est chère ;
Quand je demande un ‘‘Fanta’’, on me raconte des histoires de taxes ;
Toujours des précautions, des tensions, des problèmes, des remarques acerbes pour un rien.
Pourtant tu nous avais garantis la protection Seigneur. Tu as bel et bien promis de nous débarrasser de nos ennemis, de nous garder. N’est-ce pas aujourd’hui la famine notre ennemi ?
Ou bien je subis ce tremblement qu’on nous a annoncés, parce que je vis à Mutakura et que mon frère est allé courir dans les rues, torche à la main, il y a de ça deux ans?
Ce feu intense que je sens dans mon ventre vide s’apparente-t-il à ce brasier promis qui allait décimer les sans valeurs ?
Suis-je un sans valeur devant toi mon Dieu ? Ou bien tous les enfants le sont devenus, puisqu’apparemment la faim n’épargne plus personne, même ceux qui ne sont pas allés barricader les routes.
triste sort de ces enfants Barundi.
A croire que les âges sont maudits
leur ventre creux de famine crie
D’autres ont des comptes arrondis.
Sur terre sans honte s’offrent un paradis
Du malheur d’autrui leur classe se rit
Inda y’uwundi ikoma induru ntiwumva
Ariko burira ntibushika kumpeshi
Après la pluie le beau temps
Quelle que soit la longueur de la nuit dit-on,
Le soleil finit toujours par se lever
Et ses rayons réchauffent tout le monde
Kazubazuba canira abana banyamanza barakanye
Giti kibisi hogi hogi,
giti cumye gwa mukayira.