La consommation de Karibu, cette liqueur produite à Kayanza est devenue problématique. Jeunes et adultes en consomment sans modération, et les conséquences sont parfois dramatiques. Après la mesure prise par la BBN pour encadrer la commercialisation de cette boisson c’est au tour du ministère de l’intérieur d’enfoncer le clou. Mais dans quelle mesure Karibu (Gafanyambiyo pour les intimes) constitue une menace ? Quelques éléments de réponse.
Cap au Nord du pays pour comprendre. Trois personnes seraient mortes à cause d’une consommation excessive de cette liqueur. Malgré cela, un constat s’impose : Karibu fait des émules. Il est devenu avec le temps une boisson très prisée dans différents coins du pays. Dans toutes les provinces du pays, les jeunes comme les vieux raffolent de ce breuvage sans se préoccuper de son taux d’alcool très élevé.
Le matin dès le réveil comme le soir au coucher du soleil, les consommateurs de cette boisson se regroupent autour des kiosques où elle est toujours disponible partout dans toutes les provinces du pays. Beaucoup de gens qui en abusent croient s’échapper aux difficultés de la vie (amacungu ndlr) en se soûlant la gueule à bas prix. Ils disent vouloir se consoler de la pauvreté, du chômage, et du coût de la vie. Malheureusement, avec cette volonté de noyer les soucis de la vie dans l’alcool, ils se tuent lentement mais sûrement.
« Boire matin est meilleur… », vraiment ?
« Karibu ni igitoro c’indege (Karibu est un vrai carburant pour avion), quelques gorgées et on se détend très vite. Si vous ne faites pas attention, vous êtes ivre-mort en deux heures. Si vous ne mangez pas, il ne faut pas le boire. Vous risquez de tomber malade le lendemain », raconte Mwarabu rencontré à Cibitoke, la petite bouteille de la boisson incolore à la main.
C’est vrai que Karibu coûte moins cher par rapport aux bières de la Brarudi. Mais encore, Karibu est facile à trouver. « Claude, sers-moi un flacon de Karibu, la Primus est trop chère pour moi », lance Alexis assis sur un banc devant une boutique de Kamenge. « C’est parce que nous sommes pauvres que nous consommons Karibu. Qui connaît le prix Amstel et Primus sait que nous les pauvres ne pouvons pas nous en offrir », ajoute Alexis. « Tant que Karibu sera vendu on ne va pas s’empêcher de le consommer. Quatre gorgées suffisent pour être ivre alors que pour Primus, il faudrait six 6 bouteilles. Je ne peux pas m’offrir 6 bouteilles qui coûtent près de 10 mille Fbu. Où est-ce que je tirerais une somme pareille », se demande notre Alexis en train de déboucher son Karibu fraichement servi. Certains sont mêmes devenus accros à cette boisson aux dépens de leur santé. « Même si je sens que mes poumons me lâchent, je vais continuer à boire Karibu quitte à rejoindre ceux qui m’ont devancé », lance Marc avant de se verser une rasade dans le gosier, le tout suivi d’un grincement de dents.
Karibu n’est ni Primus ni Rugombo
Oui Karibu est nettement moins cher. Il est même moins cher que le vin de banane local (Rugombo/Urwarwa), si on tient compte de la somme qu’on doit débourser pour « se sentir bien ». Mais un seul souci : les Burundais boivent certes pour se désaltérer, mais la boisson ‘’inzoga’’ a une fonction socialisante car entre eux c’est une tradition de causer autour d’un pot. Urwarwa, voire Primus, qui n’enivre pas rapidement répond donc bien à cette habitude de de passer des heures et des heures à boire et à causer. Seulement voilà, il suffit à Karibu quelques minutes pour envoyer un homme dans les nuages.
Des conséquences dramatiques
On l’a dit plus haut et c’est dramatique, il y en a qui sont morts pour avoir abusé de cette boisson. Moins dramatique, certes mais toujours très préoccupant, ce sont les jeunes qui s’adonnent à la consommation de cette boisson à longueur de journée. Ils n’ont plus ni le temps ni la force pour travailler. Ils passent leur temps dans des débits de cette boisson. S’ils commencent à prendre ‘’Gafanyambiyo’’ alcoolisé à 40 % en début de journée, c’est sûr qu’ils sont ivres et ne peuvent rien foutre le reste de la journée. Cela impacte négativement le développement du pays. Dans certains endroits, le problème est tel que les travaux jadis dévolus aux hommes sont actuellement faits par les femmes/filles.
Le ministère de l’intérieur vent débout
La BBN avait déjà annoncé les 31 août de cette année qu’il « ne donnera plus de certification aux boissons alcoolisées de plus de 16,5% n’étant pas empaquetées dans des bouteilles en verre, avec une quantité minimale de 200 ml ». Elle avait donné un délai de 6 mois aux sociétés fabriquant les liqueurs pour se conformer à cette mesure qui visait à faire monter le prix de Karibu pour le rendre moins accessible. Le ministère de l’intérieur ayant aussi dans ses attributions la sécurité vient d’enfoncer le clou. Il vient de suspendre la commercialisation des liqueurs et autres boissons alcoolisées emballées en plastique dont le taux d’alcool est supérieur à 20%, sauf celles qui sont emballés dans des bouteilles en verre. Toutes ces mesures permettront-elles de limiter les dégâts ? Le temps nous le dira.