Après quatre ans d’absence, ce 23 mai 2023, nous avons appris que la compétition musicale Primusic fait son retour cette année. Cependant, si la Primusic sait mettre en évidence les talents de la musique burundaise, elle a aussi le don de les laisser s’éclipser avec le temps. Une erreur que l’organisation de cette compétition devrait peut-être rectifier pour cette nouvelle édition. Ce blogueur a un message destiné aux organisateurs de la compétition: assurez le service après-vente.
Je connais depuis longtemps quatre candidats (trois hommes et une femme) qui ont participé dans les différentes éditions de Primusic. Avec le premier, nous étions dans la même classe de 8e année, dans les années 2010. Benjamin (le nom a été changé) est doué à la guitare et à la batterie. Il jouait depuis son jeune âge dans une chorale. Même dans notre classe, nous sentions qu’il était spécial. Il avait une voix d’ange et un amour incommensurable pour la musique, cet amour que seuls les génies et les passionnés ont pour un art. Pendant que nos parents stricts nous empêchaient de rentrer au-delà de 18 heures, lui jouait déjà dans un bar la musique live appelée à tort « karaoké » jusque tard dans la nuit.
Nous envions notre Benjamin en classe. Les filles lui faisaient les yeux doux et il appartenait au cercle des cool kids pendant que nous, à peine dans l’adolescence, passions pour les petits nerds de la classe. Le summum du succès de Benjamin à l’école a été atteint lorsqu’il a participé dans une édition de la Primusic. Il est même arrivé en finale. Il fallait voir nos têtes jalouses de son « succès ». Les plus belles filles de l’établissement – même celles dans les classes supérieures – se bousculaient pour avoir son numéro.
Quelques années plus tard, les choses ont changé. Benjamin n’a sorti que très peu de chansons, toutes passées inaperçues. Il continue aujourd’hui à faire des « karaokés » dans des bars de Bujumbura pour quelques miettes.
Des destins brisés
Le deuxième, Will (son nom a été changé), vivait dans le même quartier que nous et nos parents se connaissaient. Il a commencé sa carrière musicale au secondaire et aujourd’hui, on peut dire qu’il a eu une carrière pleine de succès. Il a sa propre boîte de production. Mais avec son talent, il méritait mieux.
La troisième candidate : Vica (son nom a lui aussi été changé) a été jusqu’en finale elle aussi. Top 3 plus précis. Aujourd’hui, malgré quelques morceaux sortis, il semble que Vica a abandonné la musique malgré son talent indéniable.
Le quatrième, lui, possède le plus triste des destins. J’ai partagé le banc avec Derrick (nom d’emprunt également) dès la quatrième année primaire. Trois ou quatre ans après les secondaires, j’ai entendu qu’il avait embrassé la carrière musicale. Nous nous sommes croisés quelques fois avec une guitare en main. Et il m’a fait un petit freestyle. Quelle voix, il avait le bougre ! Il a aussi participé dans une édition Primusic. Je ne sais pas ce qu’il est devenu aujourd’hui. Aucune de ses chansons – s’il en a sorti – n’est connue du public. Avec son talent, on ne serait pas en train d’écouter les tintamarres que certains prétendent être des hits.
Je vous raconte ceci, car j’ai peur que cette compétition qui a été lancée en 2012 ne commette la même erreur cette année : sacrifier les talents burundais sur l’autel du profit. Cependant, cela peut-être évité. Je m’explique.
Assurer le service après-vente
Ce n’est pas que la Primusic a failli dans sa mission, celle de suivre la carrière d’un gagnant (ou des participants) d’une compétition musicale. Seul Kendji Girac qui a remporté The Voice (France) en 2014 a connu un succès mondial. D’autres gagnants ont eu une carrière brève, mais contrairement à la Primusic, ce genre de compétitions dans les pays occidentaux offre aux gagnants un suivi assez envieux. Même ceux qui ne gagnent pas, ils arrivent à voir leurs carrières décollées (Slimane, Louane) grâce à l’exposition qu’offre la compétition. Sans doute que je compare l’incomparable. Soit. Espérons que la Primusic a, cette fois, prévu des mécanismes de suivi.
Aujourd’hui, il y a un jeune homme qui prépare sa voix pour aller conquérir la scène primusicienne. Il y a une jeune fille qui est en train de choisir LA chanson qu’elle va chanter devant le jury de Primusic. Je plaide pour que ces jeunes ne puissent pas voir leurs rêves s’évanouir. Que le comité d’organisation prépare le service après-vente, l’après Primusic. Que les finalistes puissent aussi accéder sur l’estrade du succès. Rien ne fait mal au cœur qu’un rêve inachevé.
Nul ne doute que cette année, nous allons découvrir de nouveaux talents (je salive déjà). Mais de grâce, Mme Primusic ne laisse pas tes enfants s’en sortir seuls après que tu les aies révélés au monde. Comme une bonne mère couvre ses enfants d’amour et d’affection, qu’il en soit ainsi pour les candidats, surtout les finalistes.