Comme tous les vendredis, à 9h heures tapantes, le landerneau ‘’yaguiste’’ s’est réuni pour scruter à la loupe ce qui a fait l’actualité au pays de lait et de miel. Un seul sujet a monopolisé les débats : la pénurie persistante du carburant et ce que certains parmi les gratteurs de papiers ont appelé les ‘‘fausses bonnes solutions’’. La dernière en date : la distribution digitalisée du carburant qui fait des émules, mais qui ne manque pas d’inconvénients. De la poudre aux yeux ?
Cette semaine a sonné le début d’une ère nouvelle avec la distribution 2.0 du carburant. Cette solution « miracle » pour en finir avec ce mal qui complique la vie des Burundais depuis plus de deux ans. Sauf que ce remède qui était attendu depuis un mois n’a pas permis une distribution fluide et ordonnée du précieux liquide. Les lamentations ont fusé après le début de l’utilisation de Igitoro Pass. Ce sujet ayant dominé l’actualité de la semaine, la rédaction de Yaga a passé presque deux heures à discuter en long et en large ; ‘‘Kuyica irya n’ino’’ (examiner le problème sous plusieurs les angles) est l’expression kirundi qui traduit mieux ce qui a été fait. Pas vraiment avec l’objectif de trouver une solution.
La première salve est venue avec un collègue vraiment aigri dont la voiture est garée à la maison parce qu’il n’a pas pu installer la fameuse application. Oui, la Sopebu a invité ceux qui éprouvent des difficultés à installer ou utiliser l’application de venir à son bureau pour solliciter une assistance. Sauf que le contrôle technique (un des documents exigés pour installer l’appli) de la voiture de notre collègue n’est plus valide depuis quelques jours. Pourquoi ne va-t-il pas le renouveler ? « Parce qu’il y a une longue file de véhicules devant l’Otraco qui délivre le fameux sésame » ; a-t-il expliqué. S’il y va, il raterait une journée de travail, voire deux.
« Au départ, on avait un seul problème. Maintenant, on en a trois »
Sur ce, un autre collègue, pas très optimiste lui non plus, essaye de résumer la situation. Si au départ, on avait un seul problème, en l’occurrence la pénurie de carburant, maintenant on en a trois. Deux nouveaux se sont ajoutés au premier : l’application Igitoro Pass, et la connexion internet. Il y en a qui, comme notre collègue, n’ont pas pu installer cette appli pour différentes raisons. Venir à la Sopebu ? Oui, mais imaginez quelqu’un qui fait du transport entre Ngozi et Ruzo avec sa petite voiture Probox. L’obliger à descendre à Buja pour solliciter l’installation de l’appli, c’est quand même coûteux et il faut avoir du carburant pour descendre et remonter. Tout cela, sans garantie qu’il aura le fameux liquide quand il aura enfin l’appli.
Si par chance, on parvient à trouver une station-service qui en a, soit la connexion ne marche pas et on est obligé d’attendre ou de rebrousser chemin. Soit c’est le téléphone du pompiste qui ne parvient pas à accrocher celui du client. Et avec ça, on oublie le nœud du problème. C’est à ce moment qu’un autre collègue, rompu à l’art de synthétisation des débats, prend la parole.
Un os à ronger jeté au peuple
Justement, il y a moyen de s’interroger sur certaines solutions qui ont été proposées jusque-là. A se demander si certaines n’ont pas été imaginés comme des os à ronger qu’on a jeté au peuple pour l’occuper et le détourner de la vraie question. On se met à discuter des déboires de cette application, alors que le vrai problème est l’incapacité à importer assez de carburant dont le pays a besoin. Cette solution d’Igitoro Pass n’a été inventée que pour rationner le carburant. Or, on rationne parce qu’il n’y en a pas assez.
Cela est d’autant vrai qu’aucun pays de la sous-région n’utilise un système digitalisé pour distribuer le carburant. Ils n’en utilisent pas parce qu’ils n’en ont pas besoin, simplement parce qu’eux n’ont pas de problème d’importation de ce produit. D’où il faut se poser la vraie question : pourquoi le Burundi n’est plus capable d’importer le carburant pour couvrir entièrement ses besoins, ces dernières années ?