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Patriote, tu ne feras point grève ! Vraiment ?

Aujourd’hui le monde célèbre la journée mondiale d’action en faveur du droit de grève. Ce droit, reconnu par la Constitution de la République, se heurte souvent à une certaine idée du patriotisme et les dérives que cela peut entraîner.

Les membres de la COSESONA ont dû suivre les propos du président de la République avec effroi. Les pauvres! Pour avoir brandi un préavis de grève, ils ont été traités de tout ce que l’on réserverait aux plus grands traitres de la nation par le numéro un. Pour couronner le tout, un licenciement systématique à quiconque oserait observer un mouvement de grève.

Quelques jours après, ce sont les enseignants vacataires de Bubanza qui goutent à cette sauce. Les discussions directes entre les administratifs et les administrés sont la dernière mode.  Lors d’un de ce fora à Bubanza, ces enseignants qui demandaient de percevoir trois mois d’arriérés ou d’enclencher un mouvement de grève ont également été refroidis dans leurs revendications, pourtant légitimes. Monsieur le gouverneur n’y est pas allé de main molle. Tu grèves, tu es viré et en fin de compte tu crèves de misère. L’équation est simple. Amère.

Qui oserait sacrifier son emploi à l’autel des revendications ? Personne. À ce qu’il paraît,  les grévistes ne pourraient même pas siroter une bière calmement dans un bar. « Ils vous administreront des baffes-rires de l’assemblée- […] combien êtes-vous pour faire face aux 12millions de Burundais ? »

L’épée de Damoclès est terrible. Une tapée de jeunes très compétents est sur le qui-vive pour prendre la place de ces renégats. Une jeunesse qui n’a besoin que de trois mois pour se muer en enseignants chevronnés. 

Pourtant, de grooooos pourtant

Cette même population qui ne comprendrait pas pourquoi et comment les enseignants emprunteraient la voie de la grève a massivement voté pour une constitution qui reconnait le droit de grève. Étonnant, non ?

La rengaine est de frapper du sceau d’« ennemi de la nation » toute personne qui s’écarterait des ornières de la doxa dominante. Cela ne touche pas que les enseignants. Toute personne qui penserait à exercer le droit que lui confère l’article 37 de la Constitution de la République aura une bonne trouille bleue.

Le patriotisme, ça serait aussi ça si on en croit les arguments de certains chauvins. « Les grévistes seraient en manque de patriotisme », scandent-ils. Comme si,  à l’image de Moïse qui,  après un long conciliabule avec Yahvé au sommet du mont Sinaï, est revenu avec les tablettes de la Loi, il y aurait un illuminé qui a rencontré le Patriotisme et à qui ce dieu de l’amour de la patrie aurait écrit avec l’éclair : Patriote, tu ne feras point grève. 

Ce ne serait pas étonnant, les similitudes entre Israël et le Burundi sont légion. Vous n’avez pas entendu quelqu’un vous dire que nous sommes les seuls pays qui avons un drapeau avec une étoile à six sommets, que notre salutation « Amahoro » est la réplique conforme à l’original de « shalom » ? 

Pour les ultras, c’est l’eau du Burundi, du Nil pour la nuance, qui a sauvé le petit Jésus d’une déshydratation certaine lors de la fuite en Egypte. Épatants, nos nationalistes. Et dans ce pays de lait et de miel, certains pensent  aux grèves …

 

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