article comment count is: 2

Mort de Rwagasore : les détails que vous ignoriez sur le déroulement premier procès

Dernièrement, des jeunes de Kirundo débattaient sur le procès des assassins du prince. Le déroulé de ce double procès reste largement méconnu du grand public. Zoom sur le premier.

La tension est palpable dans le royaume du Burundi. Le prince est enterré sur les collines surplombant Usumbura mais il est plus que vivant dans les esprits des Barundi. Les institutions issues des élections du 18 septembre 1961 veulent clore l’affaire et faire toute la lumière sur la fin tragique de Rwagasore.

Cependant, la décision d’Henri Spaak, ministre des affaires étrangères belge, les freine dans leur élan : l’autonomie du Burundi sur les affaires judiciaires est levée. Conséquence, les autorités burundaises sont tacitement mises à l’écart. L’Assemblée Nationale prend cela pour un affront et fait savoir d’ores et déjà qu’elle rejettera tout verdict prononcé par une juridiction qui n’inclut pas la partie burundaise.

Le pouvoir tutélaire ne change pas pour autant de cap.  Le 19 février, soit deux jours après la sortie de l’Assemblée Nationale sur sa position, la première séance a lieu. Sur le banc des accusés se trouvent Kageorgis Jean, Ntakiyica Jean Baptiste, Nahimana Antoine, Ntidendereza Jean Baptiste, Iatrou Mihel, Birori Joseph, Bigirindavyi Pascal et Archaniotis Liverios.

Le procès proprement dit et ses soubresauts

Au total, il y a eu sept séances. C’est lors de la quatrième, celle du 12 mars 1962, que les accusés sont entendus pour la toute première fois. Les trois autres ont été le théâtre de pugilats d’argumentations d’hommes en toges pour savoir si le tribunal était compétent pour traiter l’affaire.

Ce 12 mars, les accusés doivent se prononcer sur quatre chefs d’accusation : meurtre avec préméditation, complicité de meurtre avec préméditation, détention illégale d’armes ainsi qu’atteinte à l’autorité de l’Etat.

Kageorgis prend la parole en premier. Il affirme qu’il n’était plus maître de ses facultés au moment des faits. « Je regrette mon acte, je ne sais pas ce qui m’a pris », avoue le grec. Il continue en disant que ce brusque « moment d’égarement » l’a pris soudainement lorsque Nahimana lui a dit que Rwagasore prenait un verre avec des amis.

Ntidendereza quant à lui nie toute interférence du conflit Batare-Bezi. « Rwagasore était un bon ami à moi et les Batare n’avons rien contre Mwambutsa et sa progéniture », insiste le leader du Parti Démocrate Chrétien. Birori, lui, nie et rejette en bloc toutes les accusations.

Le lendemain, c’est Ntakiyica qui est auditionné en premier. Il doit répondre sur des soupçons qui pèsent sur lui à propos des guet-apens qui ont failli emporter la vie du prince à Gitega au domicile de Joseph Bamina et quelques jours après sur le pont de la Mubarazi. Ntakiyica jure par tous les dieux qu’il n’a rien à voir avec tout cela. « Même dans mes pires cauchemars, je ne me verrais attenter à la vie de Rwagasore ». À la question de savoir pourquoi il était dans la même voiture que Kajeorgis, il répond tout simplement qu’ils avaient une partie de chasse ensemble de prévue. Bigirindavyi Pascal et Ntakiyica Jean Baptiste nieront également toute responsabilité.

Premier verdict et réaction des autorités burundaises.

Me Humblet, l’avocat de Kageorgis, tente le tout pour le tout pour sauver son client Kageorgis lors de l’ultime séance du 15 mars. Après avoir reconnu la gravité de ce qui lui était reproché, il lui cherche des circonstances atténuantes. « Si mon client était vraiment animé par une mauvaise foi, il aurait pris directement la fuite. Il aurait pu fuir pour échapper à la justice », avance l’avocat pour essayer d’avoir une remise en liberté de Kageorgis, ce qui serait, selon lui, « un signe de paix, un gage de réconciliation. »

Me Humblet sera suivi dans cette démarche par Me Aronstein qui tentera quant à lui de sauver Nahimana Antoine et Ntakiyica Jean Baptiste. Il commencera par vanter les mérites de Rwagasore, « une grande perte pour le Burundi» soutient-il. Après cela il embrayera sur les raisons qui devraient inspirer la cour à acquitter ses clients. En s’appuyant sur ce qui s’est passé au Rwanda lors de la Révolution sociale de 1959, il jouera la carte de la jurisprudence. Après les accrocs qui ont suivi ce mouvement outre-Kanyaru, une amnistie générale a été mise en place. « Cela est une preuve de bonne volonté politique pour asseoir une société paisible. L’acquittement des accusés serait un très bon signe que le pays va carburer aux valeurs comme la réconciliation », soutient Me Aronstein.

Au final, la cour donnera ce verdict : Kageorgis et Nahimana Anatole sont condamnés pour la peine capitale, Ntakiyica Jean Baptiste pour 15 ans, Archantions Liverios pour 2 ans et 7 mois, Bigirindavyi Pascal écopera de 7 mois fermes. Pour Ntidendereza Jean Baptiste et Birori Joseph, la sentence a été mise en délibéré.

L’Assemblée Nationale, par la voix d’un communiqué signé Thadée Siryumusi, rejettera cette décision.  Jean Ntiruhwama, le ministre de l’intérieur emboîte le pas à Siryuyumusi par un message diffusé à la radio Usumbura. Il appelle les Burundais à la sérénité « pour que les émeutes ne soient pas un prétexte pour ceux qui veulent saboter l’accession du pays à l’indépendance ». Le ministre, père de la diva Khadja Nin, mettra en garde la Belgique que «  si il y a une seule évasion, le procès sera entre le Burundi et la Belgique parce que l’affaire devra être reprise à zéro ».

Nous reviendrons sur le deuxième et dernier procès ultérieurement.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (2)