L’assassinat du prince Louis Rwagasore le 13 octobre 1961 a été suivi de deux procès : celui mené par la tutelle belge ainsi que celui mené par les nouvelles autorités du Burundi indépendant. Mais pour la population de Kirundo, ce sont des procès qui sont loin d’être convaincants. Débat.
Les jeunes de Kirundo sont loquaces quant aux mobiles derrières l’assassinat du héros de l’indépendance du Burundi. Pour Gérard Rugemintwaza, c’est parce que Rwagasore s’est opposé aux Blancs pour réclamer l’indépendance perdue avec la colonisation allemande et belge. Sans oublier la victoire de l’Uprona qui aurait irrité la tutelle belge.
Et pour Richard Bigirimana, c’est un Rwagasore qui, de retour de l’Europe, essayera de rassembler les Burundais pour leur émancipation. Les coopératives qu’il a propulsées s’inscrivent dans cette logique. Mais c’est surtout quand il s’associe aux autres burundais, Mirekerano, Bankumuhari et autres pour fonder l’Uprona. C’est donc tous ces actions qui le mèneront au trépas.
Des propos qui ne sont pas très différents de ceux de l’historien Jean Marie Nduwayo. Sauf que lui ajoute une autre dimension. Celle relative au conflit Bezi-Batare. Un conflit de longue date qui a joué un grand rôle dans le conflit Uprona-PDC et que la tutelle ne s’empêchera pas d’instrumentaliser, au point de coûter la vie au fils de Mwambutsa.
Les mobiles de l’assassinat, explique toujours Nduwayo, sont aussi à chercher dans les élections de 1961. Des élections dont l’Uprona est sorti vainqueur, au grand dam de ses rivaux.
Quels acteurs dans l’assassinat de Rwagasore ?
Sezirariha Aimé Pascal y va tout droit. Pour lui, sûrement que les « colons » y sont pour quelque chose, eux qui ne voulaient pas voir le Burundi indépendant. Une idée partagée par Arthemon, pour qui la tutelle belge vient en premier lieu. Elle qui ne voulait pas l’indépendance et qui voudra à tout prix se débarrasser de lui. Elle fera donc feu de tout bois pour le supprimer.
Mais pour Christian, on ne peut pas le nier. Il y a aussi des Burundais responsables de la mort de Rwagasore. N’oublions pas les divergences sur la question de l’indépendance. Des divergences qui opposeront l’Uprona de Rwagasore au PDC de Birori et Ntidendereza.
C’est aussi le point de vue de l’historien Nduwayo qui trouve que si l’on ne peut pas ignorer le rôle de la tutelle, la famille princière, les Batare du PDC sont à incriminer. Mais pas tous les Batare, tient-il à nuancer. Et ils recruteront Kajeorgis pour le coup.
Mais pourquoi Kajeorgis ?
Pour Arthemon, Kajeorgis a été choisi parce qu’il était un bon tireur. Celui qui ne pouvait pas rater son coup. Mais pour Jean Bosco Mukama, c’était aussi pour des raisons pécuniaires. Quant à Charles, c’était surtout pour que les principaux commanditaires ne se salissent pas les mains. Ils trouveront donc l’aide d’une tierce personne.
Pas que ce statut de bon tireur. L’historien Nduwayo apporte une précision. Kajeorgis était l’ami de la famille Baranyanka (père de Birori et Ntidendereza, patron du PDC). C’est normal donc qu’ils l’aient choisi pour la sale besogne. Il faut aussi ajouter la dimension idéologique : Kajeorgis était le neveu d’un certain Iatrou, du nom de ce commerçant qui avait fui le Congo. Un capitaliste qui ne digérait pas un Rwagasore qualifié de communiste.
Quid des procès ?
Ce meurtre du héros de l’indépendance du Burundi sera suivi de procès. Et la population de Kirundo en sait quelque chose. Pour Abraham Safari, il y aura des procès, surtout contre les membres du PDC et les fils de Pierre Baranyanka.
Nuance de Charles pour qui ce ne sont pas seulement les membres de la famille Baranyanka. D’autres aussi seront emprisonnés. Surtout certains chefs au nord du pays, dans les régions de Kirundo et Muyinga aux mains des Batare.
Mais pour Vénérand Hitimana, ce fut des procès fait à la va-vite pour étouffer la vérité ou pour plaire à la famille Rwagasore. Pour lui si les accusés n’avaient pas été condamnés à mort, ils auraient peut-être pu donner de la lumière sur les vraies raisons de l’assassinat.
En tout, il y a eu quatre procès. C’est la lumière apportée par l’historien Jean Marie Nduwayo. Et malgré qu’il y avait un gouvernement de Rwagasore, ce sont les Belges qui s’occuperont du dossier dans un premier temps. Et ils feront vite parce que la date de l’indépendance approchait à grand pas. Il y aura donc un procès en première instance et l’autre en appel. En mars 1962. À l’issue du procès, seul Kajeorgis sera condamné à mort.
Avec le Burundi indépendant, explique toujours Nduwayo, André Muhirwa, successeur de Rwagasore reprend le procès en septembre 1962, malgré l’opposition de la Belgique. Au terme du procès, 5 personnes sont condamnées à mort. Ici aussi, il y aura des recours qui seront rejetés. Nous sommes en janvier 1963.
Mais, à croire Arthemon, ce sont des procès qui n’ont pas levé toutes les zones d’ombre. Pour lui, le besoin de faire la lumière sur cette question s’impose. On y reviendra.
Murakoze kuza muratwigisha akahisi kacu