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Mkombozi, le Che Guevara qui fait de moi un Thomas

Après six années d’exil, le rappeur Thomas Nzeyimana, Mkombozi pour la scène, est de retour au bercail dès ce 23 juillet. Sera-t-il le même artiste à la plume libre ou s’autocensura-t-il ? Evasif lors de la conférence de presse à son arrivée, la question me taraude.

« Hasta la victoria siempre », toujours jusqu’à la victoire. Cette phrase du Che a été popularisée au Burundi par Mkombozi que certains de ses fans l’ânonnaient sans en savoir ni la signification ni de son contexte originel. Qu’importe ! Son flow et ses paroles engagées ne donnaient pas droit de cité aux errements étymologiques.

Révélé au grand public par le sulfureux « Zawadi ya mwaka » aux cotés de ses grands frères de Makamba, BigFizzo et UncleCrazy, l’upcoming du camp des réfugiés de Mutabila en Tanzaniea imprimait dans l’univers musical burundais sa signature : des morceaux qui parlent des maux de notre société et dénoncent leurs auteurs dans une langue maniée avec brio. 

Mkombozi n’hésitait pas à s’attaquer aux gros dossiers brûlants de l’actualité ou à s’adresser aux plus hautes autorités du pays en jouant les redresseurs des torts. Chroniqueur sans ambages de son temps, il ne lui a pas fallu une éternité pour s’adjuger la sympathie des mélomanes. Ces derniers le portèrent jusqu’au sacre de la troisième édition de Isanganiro Award avec la chanson Urudubi qui traite des inégalités sociales, l’injustice, l’opportunisme des politiques et autres maux sociétaux.

Cette audace n’a visiblement pas plu à tous. Ceux qui se sentaient morveux se sont mouchés. Dans la foulée de la crise de 2015, les artistes engagés comme les reggaemen de Lion Story ont du fuir. Mkombozi qui avait déjà connu l’amère expérience de vie de réfugié est contraint de quitter le pays. Un bon artiste est un artiste vivant.

Après la sortie de Nzeyimana, un morceau où il se met tour à tour dans les peaux de politiciens véreux, criminels, religieux hypocrites, sympathisants de partis politiques intolérants et j’en passe, les menaces deviennent sérieuses. Confondu à Thomas, son ami artiste Elly’s boy est passé à tabac peu après. Le temps n’était plus à gamberger. L’exil était la seule solution.

Qui de Darwin et Che Guevara vaincra ?

La théorie darwinienne soutient que seules les espèces qui parviennent à s’adapter échappent à la disparition. De l’autre coté, le guérillero que notre Mkombozi national adoubait (adoube encore peut être, qui sait ?) clame qu’il faut toujours rester fidele à ses principes et aller jusqu’à la victoire.

Dans un long format paru dans le journal Iwacu habilement intitulé « Burundi /musique : s’engager ou dégager », le journaliste Abbas Mbazumutima pose la question si « l’on peut écrire, chanter librement au Burundi. »

Dans une interview qu’il a accordé à Iwacu pour ce long format, Mkombozi fustigeait  un  « comité de censure » mis sur pied par l’Amicale des musiciens du Burundi avec l’appui du Conseil national de la Communication », qui donnait l’impression, disait-il, « de protéger et mettre à l’abri la classe politique dirigeante des critiques constructives éventuelles. »

Depuis 2015, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. De nouvelles donnes se sont installées. La chanson engagée n’existe presque plus. La prudence, le politiquement correct et, diront certains, l’esprit patriotique ont pris les devants.

Que va alors nous offrir le désormais born again ? Va-t-il encore tremper la plume dans les arcanes du pouvoir ? Va-t-il garder la même philosophie ou va-t-il se mouler dans l’écosystème musical actuel et adopter son modus operandi ? Le temps nous le dira et surtout, bon retour au pays, Thomas!

 

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