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Bahaga, le porte-flambeau de la musique engagée ?

Trois décennies, trente ans que la scène musicale burundaise a connu l’entrée fracassante de Burikukiye Prosper Magloire Christian Martial, alias Bahaga. Les mélodies chargées d’émotions de celui alors considéré comme un « voyou » ont agacé l’« élite » de son époque. Engagée, voilà un mot qui colle bien avec sa musique. 

Il débute la musique du haut de ses 15 ans mais n’ose pas demander à ses parents de lui offrir une guitare. Selon lui, le grand problème des Burundais est de ne pas laisser leurs cœurs parler. Ils passent par des détours, il y a toujours un mot pour signifier plusieurs choses. Ils cachent même l’amour. Quid de l’univers musical dans lequel Bahaga a évolué ? 

« Il faut savoir que ma première année sur le banc de l’école en 1968 correspond au début des années folles comme on les appelait, mai 68, les années yeye, les années Peace and Love. L’unique radio du pays qu’on écoutait diffusait beaucoup les chansons hippies. On écoutait Johny Halliday, Sheila, les Beatles, Sylvie Vartan et les grands qui portaient tous des coiffures afro, des pantalons pattes d’éléphant, donc j’ai gardé un bon souvenir de tout cela et je crois que la musique était un départ pour me recréer ce monde-là », dit-il dans une interview accordée à afrique.fr.

« Indege irahinda », le reflet de l’appréhension des Burundais

Après les concerts-chocs du 22 juin 1991 à Musaga et à « l’Odéon Palace », puis à Ngozi la même année, il dépeint avec délicatesse, dans un contexte sociopolitique aigri, l’intolérance qui régnait dans la société burundaise ces années-là. Ses chansons suscitent de l’espoir auprès des jeunes affiliés à l’idéologie politique opposée à celle des dirigeants de l’époque. 

Le vrombissement d’un avion est a priori un fait anodin. Mais pour un Murundi pur-sang, cela est vecteur d’un tas de significations et d’un imaginaire qu’un étranger aura du mal à comprendre. Le morceau « Indege irahinda » tel que chanté par Bahaga se veut être le reflet de l’appréhension très susceptible d’un Burundais lambda par rapport à certaines thématiques. Tout un art de dire pudiquement ce qu’on n’osait pas dire à haute voix en ces temps pas si lointains qua ça. Trop engagées peut-être, ses chansons ? L’intéressé ne le voit pas ainsi : « A titre d’exemple l’inanga (cythare) Sindirimba de Melchior Ntahonkiriye n’a jamais irrité les Burundais, pourtant elle était aussi politique que Ikinjana ca 20 », dira-t-il.

 « Comme pour mes autres chansons je vous invite à aller plus loin que le premier degré, à ce moment vous comprendrez que mes chansons signent le premier rôle et moi je joue un petit rôle, des fois je suis un figurant parce que la chanson s’écrit d’elle-même et je ne suis que le scribe. Donc, c’est bien de se poser des questions de qui « Yasa n’irirenga » et « Abatware» peuvent s’agir mais aussi de trouver les réponses parce c’est là où se situe le but du jeu. » révélait-il, le 25 avril 2011.

La bonne musique est universelle, peu importe le registre de la langue

Comparés aux tubes de l’ancienne époque, ceux d’aujourd’hui revêtent un ton particulier et sont d’une écriture à fort accent mondain. Le vent de l’Ouest a soufflé fort, même jusqu’aux choix des titres. Les exemples ne manquent pas. A la place des titres comme Ikinjana ca 20, Garukir’aho, Yasa n’irirenga, etc., actuellement ce sont des titres du genre Humm, Mwoo, Ndakesera, Korayo, etc. Aucun jugement de valeur à ce point. L’opinion, dans la sphère de l’ « indastri », dira que les temps ont changé, que le monde a évolué et qu’il faut sortir du lourd. Après s’être gavé des tubes du moment présent, ne serait-il pas temps de penser à des tubes moins lourds certes mais porteurs de « messages d’espoir »? Qu’à cela ne tienne, la bonne musique, elle est universelle, peu importe le registre de la langue.

 

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