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Militaire et bistrot : un vilain couple

Trois vies innocentes viennent d’être fauchées en moins d’un mois. Le point commun : ces trois atrocités ont été commises dans des cabarets, par des militaires qui ont tiré à bout portant sur des civils désarmés. S’agirait-il des cas fortuits ou y a-t-il anguille sous roche?

Le 14 avril, une information a fait la une des réseaux sociaux. Un militaire caporal a tué un civil non armé dans un bar à Bubanza à cause d’une histoire de carte mémoire. Imaginez-vous perdre la vie pour une banale affaire de carte mémoire ! La pilule est dure à avaler. Et malheureusement, le cas n’est pas isolé. Quelques jours avant, à Bujumbura, c’était un autre militaire, cette fois-ci un officier, qui avait fusillé un serveur ayant refusé de lui servir une bouteille de bière dans un bar de Musaga. Et comme tout cela ne suffisait pas, un autre militaire de Muyinga a assassiné un chef de quartier venu constater une bagarre entre le militaire en question et un civil, dans un bar de la place. Que d’histoires  tragiques! Mais tout de même, la justice a été implacable et leur a infligé de lourdes peines.

Cela n’est pas sans conséquences. Bernard, cabaretier à Gitega, confie qu’il y a un jour, alors que son bar était bombé de clients, il a eu du mal à retenir ses clients qui se sont éclipsés quand deux militaires sont venus boire chez lui. Il a expliqué que les civils ont de plus en plus peur de prendre un verre dans un bar où il y a des militaires.

Ont-ils le droit de se rendre dans des bars avec des armes de service ? 

Contacté au téléphone, Colonel Floribert Biyereke, porte-parole des Forces de Défense National du Burundi (FDNB) a fait savoir qu’il est strictement interdit aux militaires de se rendre dans des bars avec les armes de service. Un militaire qui se rend dans un bar avec son arme de service s’expose à des sanctions. Il est même interdit d’aller prendre un verre au cabaret en tenue militaire. Seuls les agents de transmission (AT) chargé de la sécurité des officiers sont autorisés à porter les armes dans ces lieux dans le cadre de leur travail exclusivement, a tenu à préciser le Colonel Biyereke. En outre, il a souligné le fait que les règles d’utilisation d’une arme sont claires. Celui qui l’utilise en dehors de ces règles est fautif et doit être puni conformément au règlement militaire. 

Comment comprendre le phénomène ?

Pour Acher Niyonizigiye, professeur d’Université, la possibilité d’un problème comportemental profond n’est pas à écarter, étant donné que les trois dernières décennies ont été jalonnées par beaucoup d’horreurs au Burundi. Le pays a des générations émotionnellement blessées qui portent les séquelles des horreurs vécues, en acteurs ou en victimes. Et ceux qui sont en uniforme militaire n’ont pas été épargnés. Pire encore, les Burundais sont des champions dans l’art de cacher la souffrance. Ils peuvent prétendre que tout va bien alors que c’est faux. Or, les blessures émotionnelles ne peuvent pas rester cachées indéfiniment. Elles finissent toujours par se trouver un canal d’expression, y compris ces dérapages des militaires.

Selon Niyonizigiye, avec ces crimes qui se commettent à une telle vitesse, une enquête approfondie devrait être menée. Cela parce qu’un phénomène aussi abominable ne devrait pas être passé sous silence. « C’est comme cela qu’on pourra y apporter des solutions efficaces et durables », d’après cet expert.

 

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